La Première ministre a reçu ce mardi 11 avril à Matignon les délégations indépendantiste et non-indépendantiste pour discuter de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Les deux camps ont rencontré séparément Elisabeth Borne dans la salle de la Chapelle, où avaient été signés les accords de Matignon en 1988. La délégation indépendantiste du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) est arrivée à 9h30. La réunion entre la Première ministre et le camp non-indépendantiste s'est tenue dans la foulée, à partir de 11h30.
Matignon "fait le pari de l'intelligence collective"
Si le gouvernement reconnait que "ce format n’est pas le format idéal pour construire un avenir en commun", à Matignon, on se félicite du "fait que la délégation indépendantiste soit présente et se déplace à Paris". En octobre dernier, le FLNKS, convié dans la capitale par la Première ministre pour la première Convention des partenaires, avait refusé l'invitation.
Pour le gouvernement, le passage au format tripartite doit se faire rapidement, "si possible dans la semaine", même si Matignon reconnaît que l'hypothèse est "peu probable". "Chacun arrive à Paris avec un manque, les uns vis-à-vis du corps électoral, les autres vis-à-vis du droit à l’autodétermination, on pense que la rencontre de ces deux manques peut faire un accord, avance-t-on à Matignon. On fait le pari de l’intelligence collective."
Plusieurs heures de discussions
La Première ministre a reçu la délégation indépendantiste en présence du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et du ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco. La rencontre a duré deux heures environ.
Si les questions de l'autodétermination et du gel du corps électoral ont été mises au centre des discussions par le gouvernement, "on ne veut pas se restreindre à ce qu’ils nous proposent là, c’est-à-dire la discussion uniquement sur ces deux sujets", a déclaré Roch Wamytan au sortir de la réunion.
Seul membre de la délégation à s'exprimer après la rencontre, le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie a rappelé que si les sujets ont été "abordés rapidement", les indépendantistes souhaitent discuter plus largement de la question de la "trajectoire" vers l'indépendance. Même si une délégation de huit personnes est présente à Paris, dans un communiqué daté du 28 mars dernier, le FLNKS indiquait que "toutes les décisions importantes seront actées en Kanaky".
"Les positions sont tellement éloignées l’une de l’autre que, aujourd’hui, je ne peux pas vous dire grand-chose, a ajouté Roch Wamytan. On n’est pas entré dans les détails, nous avons toute la semaine pour en discuter, on verra à la fin de la semaine si on arrive à quelque chose."
Les non-indépendantistes reçus à leur tour
Les non-indépendantistes sont arrivés dans la cour de Matignon vers 11h30, alors que la délégation du FLNKS n'était pas encore sortie.
"On est arrivé au bout de l’exercice des bilatérales, il faut qu’on arrive à se parler entre personnes qui vivent en Nouvelle-Calédonie. On ne va pas continuer à avoir un État qui fait le lien entre les uns et les autres, on doit arriver à une séquence où tout le monde se parle", a déclaré la loyaliste Sonia Backès après la rencontre avec la Première ministre, qui a duré une heure et demie environ.
Dès l’instant où on arrive à se retrouver autour de la table, on arrive à trouver des solutions. Les clefs sont dans les mains des indépendantistes. S’ils veulent nous voir dès ce soir tous ensemble on les verra dès ce soir tous ensemble.
Sonia Backès
Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance au Congrès de Nouvelle-Calédonie, a salué "l’écoute très attentive de la part de l’État", notamment sur la question du corps électoral, puisque qu’il "conçoit que juridiquement, de toute façon, ce corps électoral ne peut plus perdurer".
"Nous avons défendu l’idée d’un grand accord, porteur d’un consensus définitif pour notre pays, afin que l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus des têtes des Calédoniens soit enfin levée", a expliqué Philippe Gomès (Calédonie Ensemble). Son parti veut refondre le droit à l’autodétermination, en ne prévoyant pas l'organisation de "référendums secs, ‘pour ou contre l’indépendance', qui clivent", mais d'éventuelles consultations sur un projet plus large.
Des rencontres jusqu'à vendredi
Les deux délégations doivent désormais rencontrer le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Les discussions dureront jusqu'au vendredi 14 avril. Le camp indépendantiste a été reçu au ministère de l'Intérieur dès ce mardi dans l'après-midi, celui des non-indépendantistes le sera jeudi. "Notre objectif reste d’obtenir un accord, de faire converger les vues, assure-t-on du côté de la place Beauvau. On n'aura sans doute pas l’opportunité de le faire cette semaine, mais l’objectif, c'est de le faire et de le faire dans les temps."
Le gouvernement espère trouver une suite à l'accord de Nouméa, qui a valeur constitutionnelle, rapidement, d'ici mai 2024, date des prochaines élections provinciales sur le Caillou. Mais si le gouvernement évoque une "date butoir", il se refuse pour l'instant à parler de plan B s'il ne parvient pas à modifier la Constitution, et donc à convaincre une majorité des 3/5e du Parlement réuni en Congrès à Versailles.