À la veille du match d'ouverture de la Coupe du monde de rugby France - Nouvelle-Zélande au stade de France, l'ancien international Mathieu Bastareaud s'est confié à Outre-mer la 1ère. Le Guadeloupéen revient sur sa carrière, l'équipe de France, sa surexposition médiatique, le rugby aux Antilles et la Coupe du monde 2023.
Outre-mer la 1ère : Vous avez découvert le haut niveau à 18 ans. À cet âge, vous rêviez de quoi ?
Mathieu Bastareaud : À cet âge, on rêve tout simplement de jouer au rugby dans des stades pleins [à 18 ans, Mathieu Bastareaud évoluait à Massy en Fédéral 1 et avait été sélectionné en équipe de France pour une tournée en Nouvelle-Zélande, NDLR]. Après, quand on commence à jouer et côtoyer des coéquipiers qui, eux, ont eu la chance de gagner des titres, on ne pense qu’à ça.
Vous avez assimilé les codes du monde professionnel assez rapidement, avec notamment un passage en équipe première dès votre première saison au Stade Français. Comment expliquez-vous cela ?
Quand je suis arrivé, le club venait d’être sacré champion de France. Il y avait de très grands joueurs qui composaient cette équipe, comme Christophe Dominici. Donc forcément, il y avait une culture de la gagne et j’ai dû me mettre dans le moule assez rapidement.
En 2011, vous signez à Toulon qui est une ville de rugby à l'inverse de Paris. Qu'avez-vous trouvé là-bas ? Une vraie identité ? Un ancrage plus fort ?
À Paris, il y a plusieurs autres clubs et discipline, que ce soit le PSG, le basket et le handball. À Toulon, le rugby, c'est une religion. Forcément, quand j’ai mis les pieds sur la rade, on me l’a bien fait comprendre et je l’ai senti direct. C’est quelque chose qu’on ne peut pas décrire. Mais quand tu portes le maillot de Toulon, tu as une responsabilité envers tous les supporteurs et les Toulonnais.
Après une aussi longue et riche carrière, quel est votre meilleur souvenir en club ?
(Il sourit). Le premier titre de champion de France avec Toulon [en 2014]. La coupe d’Europe, c’était super aussi [il a été trois fois vainqueur avec Toulon en 2013, 2014 et 2015]. Mais le Brennus [trophée remis au vainqueur du top 14], ça a été une émotion à part. Pour moi, c'était un rêve de gosse. Ça faisait 22 ans que le club n’avait pas gagné ce trophée.
Vous connaissez votre première sélection en équipe de France en 2009. Quels souvenirs gardez-vous de ce moment unique ?
C’était un rêve d’enfant. Je pense que tout rugbyman qui débute ce sport, lorsqu'il regarde l'équipe de France à la télé ou quand il est au stade, son seul souhait, c'est d'être sur le terrain. Moi, c'est une chose que j'ai réussi à faire. (...) J’ai porté ce maillot avec fierté, et surtout devant ma famille au stade de France [lors de sa première sélection contre le Pays-de-Galle le 26 février 2009, NDLR]. On gagne, donc c’était la soirée parfaite.
Depuis quelques années, on constate que les joueurs du Pacifique ont remplacé les Antillais en équipe de France. Quelle est l'explication selon vous ? Les Antillais n'ont pas le rugby dans l'âme ?
Là-bas [aux Antilles], il y a du potentiel, mais je pense que le rugby n'est pas un sport qui attire. Cet été, j'y étais et j’ai pu constater, malgré l’engouement, que ça restait compliqué, notamment à cause des terrains. Toutes les équipes n’ont pas forcément un terrain à disposition. Puis en Guadeloupe, on sait que les sports qui font envie sont le football, le cyclisme et l’athlétisme.
À un certain moment, vous avez été l'Antillais le plus médiatisé du rugby. Avec du recul, que retenez-vous de cette période ?
(Il rit). Quand on est jeune, c'est flatteur, mais je pense qu'à un moment, je n’ai pas réussi à bien l’anticiper, le gérer. C’est arrivé assez rapidement, je suis passé de la troisième division à l’équipe de France en même pas un an et demi, deux ans. C’était peut-être trop tôt, mais c’était quand même une sacrée expérience
Vous avez disputé une seule Coupe du monde dans votre carrière, en 2015 au Royaume-Uni. Quel est votre meilleur souvenir de cette compétition ?
Ça reste le match d’ouverte contre l’Italie. C’était un objectif dans ma carrière, et puis je l’ai fait dans l’un des plus beaux stades du monde : Twickenham. (…) Disputer une Coupe du monde, ça donne des émotions. (…) À chaque fois, on a toute notre carrière qui défile dans notre tête, car on sait les sacrifices qu’on a fait pour arriver jusque-là. [L’équipe de France 2023], ils ont beaucoup de chance de la vivre en France.
Vous leur souhaitez quoi à cette nouvelle génération ?
Tout simplement de la remporter et de vivre chaque instant à fond. Jouer une Coupe du monde, c’est une chance, c’est un grand défi qui les attend. C’est vrai qu’ils sont favoris, tout le monde les attend. C’est vrai qu’en face, il y a de grosses nations, mais il faut qu’ils restent dans leur bulle. (…) Jouer une Coupe du monde, c'est beaucoup de pression. En plus, c'est en France, donc ça amplifie les choses. Je pense qu’il faut qu’ils restent décontractés comme ils le sont depuis le début.
Cette Coupe du monde à la maison, vous pensez que ça peut leur rapporter quoi ?
Je pense que ça fera basculer le rugby français dans une autre dimension. On a vu les effets que ça a pu avoir en 98 avec la Coupe du monde [de football]. Alors, il y a eu du bon comme du moins bon. Mais ça serait bien pour le rugby français. (…) Si le fait de voir Jonathan Danty [joueur antillais sélectionné par Fabien Galthié pour le Mondial] soulever la Coupe du monde, ça peut donner des vocations à des joueurs en métropole ou dans les Outre-mer, c'est tant mieux pour le sport.