Entre crise et réformes, Cuba fête les 60 ans de sa révolution

Cuba célèbre les 60 ans de sa révolution à Santiago de Cuba, le 1er janvier 2019.
Elle a été une source d'inspiration pour la gauche en Amérique latine : la révolution cubaine célèbre ce mardi ses 60 ans, empêtrée dans les difficultés économiques et isolée alors que la région a largement viré à droite.
C'est à Santiago de Cuba (sud-est), première ville conquise par la guérilla de Fidel Castro en 1959, qu'auront lieu des festivités qui s'annoncent discrètes et sans dignitaire étranger, avec le discours attendu à 17h00 locales de son frère et ex-président Raul, dans le cimetière où est enterré le père de la révolution. A ses côtés devrait être présent le nouveau président depuis avril : Miguel Diaz-Canel, 58 ans, qui, contrairement aux frères Castro, ne jouit pas de la légitimité d'avoir combattu et renversé la dictature de Fulgencio Batista.
                               

Inquiétudes

Pourtant, l'heure n'est pas à la fête : "L'héritage historique de la révolution cubaine semble très usé, autant d'un point de vue politique qu'économique", tranche Jorge Duany, directeur de l'Institut de recherches cubaines de l'Université internationale de Floride. Plus sévère encore, le dissident Vladimiro Roca assure à l'AFP que la révolution "va s'éteindre sous son propre poids" : "D'abord, la jeunesse en a marre, elle ne croit en rien de tout ça, et ensuite la révolution n'a plus aucun soutien à l'étranger".
               
Porteuse à l'époque de grandes avancées sociales dans la santé et l'éducation, la révolution castriste avait séduit la population cubaine, lassée des années de dictature, et inspiré la plupart des mouvements de gauche d'Amérique latine. Mais elle a ensuite suscité des inquiétudes et des critiques de la communauté internationale sur la question des droits de l'homme et des prisonniers politiques, une centaine selon les organisations dissidentes.
               

"Le modèle d'Etat-providence cubain, exporté pendant des décennies par le gouvernement cubain comme paradigme de développement, de bien-être social et politique pour le reste des pays moins développés, a stagné et régressé à partir de la perte des aides soviétiques" (Marlene Azor Hernandez, ex-professeure de l'université de La Havane)

 

Croissance stagnante

Économiquement, elle est aujourd'hui à bout de souffle : sa croissance stagne autour de 1%, insuffisante pour couvrir les besoins de la population, qui doit donc supporter les pénuries. Autrefois premier producteur mondial de sucre, le pays a dû récemment en importer. Ces dernières semaines, oeufs, farine et riz ont disparu des rayons. "Chaque année le gouvernement importe pour environ 2 milliards (de dollars) d'aliments, sans assurer la sécurité alimentaire du pays", souligne Marlene Azor Hernandez, ex-professeure de l'université de La Havane, dans un rapport pour le Centre pour l'ouverture et le développement de l'Amérique latine (Cadal), basé à Buenos Aires.
               
De manière générale, "le modèle d'Etat-providence cubain, exporté pendant des décennies par le gouvernement cubain comme paradigme de développement, de bien-être social et politique pour le reste des pays moins développés, a stagné et régressé à partir de la perte des aides soviétiques", à l'effondrement de l'URSS en 1991, poursuit-elle.
               

Référendum

Pour "actualiser" le modèle économique du pays, les autorités cubaines soumettront à référendum, le 24 février, une nouvelle Constitution qui reconnaît la propriété privée, le marché et l'investissement étranger. Mais pas question de revenir au capitalisme : l'objectif reste celui d'une société "communiste", avec le PCC comme parti "unique".
               
Alors que La Havane est confrontée à la politique hostile de Donald Trump, le tour d'horizon de ses alliés n'est guère flatteur. Le Venezuela, lui-même en crise, peine à lui assurer ses livraisons de pétrole. Et si Vladimir Poutine a qualifié dimanche Cuba de "partenaire stratégique et allié de confiance", dans un message adressé à Raul Castro et à Miguel Diaz-Canel, il n'est pas disposé à subventionner le pays comme l'a fait l'Union soviétique pendant 30 ans, et la Chine non plus.