Du sable vert sur une plage de la Caraïbe, un premier pas pour stopper le réchauffement ?

Répandre du sable vert sur une plage de la Caraïbe. Ça pourrait être le premier pas d’un grand projet pour stopper le réchauffement climatique. Le Project Vesta semble avoir des atouts. Le sable vert ou olivine faciliterait la suppression du CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre.
Comment limiter à 1,5 - 2 degrés le réchauffement climatique comme prévu par l’accord de Paris ? L’objectif, ambitieux, semble de plus en plus difficile à atteindre. Principal enjeu : réduire drastiquement et compenser les émissions de gaz à effet de serre comme le gaz carbonique, causes du réchauffement.
 

« Zéro émission net »

D’autant que le texte parle d’atteindre la neutralité carbone au cours de la deuxième moitié du siècle : c’est le « zéro émission net ». Les émissions de CO2 seraient compensées par les absorptions. Plusieurs solutions sont mises en œuvre ou proposées comme les puits de carbone : forêts, océans, restauration du climat, stockage du carbone. Pour atteindre elles même, indirectement, cette neutralité, en contrebalançant leur empreinte carbone, de grandes entreprises, comme Microsoft, ou Amazon financent certains de ces projets.
 

Project Vesta, de l’olivine sur une plage de la Caraïbe

Stripe, société de paiement par internet vient d’annoncer qu’elle en parrainerait quatre. En particulier elle va débloquer 250 000 dollars, pour aider le Project Vesta, un projet à but non lucratif, financé notamment par des dons. Fondé par une équipe basée en Californie, il est soutenu par des chercheurs du Monde entier.

Bien avant de songer à éliminer des milliards de tonnes de CO2, sa phase expérimentale passera par le déversement d’un sable vert sur la partie balayée par les vagues et marées d’une plage de la Caraïbe. Une plage dont la localisation reste secrète à ce jour. En fait le matériau est de l’olivine. Un minerai contenu dans les roches volcaniques basaltiques. Son nom vient de sa couleur vert olive. Il est parfois utilisé pour confectionner des bijoux, sous le nom de péridot.
 

Accélération d’un processus naturel

Au contact de l’eau et du gaz carbonique de l’air, ce silicate de fer et de magnésium s’érode, s’altère, et les réactions chimiques favorisent la transformation du CO2 en désacidifiant les océans. Cela permet la synthèse des composants des coraux, des coquilles d’animaux marins, et de rochers calcaires. Le projet est inspiré par la nature comme le décrit Eric Matzner, l’un de ses cofondateurs.
 

C'est le cycle naturel du carbone de la Terre, de la décomposition des roches et de leur transport par les cours d’eau vers les océans. Sauf que nous supprimons ces étapes. Et il y a un exemple à Hawaï appelé  Papakolea, qui est un ancien cône volcanique qui s’est ouvert et a libéré de l’olivine sur toute la plage avec un beau sable vert. C'est ce qui nous a inspirés et que nous modélisons. Et maintenant nous construisons un projet pilote dans les Caraïbes essentiellement sur le même modèle, celui de la formation naturelle. 

 

La Caraïbe à cause de ses eaux agitées et chaudes

Pourquoi une plage de la Caraïbe ? Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue à l’université Paris Saclay, explique ce choix à Outre-mer la 1ère :

 
Ce sont des eaux agitées qui avec le temps vont briser plus rapidement les grains d’olivine. Les surfaces de contact entre le minerai et le liquide vont donc augmenter. Ce phénomène et la chaleur de la mer, localement, vont accélérer encore les réactions chimiques et donc la transformation du CO2 

 

Pourquoi pas à terme le Pacifique et l’Océan Indien

 
Joint par Outre-mer la 1ère, Tom Green, directeur exécutif du projet ne cache pas son souhait que dans l’avenir, l’expérimentation ne se limite pas à la Caraïbe :

Il existe probablement de nombreuses plages qui conviennent dans divers pays. Nous en avons trouvé une qui a les caractéristiques que nous recherchons pour le pilote dans les Caraïbes. Nous serions ravis de travailler aussi avec des nations insulaires du Pacifique pour effectuer d'autres expériences. Et nous souhaitons explorer des sites dans l'océan Indien. 

 
Par ailleurs, "de l’olivine, il y en a partout et abondamment, en particulier à la Réunion", rappelle Jacques-Marie Bardintzeff, "il y a dans cette île des roches qui en sont très riches : les océanites. Et au bord de la mer, le basalte forme parfois un sable noir parsemé de grains verts d’olivine".
 

Un projet pharaonique ?

A terme, les cofondateurs du Project Vesta estiment que pour obtenir la neutralité carbone il faudrait déverser, chaque année, 7 milliards de m3 d’olivine, sur 2% des sols marins des plateaux continentaux (peu profonds). Cela semble beaucoup mais on extrait en combustibles fossiles, l’équivalent de 10 milliards de m3 de pétrole sur la même durée. A titre d’exemple, il suffirait de recouvrir 35 000 km2 par une couche d’olivine d’un cm d’épaisseur pour absorber tout le CO2 produit par les combustibles fossiles de la France, du Royaume Uni, des Pays-Bas et de la Belgique réunis.

Si le projet peut sembler pharaonique, il ne l’est pas tant que ça à l’échelle du Monde. Et d’ailleurs, comme le rappelle Jacques-Marie Bardintzeff, avec humour "des joyaux en olivine ont bien orné la couronne de pharaons égyptiens".
 

Des moyens considérables mais mobilisables

Le « zéro émission net » global nécessiterait l’embauche de 1 500 000 mineurs dans le monde pour extraire le minerai. Le chiffre semble énorme. Mais il est inférieur au nombre de mineurs de charbon actuellement en activité dans la seule Chine. 1 000 méga-minéraliers devraient sillonner les mers pour transporter l’olivine.

Certains milieux écologistes, sceptiques, ont mis en avant les émissions massives de CO2 liées à l’énergie dépensée pour l’extraction, le transport, etc…. Mais d’après les concepteurs de Project Vesta la quantité de CO2 produite, ne représenterait qu’un vingtième de celle qui serait définitivement supprimée. Le coût global serait de 10 à 11 dollars par tonne d’olivine, elle-même éliminant 1,25 t de CO2.
 

En attendant, début de l’expérience pilote en 2020

En attendant s’ils ne sont pas les seuls à étudier l’olivine, les auteurs du Project Vesta semblent de loin les plus avancés dans leurs recherches comme dans leur financement. "Nous avons amassé environ 350 000 dollars", détaille Tom Green, "sur les 1 500 000 que nous devons réunir. Quand nous serons parvenus à 500 000 nous pourrons démarrer sur notre plage pilote". A priori, ça devrait être cette année.

Si cette expérimentation s’avère concluante, elle serait étendue à une plus large échelle. Ses promoteurs imaginent qu’ensuite un pays doté de côtes maritimes pourrait ainsi tenter d’atteindre la neutralité carbone. Après ce serait une région du globe et, enfin, le Monde entier…