Les dirigeants calédoniens à Paris six semaines après le "non" à l'indépendance

L'hotel Matignon ou Lionel Jospin, Manuel Valls et Edouard Philippe ont suivi le dossier calédonien
Le comité des signataires se réunit à nouveau à Paris le 14 décembre, six semaines après le référendum qui a vu le "non" à l'indépendance l'emporter. Indépendantistes et loyalistes se mettent en ordre de bataille pour tenter de converger ensemble vers l'avenir.
Le Premier ministre Edouard Philippe reçoit vendredi l'ensemble des responsables politiques de Nouvelle-Calédonie, six semaines après le non à l'indépendance de l'archipel lors d'un référendum qui a durci le clivage entre indépendantistes et loyalistes. En visite éclair à Nouméa, dès le lendemain du scrutin, remporté avec 56,7% par les pro- Français, le Premier ministre avait annoncé une réunion du Comité des signataires de l'accord de Nouméa pour "tirer les conclusions du référendum".
  

Convergence


Son défi va consister à les faire converger alors que ce référendum, intervenu dans le cadre du processus de décolonisation graduel de l'accord de Nouméa (1998), a donné lieu à un vote identitaire sur cet archipel du Pacifique Sud, colonisé par la France en 1853. A gros traits, les Kanak ont voté oui à l'indépendance et les autres communautés non, suscitant des visions opposées de l'avenir.
 

Les indépendantistes "sur un petit nuage"


Ayant récolté 43,3% des voix, lors de ce vote historique auquel les Calédoniens ont massivement participé (80,62%), les indépendantistes sont depuis "sur un petit nuage", selon l'expression d'un haut-fonctionnaire. A l'unisson des sondages, tous les leaders de la droite avaient en effet prédit une défaite cinglante des partisans d'un divorce avec la France. Les vainqueurs se disent aujourd'hui "déçus".
 

Des élections provinciales en mai


Dans ce contexte, le parti indépendantiste FLNKS entend "profiter de la dynamique" à l'occasion des élections provinciales de mai 2019 et exiger ensuite une application à la lettre de la feuille de route de l'accord de Nouméa, qui permet la tenue d'un deuxième référendum en 2020 et d'un troisième en 2022. "Il faut rester en ordre de bataille pour les provinciales afin d'être victorieux en 2020", a déclaré au début du mois Daniel Goa, porte-parole du FLNKS, pour qui "seule l'installation du nouvel Etat" peut désormais être discutée.
 
Disposant actuellement de 25 élus sur 54 au Congrès, les indépendantistes espèrent en gagner "trois de plus" en mai, grâce "à des listes unitaires (entre les quatre partis du FLNKS, ndlr) dans les trois provinces". "On va prendre le gouvernement en 2019 et après on déroule", confie un militant kanak.
 

"Ca suffit"


En face, la droite loyaliste, qui doit en partie son résultat en demi-teinte à ses incessantes divisions, amorce un regroupement. Le week-end dernier, les deux branches des Républicains - les Républicains calédoniens et le Rassemblement-LR - ont annoncé la création d'un "front loyaliste" pour le comité des signataires du 14 décembre.

"Maintenant ça suffit, les indépendantistes ont obtenu beaucoup de choses, il faut arrêter les concessions", a asséné Sonia Backès, présidente des Républicains Calédoniens.
 


Dégel du corps électoral


Prônant "une logique plus ferme", ce "front" entend notamment demander à Paris le "dégel" du corps électoral provincial, restreint aux personnes présentes sur le Caillou depuis au moins novembre 1998. "Il n'est pas question que les Calédoniens qui veulent rester dans la France se fassent voler ces élections", a affirmé Mme Backès.

Ces formations sont en outre totalement opposées à la tenue de nouveaux référendums. Parti loyaliste majoritaire, Calédonie Ensemble (droite modérée) les juge "inopportuns" car "ils donneront le même résultat".
 

Dialogue et émancipation


"Les Calédoniens ne changeront pas d'avis, tandis que ce deuxième référendum va provoquer un attentisme économique et un climat déstabilisant", a déclaré le député Philippe Dunoyer (CE), qui prône une "poursuite de l'émancipation de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République" et dans le dialogue.

Conformément au souhait exprimé à Nouméa par M.Philippe, les "enjeux économiques et sociaux" seront également à l'ordre du jour du Comité des signataires. La Nouvelle-Calédonie est compétente dans ces domaines. Mais la France injecte chaque année environ 1,3 milliard d'euros dans ce territoire très autonome, dont les transferts publics et le nickel sont les principaux leviers de croissance.