L’examen du projet de loi Climat a commencé ce lundi à l'Assemblée avec l’intervention du député martiniquais Serge Letchimy. Il constate l’absence de mesures précises pour l'Outre-mer, hormis la réforme du code minier qui reste floue puisqu’elle sera traitée par ordonnance.
Les députés ont débuté ce lundi 29 mars l’examen du projet de loi Climat et résilience issu de la convention citoyenne qui avait réuni 150 personnes chargées d’élaborer des propositions pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Un texte “très important” selon le Martiniquais Serge Letchimy ( groupe Socialistes et apparentés), qui note par ailleurs ses manquements : ce projet de loi ne fait pas spécifiquement référence à l'Outre-mer. Voilà le problème qu’a tenu a souligner le député en séance publique.
Parmi toutes les défaillances de ce texte que je considère comme important, il y a une défaillance qui m’a profondément touché, qui m’a touché dans ma chair (...) parce que je me demande comment le gouvernement et surtout les parlementaires ici présents et ceux qui nous écoutent peuvent accepter un texte qui n’a (...) pas de volet Outre-mer.
Que la réforme du code minier soit intégrée à ce projet de loi n'y change rien, même si le député précise que “l’exemple des mines” est “une réponse par rapport à l’Outre-mer". Le traitement de cette question n’est pas suffisant et le député considère qu’il n’y a "rien de patent ou de clair concernant l’Outre-mer".
Dans cette vidéo, regardez l'intervention du député :
Des éco-systèmes spécifiques Outre-mer
"Je ne sais pas comment vous allez pouvoir comparer les climats en Martinique et en Guadeloupe et les systèmes et écosystèmes de la biodiversité qui se trouvent là-bas par rapport à ceux qui se trouvent ici", déclare-t-il.
La défaillance d’un texte de loi ce n’est pas seulement de traiter de manière différente des situations identiques, mais aussi de traiter de manière identique des situations différentes, c’est exactement ce que vous avez fait : vous avez traité de manière identique des situations différentes.
Serge Letchimy rappelle quelques chiffres : "80% de la biodiversité française se trouvent dans les pays d’Outre-mer, 97% des surfaces maritimes et océaniques se trouvent dans les Outre-mer. Devant ces "richesses écosystémiques biologiques", le député craint un "plaquage identitaire de mécanismes juridiques.”
Montée des eaux et perturbations climatiques
Espèces en voie de disparition, cyclones et ouragans deux fois plus puissants en 20 ans, augmentation des cycles de sécheresse et raréfaction de la ressource en eau... Exemples à l’appui, le député étaye sa démonstration. Il rappelle notamment qu’"entre 93 et 2014 ,le niveau moyen des océans a augmenté de près 3,2mm par an” et que "la seule Martinique, qui fait 1100 km2, va perdre d’ici 2060 70 km de côtes conduisant au déplacement de nombreuses population.”
“Ce qui est important pour nous, c’est de réglementer, légiférer, d'adapter aux réalités locales réglementations thermiques, transport maritime, traitement de passoires énergétiques, politique d'énergie renouvelable(...) production de proximité et coût carbone des importations massives. Le texte n’en parle pas”, affirme-t-il.
Chlordécone et écocide
L'élu martiniquais regrette aussi que le crime d’écocide ne soit pas clairement établi. "Nous avons connu avant la lettre et d’autres manifestations de ce type, ce qu'on peut appeler un crime d’écocide", rappelle-t-il. Le député fait évidemment référence au scancale du chlordécone.
En 1972 (...), les terres martiniquaises et guadeloupéennes ont été polluées, [ce qui a conduit ] à une catastrophe sanitaire, puisque 92% des Martiniquais et 95% des Guadeloupéens sont touchés dans leur sang par la chlordécone. La question centrale est de dire comment, après un tel drame qui, jusqu'à présent, n'est pas réglé, on ne peut pas poser clairement la question de l'écocide.
"Cet exemple là nous montre bien qu’il n’y a pas de transition écologique sans justice sociale, mais j’irai plus loin en vous disant il n’y a pas de justice sociale sans justice environnementale", ajoute-t-il. "Si on ne se donne pas les moyens on risque de tomber dans quelque chose qui est la négation de l’environnement mais aussi de l’humain."
Un volet Outre-mer encore possible?
Le député n’est pas défaitiste pour autant : il “pense que le gouvernement peut trouver encore le temps et prévoir un chapitre important pour l’Outre-mer.”
Et, à l’image d’un Jean-Pascal Zadi aux Césars, le député choisit de terminer son intervention en citant Frantz Fanon : “chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. Tâchons de ne pas trahir notre devoir collectif", conclut Serge Letchimy.