En mars 2022, en pleine campagne électorale, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé faire de la drépanocytose une priorité de santé pour son quinquennat. Le chef de l'État s'était alors engagé à mettre en œuvre un plan de lutte spécifiquement dédié à cette maladie. C’est dans cette optique que plus d’un an plus tard plusieurs associations (dont certaines basées aux Antilles et en Guyane) ont décidé de passer à l’attaque en remettant un livre blanc à la ministre de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo. "Notre objectif est de rappeler au président de la République son engagement", prévient Laetitia Defoi, patiente drépanocytaire et cofondatrice de l’application Drepacare.
Le parrain de ce livre blanc à l’Assemblée nationale, Philippe Berta, va plus loin : “Nous attendons que le gouvernement accélère les choses, qu'il y ait une politique ambitieuse pour la drépanocytose. Il faut qu’ils [les membres du gouvernement, NDLR] fassent confiance à la recherche et plus particulièrement à la génétique et la génomique”, estime le député MoDem et président du groupe d’études "Maladies rares" dans l’hémicycle.
27 recommandations pour améliorer la qualité de vie des patients
Longtemps considérée comme une pathologie touchant exclusivement la diaspora africaine, la drépanocytose est une maladie génétique rare du sang, et peut affecter l’ensemble de la population. La France est le pays d’Europe le plus touché par cette pathologie, avec 600 nouveau-nés diagnostiqués par an. Les spécialistes estiment même que près de 20 000 à 33 000 personnes seraient atteintes dans le pays. “La drépanocytose n’est plus une maladie rare. [...] Aujourd’hui, cette pathologie est inégalement répartie sur le territoire français. Par exemple, en région parisienne, on compte une personne sur 600 atteintes”, souligne Philippe Berta.
Ainsi, face au nombre élevé de malades drépanocytaires en France, la coalition d’associations de patients a donc décidé de remettre à la ministre un livre blanc, composé de 27 recommandations. Leur but : “trouver des solutions pour améliorer la qualité de vie des patients”, précise Laetitia Defoi.
Renforcer le dépistage de la drépanocytose
Aux Antilles, depuis 1984, un dépistage néonatal systématique de la drépanocytose est effectué. Il a fallu attendre 1991 pour que cette mesure soit étendue en Guyane et à La Réunion et 1992, pour Mayotte. Mais, en France hexagonale, le dépistage à la naissance n'est pas systématique, la recherche se fait sur les "parents aux origines à risques, alors que cette pathologie, on sait qu’elle peut toucher tout le monde", alerte Laeticia Defoi. C’est pourquoi, l’une des recommandations fortes des associations est "que le ministère de la Santé et de la Prévention saisisse la Haute autorité de santé afin que cette dernière évalue la pertinence d’un dépistage systématique et universel de l’ensemble des hémoglobinopathies [des affections constitutionnelles conséquentes à des anomalies des hémoglobines, NDLR]".
Le dépistage généralisé de cette pathologie est un enjeu crucial pour les co-auteurs du livre blanc. "C’est un acte que l'on revendique, parce qu’un enfant non dépisté peut mourir", dit la cofondatrice de l’application Drepacare, elle-même durement touchée par cette maladie. Le député Philippe Berta, lui, préconise un dépistage généralisé car “beaucoup d’enfants non dépistés peuvent être porteurs de la maladie, sans le savoir. Cela peut être très dangereux pour eux, mais aussi ça peut les alerter pour le futur, au moment où ils voudraient avoir un enfant”.
Améliorer la prise en charge des patients
La drépanocytose est l’une des maladies génétiques les plus méconnues du grand public, mais aussi des professionnels de santé. Souvent, la prise en charge des patients est rendue difficile par une incompréhension des symptômes, de la part du personnel soignant. C’est en ce sens que plusieurs préconisations sont destinées directement à une amélioration des formations des professionnels de la santé. "Ils doivent intégrer la drépanocytose dans leur formation, mais aussi faire appel à des patients experts pour leur expliquer la maladie. Car c’est bien la physiopathologie, mais le côté humain est mieux", assure la Martiniquaise Laeticia Defoi, co-autrice de ce livre blanc.
De son côté, Philippe Berta, le parrain de ce livre blanc, critique la formation des soignants, remettant en cause le nombre d’heures accordées à la génétique et la drépanocytose, qu’il juge “intolérables”.
Nous avons généré des générations de médecins qui ont eu un contact avec la génétique que de quelques heures et c’était en première année. Maintenant, beaucoup de choses sont génétiques. Ainsi, il nous faut des praticiens, même de première ligne, qui soient formés à la question. Aujourd’hui, la réponse n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Philippe Berta, député
L’autre recommandation forte avancée dans ce livre blanc est la mise en place de campagnes de sensibilisation nationale et d’information autour de cette pathologie. "C’est important de démocratiser cette maladie. Le grand public ne s’en rend pas compte, mais le quotidien de ces personnes est compliqué”, indique Laetitia Defoi. Le manque de connaissance du grand public autour de cette maladie influe sur le quotidien, mais aussi sur la vie sociale, des malades.
Sur le plan professionnel, les drépanocytaires “ont une vraie perte de chance”, alerte-t-elle. Souvent obligées de s’absenter du fait de leur pathologie, les personnes souffrant de la drépanocytose sont le plus souvent sujets à des licenciements par manque d’information. "Notre idée est de faire savoir que cette maladie est génétique, et que tout le monde peut être impacté, et pas seulement les Noirs.”