Nécessité de présenter un motif impérieux pour se rendre en Outre-mer, fermeture des frontières... Cette semaine, le gouvernement a mis en place des mesures restrictives pour tenter d'endiguer la pandémie de Covid-19. Ces mesures touchent de plein fouet le tourisme aux Antilles et en Polynésie.
"C'est un véritable effondrement": l'obligation d'avoir, depuis le 2 février, un motif impérieux pour se rendre aux Antilles représente un séisme pour le secteur du tourisme local, confronté à une cascade d'annulations en pleines vacances scolaires. Afin de protéger ces territoires d'Outre-mer des variants du Covid-19, il faut aussi présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures pour se rendre notamment en Guadeloupe et Martinique et observer une septaine obligatoire sur place.
Depuis cette semaine, il faut aussi un test PCR négatif pour repartir vers l'Hexagone. Ce nouveau tour de vis doit permettre d'éviter l'afflux de voyageurs venus de l'Hexagone. En décembre dernier, la Martinique avait ainsi reçu plus de 100.000 vacanciers. Mais il provoque la consternation des professionnels du tourisme à l'approche des vacances de carnaval et de février, une saison cruciale pour le secteur. François Baltus Languedoc, directeur général du Comité martiniquais du tourisme estime que les nouvelles restrictions entraînent "un arrêt pur et simple de la saison touristique". "C'est un véritable effondrement", abonde Patrick Vial-Collet, président de la CCI de Guadeloupe et également à la tête d'un groupe hôtelier. "Nous comptons près de 90% d'annulations alors que la fermeture des pistes de ski nous était favorable", déplore-t-il, évoquant une situation "difficile" où beaucoup d'établissements "vont droit vers la faillite".
Ces annulations touchent, au-delà des hôtels, toute la chaîne du tourisme. "Les hôteliers ne comptent que pour 1/3 de l'hébergement local", rappelle Patrick Vial-Collet. La fédération du tourisme de proximité de Guadeloupe, qui réunit des gîteurs de l'île, témoigne d'entreprises "asphyxiées". Chez les loueurs de voitures, on constate le même effondrement. "En un week-end, nous comptons 60.000 euros d'annulation, soit près de 80% de nos réservations prévues", note Laetitia Theleme, responsable des opérations de l'agence Sixt de l'aéroport de Pointe-à-Pitre. Du côté des restaurants, qui gardent le droit d'être ouverts en Guadeloupe, c'est aussi la douche froide. "Nous avions repris une bouffée d'oxygène en janvier, sans que l'épidémie ne reparte ici, preuve que nous avons été exemplaires, explique Rudy Nainan, le président de la fédération des restaurateurs des îles de Guadeloupe. Mais désormais, "l'incertitude revient sur l'évolution des prochaines semaines".
"Levée des motifs impérieux"
"Ce ne sont pas les mutants du Covid qui nous tueront mais la crise économique": la fermeture des frontières est une catastrophe en Polynésie française où le tourisme est le pilier de l'économie. "Dans deux semaines on n'aura plus d'arrivée du tout de nos principaux marchés émetteurs pour au moins deux mois, peut-être trois", a déclaré à l'AFP Thierry Brovelli, directeur de l'hôtel Intercontinental Tahiti et coprésident du Conseil des Professionnels de l'Hôtellerie. Depuis le 31 janvier, la France a fermé ses frontières aux pays extérieurs à l'Union européenne, "sauf motif impérieux". Jusqu'à mercredi, le tourisme était admis comme motif impérieux de voyage, afin de préserver l'économie polynésienne. Ce n'est plus le cas : les seuls motifs reconnus comme impérieux portent sur la santé, la famille ou le travail.
A Saint-Barthélemy, les annonces gouvernementales ont également été reçues comme un coup de massue. "Février devait être le meilleur mois de tous les temps en terme d'occupation des chambres d'hôtels et de villas", se désespère Nils Dufau, président du Comité territorial du tourisme, qui accompagne les professionnels du secteur. "Les gens réservaient car ils voyaient Saint-Barthélemy comme une zone sûre face au Covid-19", rappelle-t-il.
De fait, avant la fermeture des frontières, la reprise post-confinement semblait bien amorcée à Saint-Barth où les Américains représentent 80% des touristes. La mesure accueillie avec le plus de surprise a été l'instauration des tests PCR et des motifs impérieux pour voyager entre les deux îles du nord, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Les présidents des conseils territoriaux de Saint-Martin Daniel Gibbs et de Saint-Barthélemy Bruno Magras ont co-signé début février un courrier adressé au ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, demandant la levée immédiate des nouvelles restrictions sanitaires.
"C'est le tourisme qui fait tourner notre île"
"Alors que le tourisme est le moteur de notre économie et qu'il reste deux mois de haute saison, il en va de la pérennité de nos entreprises dont certaines ne se relèveront pas si ces nouvelles restrictions devaient perdurer", indiquaient-ils, estimant que la situation sanitaire des îles du nord "ne justifie pas une telle mesure". Les deux présidents demandent au gouvernement de rétablir le protocole sanitaire antérieur, qui se contentait de demander aux visiteurs d'agrément d'observer un isolement prophylactique de 7 jours suivi d'un test PCR. "On n'a qu'une seule branche économique ici: le tourisme. On n'a pas d'agriculture, on n'a pas d'industrie, c'est le tourisme qui fait tourner toute l'île", insiste Nils Dufau.
En Polynésie, Le gouvernement local tente de maintenir à flots le tourisme local avec le marché intérieur. Il va proposer un chèque voyage aux Tahitiens qui souhaitent découvrir d'autres îles polynésiennes. Une aide qui devrait surtout soutenir les petites structures familiales. Depuis le début de la crise, tous secteurs confondus, l'Etat a versé près de 80 millions d'euros d'aides aux entreprises polynésiennes. Elles ont aussi contracté 438 millions d'euros de Prêts garantis par l'Etat (PGE), selon le haut-commissariat
de la République en Polynésie française.