Michel Hidalgo l'ex-sélectionneur de l'équipe de France de Football est décédé ce jeudi 26 mars à l'âge de 87 ans. Il fut aux commandes de la fameuse "bande à Platini", cette équipe dont faisait partie Marius Trésor en 1982 lors de la coupe du monde en Espagne. Depuis Bordeaux où il réside, Marius Trésor s'en souvient.
Quelle est votre première réaction au décès de Michel Hidalgo et comment l’avez-vous appris ?
Jean Tigana m’a envoyé un sms tout à l’heure en début d’après-midi, en me prévenant du départ de Michel, et quelques minutes après Henri Emile m’a appelé. Je suis très triste. Michel était d’abord un homme de dialogue, il aimait parler avec nous. C’était aussi un grand sélectionneur qui savait choisir ses hommes, et puis il aimait bien les Antilles. Il avait pris Gérard Janvion, Alain Couriol et moi-même.
Mais avant tout, l’homme était une personne magnifique, j’ai eu la chance de l’avoir connu beaucoup plus longtemps que les autres. J’ai perdu plus qu’un sélectionneur, c’était un gars merveilleux, un grand petit bonhomme, ce genre de bonhomme je ne sais pas s’il en reste beaucoup en France.
Vous souvenez-vous de son arrivée aux commandes de l’équipe de France ?
Oui très bien, mais il est dabord arrivé en 1972 comme adjoint de Georges Boulogne qui était le sélectionneur, puis de Stefan Kovacs. C’est tout à fait naturellement qu’il a pris la place de Kovacs quand celui-ci a quitté l’équipe de France. Et il connaissait déjà les rouages des Bleus, il était discret et ouvert.
Malheureusement son premier match en 1976 s’était soldé par une défaite en Hongrie, on avait perdu 0-1. Mais, après, au mois de septembre, on a commencé la belle aventure avec lui, et le 9 Octobre je me rappelle du célèbre match nul en Bulgarie, vous vous rappelez celui où Thierry Rolland avait traité l’arbitre Mr Ian Foote de "S….."
Un match très particulier pour vous, Marius, ce Bulgarie France ?
Il y en a eu beaucoup, mais c’est vrai, je m’en souviendrai encore plus car c’était mon premier capitanat. J’étais le premier surpris. Quelques jours avant de partir en Bulgarie, lors d’une causerie, Michel annonce devant tout le monde que je suis nommé capitaine, sans me prévenir. En fait, on a alterné avec Henri Michel à cette époque. La raison était simple, en 1976 les deux plus anciens étaient Henri Michel et moi.
Lors de la tournée en Amérique du sud en 1977, Henri était capitaine contre l’Argentine, et moi contre le Brésil le fameux match du Maracaña (dans ce match Marius Trésor égalise d’une superbe tête en pleine lucarne). Bulgarie et Brésil, deux capitanats qui m’ont marqué.
Quel type de sélectionneur était-il ? Avait-il une garde rapprochée dans la grande équipe de 1982 ?
Quand il a pris la tête de l’équipe de France, c’est vrai que de temps en temps il me prenait à part pour qu’on puisse discuter de l’équipe. Mais c’est surtout lui qui avait le monopole de mettre son équipe en place, j’étais son interlocuteur privilégié.
Et puis en 1982, il avait nommé un groupe de garçons avec Platini, Giresse, Bossis et moi. On se réunissait après les causeries, on discutait de l’équipe, mais c’est toujours lui qui décidait de la composition en dernier. Il n’a jamais dérogé à ce principe, mais il aimait bien avoir l’avis des principaux acteurs.
En1982, au-delà du match France-Allemagne, vous gardez en tête une autre image particulière de Michel Hidalgo ?
Je me souviens de cette image forte, qui montre qu’il se préoccupait toujours de l’intérêt de ses joueurs et qu’il détestait l’injustice. En plein match France Koweït du premier tour de la coupe du monde, contestant la décision de l’arbitre, l’Emir du Koweït descend sur la pelouse. Je me rappelle très bien la haie d’honneur que lui ont fait les agents de sécurité. Et dans la minute qui suivait Michel est molesté par ces mêmes agents car il voulait s’interposer à l’intervention de l’Émir et rentrer sur la pelouse aussi. Nous, les joueurs on n’a pas tout de suite réalisé ce qui se passait. Bon, ça ne nous a pas empêché de gagner le match et très largement.
Vous arrêtez un an et demi plus tard, quelle a été sa réaction à votre égard ?
En 1983 au moment où j’ai quitté le groupe après 65 sélections, un problème de dos va me priver de l’Euro 1984. J’avais fait mon dernier match en bleu 0-0 en Yougoslavie mi-novembre. Et lors d’une tournée avec les girondins de Bordeaux aux Antilles en décembre, j’ai dû sortir lors du match en Guadeloupe tellement j’avais mal au dos. Je me suis fait opérer une première fois en février 1984, et là Michel m’appelle.
Il me dit garder toute sa confiance en moi si je retrouvais mes moyens, mais une deuxième opération en mai a eu raison de moi. C’était un vrai homme de parole.
Quand l’avez-vous revu pour la dernière fois ?
D’abord, je n’oublie pas que tous les ans on s’envoyait nos vœux mutuellement. On s’est revu à Marseille il y a un peu plus d’un mois en février, avec le Club des Internationaux de Foot, à l’initiative d’Henri Emile et de Jean Tigana. Il y avait essentiellement les champions d’Europe 1984 plus Christian Lopez et moi. Il était fatigué, il n’a pas reconnu tout le monde. Moi j’ai eu de la chance, il m’a reconnu. C’était émouvant, il était vraiment diminué. Et je me suis dit que c’était la dernière fois sans doute que je le voyais. Je ne sais pas, avec le confinement, si des obsèques vont pouvoir se tenir, mais une fois le confinement terminé, on fera surement un regroupement tous ensemble, pour lui.
Dans cette période pandémie du covid-19, Marius Trésor tient à délivrer un dernier message
J’aimerai que les Guadeloupéens respectent un peu les recommandations du gouvernement. On sait que grâce au confinement ça a l’air de marcher, alors qu’on arrête de se balader de droite à gauche, de se serrer la main. Ce que je souhaite c’est que, grâce au confinement, on arrive à s’en sortir.