En Polynésie, les familles élargies représentent 25% des ménages. Dans l'Hexagone, c'est seulement 4% des foyers. Un phénomène bien connu mais peu expliqué au regard de la société polynésienne actuelle.
Dans le dernier bulletin mensuel de l’Institut national d’études démographiques (Ined), les démographes se sont penchés sur la question et révèlent les bienfaits et les risques que peuvent apporter ces modes de cohabitation.
En se basant sur les chiffres du recensement de l'INSEE - avec l'appui de l'Institut statistique de Polynésie française (ISPF) - réalisé en 2017, les démographes ont établi les caractéristiques de ces ménages dits complexes. Cette catégorie statistique utilisée par l'INSEE désigne les ménages "qui comptent plus d'une famille ou plusieurs personnes isolées" dans le même domicile. Cela peut correspondre à un couple vivant avec l'un des parents ou un autre membre de la famille, mais aussi de la colocation sans lien de parenté. Cet outil qui recoupe une réalité très large, les chercheurs ont voulu le décrire plus précisément en Polynésie.
Au sein de ce territoire, les ménages complexes regroupent en majorité plusieurs générations d'une même lignée. "Il s'agit souvent des grands-parents, des parents et des jeunes enfants d'un même noyau familial", précise Leïla Fardeau, doctorante en démographie à l'INED et signataire de l'étude. Généralement composés de jeunes adultes, ces foyers peuvent accueillir les parents d'un couple, les structures destinées aux personnes âgées étant peu nombreuses en Polynésie.
Effet protecteur
Les démographes ont également décelé une autre forme de cohabitation qui regroupe 7,4% des individus. "Il y a une minorité de ménages complexes polynésiens qui sont constitués plutôt de paires, explique la démographe. C'est-à-dire des fratries, des cousins et cousines qui vivent ensemble à plusieurs familles dans un même logement." Appelés ménages collatéraux, ce type de cohabitation est fréquemment privilégié par des jeunes adultes qui n'ont pas encore les ressources nécessaires pour vivre seul.
En Polynésie, ce mode de vie tire ses racines de pratiques traditionnelles qui permettaient de "ne pas diviser le patrimoine et les terres agricoles", rappelle l'étude. Aujourd'hui, la cohabitation répond à d'autres contraintes plus contemporaines. "Il y a un effet protecteur dans la co-résidence élargie, précise Leïla Fardeau. Vivre en ménage complexe permet d'atténuer la précarité liée aux difficultés économiques." Selon l'étude, les personnes moins diplômées ou au chômage habitent plus souvent dans des ménages complexes que les personnes diplômées.
Malgré cet avantage économique, vivre en famille élargie peut aussi être source de désagréments.
C'est une solidarité contrainte, elle peut notamment occasionner la suroccupation des logements. Et cette suroccupation a des conséquences très concrètes comme la favorisation des conflits, ce qui peut, dans certains cas, engendrer des violences.
Leïla Fardeau
Sur l'ensemble du territoire polynésien, plus d'un logement sur cinq est en suroccupation. Une situation exacerbée dans la zone urbaine de Tahiti, où réside 50% de la population polynésienne.