Livres
De la violence coloniale dans l’espace public de Françoise Vergès et Seumboy Vrainom (Shed publishing). Situé à l‘une des pointes du Bois de Vincennes à Paris, le musée national de l’histoire de l’immigration constitue plus qu’un simple espace muséal. La politologue Françoise Vergès y voit la trace assumée du passé colonial de la France. Dans "De la violence coloniale dans l’espace public", elle revisite le triangle de la porte dorée constitué dudit musée construit pour l’exposition universelle de 1931, de la statue de la France en Athéna et du monument dressé à la gloire de la mission Marchand (en 1898, Jean-Baptiste Marchand est envoyé disputer la ville soudanaise de Fachoda aux Anglais), trois symboles de la colonisation. Pourquoi, ces marques sont-elles conservées ? Pourquoi celles des populations colonisées sont-elles quasi inexistantes ? Françoise Vergès revient utilement sur ce storytelling d’une France conquérante, contesté depuis toujours. Mais de façon plus visible ces derniers temps, avec le taggage de statues, voire leur déboulonnage depuis la mort violente aux Etats-Unis, le 25 mai 2020, de George Floyd à la suite de son interpellation par des policiers.
3 questions à l'autrice Françoise Vergès
Outre-mer la 1ère : De quelles statues parlez-vous dans votre livre ?
Françoise Vergès : Il s’agit de statues d’esclavagistes, de colonisateurs qui sont dans toutes les villes de France et d’Outre-mer. A mes yeux, ce sont des symboles du racisme qui n’ont pas à être là. Les statues ne sont pas l’Histoire. Ce sont des choix politiques à des moments donnés ; des personnes qui décident de mettre la statue de Gallieni (administrateur colonial) ou celle de Jean-Baptiste Marchand (militaire à la tête de la mission Congo-Nil) à tel endroit.
Outre-mer La 1ère : Quel sort souhaitez-vous réserver à ces statues ?
Françoise Vergès : C’est de les déplacer. Les statues ont toujours été déplacées. Ca ne serait pas la première fois. On parle de les mettre dans un musée. Je ne suis pas sûre que cela aide à comprendre la colonisation et le racisme. Ni pourquoi ces statues ont été mises à tel endroit, à quel moment et par qui.
Outre-mer La 1ère : Quel est votre message ?
Françoise Vergès : Mon propos est de dire que c’est un environnement hostile rappelant l’écrasement des ancêtres des franges des populations colonisées. Ce ne sont pas des personnes bienveillantes. La présence de ces statues dans la ville est toxique. Elles rappellent le dominant. Et moi, je suis pour les enlever. Quoi mettre à la place, ce doit être une vraie conversation. Surtout pas une décision venue d’en haut. Nous voulons mettre nos mémoires dans l’espace public.
Lexique des réparations de l’esclavage sous la direction de Magali Bessone et Myriam Cottias (éditions Karthala). C’est une affaire entendue. En France, les réparations liées à l‘esclavage n’ont pas de fondement juridique. Le juge l’a rappelé après s’être penché sur la loi Taubira du 21 mai 2001 reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. Il lui a "dénié toute portée normative du fait qu’elle ne prévoit ni ne permet l’indemnisation des faits de d’esclavage subis." Rien n’empêche de se plonger dans le Lexique des réparations de l’esclavage pour mieux cerner les différentes notions (dignité, droit, race, abolitions, etc…) associées au concept des réparations. Travail universitaire et pluridisciplinaire, cet ouvrage vise un objectif simple : aider à mieux apprécier les enjeux passés et contemporains des réparations.