Parce qu’ils dépendent de l’administration pour assurer leur sécurité et qu’ils vivent dans des établissements surpeuplés et vétustes, les détenus sont particulièrement vulnérables face aux risques climatiques et environnementaux.
Tempêtes, inondations, vagues de chaleur, feux de forêt, mais aussi pollution ou gonflement des sols, l’association Notre Affaire à Tous dresse dans un rapport paru le 11 juillet un état des lieux de l’exposition des prisons française aux risques. Le constat est sévère : aucun des 188 établissements du pays n’est épargné. "La crise climatique est un incubateur d’inégalités et ses impacts, de plus en plus extrêmes, vont conduire à des violations massives des droits humains", écrivent les auteurs, citant les méga feux de l’été 2021 en Californie, qui avaient vu des milliers de détenus respirer des fumées toxiques et être privés d’électricité pendant des mois.
Chaleur et humidité
"Les informations manquent concernant les établissements d'Outre-mer", regrettent les rédacteurs du rapport. "Les risques climatiques et environnementaux y sont moins documentés qu'en France hexagonale, par exemple concernant les retraits et gonflements des argiles ou encore la pollution des sols", précisent-ils.
Même si les données sont parcellaires, l’état des lieux est inquiétant. Les territoires ultramarins sont particulièrement vulnérables aux vagues de chaleur. Or la chaleur et l'humidité mettent en danger la santé des détenus, car dans des établissements mal isolés, humides et surchauffés, le corps peine à réguler sa température.
Les détenu·es (...) "suffoquent" confinés dans leur cellule de 9 m² 22h sur 24. Des études conduites aux Etats-Unis démontrent que les maladies liées à la chaleur ont déjà coûté la vie à de nombreux et nombreuses détenu·es et que les vagues de chaleurs sont un facteur d’augmentation de l’auto-mutilation, de l’agressivité et des conflits.
Rapport ‘Double peine : les risques climatiques et environnementaux dans les prisons françaises’
Des prisons submergées par la montée des eaux
Au-delà de la chaleur, deux autres risques sont relativement bien documentés pour les Outre-mer : celui des tempêtes et cyclones d'une part et celui de la montée du niveau de la mer d’autre part. La moitié des établissements menacés par la montée des eaux en France se situent en Outre-mer. La maison d’arrêt de Mata-Utu, à Wallis et Futuna, sera submergée quand le réchauffement planétaire franchira les +1,5°, un seuil qui sera probablement atteint dans les 20 prochaines années. Idem pour le centre pénitentiaire de Nouméa dans un scénario à +2°C. En Guyane, la prison de Remire-Montjoly, bien que située à proximité des côtes, ne risque pas directement la submersion, mais l’ensemble des routes qui y conduisent seront recouvertes par les eaux dès une hausse des températures mondiales de 2,5°.
Plusieurs facteurs aggravent les risques naturels. C’est par exemple le cas de la surpopulation carcérale – particulièrement élevée dans les territoires ultramarins – ou de la vétusté des bâtiments. Dans les Outre-mer, 88% des établissements pénitentiaires sont concernés par le risque de tempête ou de cyclone, or il est difficile d’évacuer correctement un établissement surpeuplé quand le personnel manque. Un triste précédent existe : en 2005, quand l’ouragan Katrina a frappé la Louisiane, des milliers de détenus se sont retrouvés piégés dans la prison de la Nouvelle-Orléans. "Le personnel avait évacué la prison en laissant les détenu·es enfermé·es dans leurs cellules sans nourriture, sans eau, sans air, et sans électricité, en dépit de l’inondation de la prison", rappelle Notre Affaire à tous.
Développer une architecture anti-canicule, prendre en compte la population réelle des prisons, et non leur capacité d’accueil théorique, au moment d’établir les plans d’évacuation, décaler les temps de promenade aux heures les moins chaudes ou encore ne pas construire de nouveaux établissements dans des zones inondables, l’association liste une série de recommandations pour améliorer la situation.