Déconfinement : "Certains souffriront de stress post-traumatique"

Quelles conséquences psychologiques ont pu avoir ces 55 derniers jours de confinement ? Les psychologues Rosette Lysimaque et Claudie-Paule Clerc, respectivement Guadeloupéenne et Guyanaise, ont répondu aux questions d'Outre-mer la 1ère.
Alors que la France entame son déconfinement, les demandes de consultation auprès des psychologues vont augmenter, "c'est certain", affirme Rosette Lysimaque, psychologue clinicienne en Guadeloupe. Car le confinement, période marquée par l'incertitude et l'isolement social, a été vécu comme un traumatisme par certains. 

Rosette Lysimaque et Claudie-Paule Clerc, psychologue clinicienne en Guyane, répondent aux questions d'Outre-mer la 1ère.
 

►Est-ce que le confinement a pu avoir un impact psychologique sur la population ?


Rosette Lysimaque : C'est clair et net de façon générale et c'est valable pour tout le monde. Le fait de rester enfermé pendant tout ce temps, sans savoir véritablement ce qui va se passer, c'est une expérience inconnue. Et le cerveau a horreur de l'inconnu. À partir du moment où il est face à une situation qu'il ne contrôle pas, il se met dans un état de stress. Pour les gens qui ont besoin d'assise pour rester dynamique dans leur vie, c'est la panique. Ils vont vers une angoisse de mort : "J'ai tellement peur de mourir, de ce que le virus va faire". Mais tout le monde ne va pas être impacté de la même façon. Chez nous aux Antilles, l'histoire du confinement, on connaît. J'ai 56 ans et quand j'étais petite, chaque année, il y avait des annonces cycloniques. On nous disait de rester confinés chez nous, deux ou trois jours. L'idée même du confinement, on connaît. Mais dans la durée, là, on n'était pas préparé. Personne n'était préparé. 

Claudie-Paule Clerc : Dans ma patientèle, j'ai constaté des personnes qui avaient de grosses difficultées à accepter le confinement. Ils ne supportaient pas la frustration imposée. Du côté des petits, ils ne comprenaient pas pourquoi ils ne pouvaient pas sortir ou aller à l'école. Cela a eu pour conséquence des enfants nerveux, voire agressifs, capricieux… Des enfants pas bien du tout. Mais il y en a aussi qui acceptent la situation, pour qui porter le masque est un jeu. Chez certains adolescents, on note des malaises, une inquiétude face à leur avenir. Il y a beaucoup d'interrogations du type : "Je peux mourir ? Je peux attraper le virus ?". Quand je suis en consultation avec eux, ils se lavent beaucoup les mains. Chez les adultes on remarque une prise de poids, une angoisse. Des conflits parfois dans les couples et des femmes qui prennent plus de coups...
 

►À quoi devons-nous nous attendre maintenant que nous avons entamé le déconfinement ? 


Rosette Lysimaque : J'ai eu beaucoup de demandes de nouveaux patients. 80% d'entre eux font des crises de panique et veulent que je les aide à dépasser ce scénario. Les conséquences post-traumatiques pour ces personnes vont se traduire par la peur d'aller au travail, d'attraper le virus dans la rue... Mais cela ne concerne qu'une petite minorité. Ce qui est clair, c'est que les psys auront beaucoup plus de travail. Il va falloir faire retomber la pression et se débarrasser de la peur. 

Claudie-Paule Clerc : Je fais une partie de mes consultations dans le centre médical inter-armées de Cayenne où je briefe des militaires qui rentrent de missions. Pas immédiatement mais après quelques temps, on note une perte de l'appétit, de sommeil, du désir sexuel, de la nervosité, des pleurs, un malaise… C'est le syndrôme du choc post-traumatique. Après le confinement, certains souffriront de stress post-traumatique, surtout si un proche est décédé du coronavirus par exemple. D'autres non, cela dépend de chacun.
 

►Peut-on en tirer du positif ?


Rosette Lysimaque : Il y aura des conséquences positives extraordinaires. Face à une même situation que tous nous partageons, les gens se sont rapprochés. Les agriculteurs ont proposé de faire des paniers pour les emmener chez les personnes âgées, les couturières ont fait des masques, les liens familiaux se sont resserrés... Des tas de parents m'ont dit : "Mon ado partait en "live", j'avais des difficultés avec ma petite fille ou mon petit garçon... Et le confinement a ressoudé la famille". Confinés ensemble, ils étaient obligés d'écouter ce que l'autre disait et pouvaient faire des activités qu'ils ne faisaient pas ensemble avant.

Claudie-Paule Clerc : Certains ont trouvé leur compte pendant le confinement. Les couples ont par exemple pu faire des activités ensemble. Du côté des enfants et des adultes qui n'en peuvent plus, qui sont mal à l'aise, qui ne dorment plus… Mon travaille avec eux consiste à mettre un mot sur leur état, pour mieux le vivre.