Trois portraits croisés entre Morne-Galant, village fictif de la campagne guadeloupéenne, et l'Hexagone. Une femme, Eulalie, à la découverte du passé de sa tante, Antoine, et de son père, Petit-Frère. Trois personnages confrontés à la recherche de soi. Tour à tour Noir issu des flancs des mornes chargés de cannes à sucre de la Guadeloupe, héritier de l'esclavage et porteur d'un passé douloureux dans une île en mutation à l'après-guerre. Puis, "négropolitain" parmi les domiens du Bumidom, en quête d'une autre vie mais perdu entre deux identités, ni tout à fait hexagonal et plus vraiment Antillais. Enfin, métisse de la seconde génération, née et élevée dans l'Hexagone mais avec l'oeil et le cœur à nouveau tournés vers les Antilles ancestrales.
Universalité
"Au départ je voulais surtout parler de moi mais ça m'a obligée à parler de mes parents, de mes grands-parents", confie Estelle-Sarah Bulle.Contrairement à la nièce dans le livre, je n'ai pas cette recherche d'identité. Mais je suis le produit d'une histoire, l'histoire des Antillais et elle est peu racontée de façon romanesque. Alors je me suis dit autant commencer pour ce premier roman par une histoire qui est finalement assez intime. On va remonter le temps. Un siècle d'histoire contemporaine antillaise !
Je me suis inspirée quand même de ma propre vie parce qu'à l'enfance et à l'adolescence on se pose des questions d'identité, surtout quand on voit qu'on n'est pas tout à fait comme les autres jeunes de sa banlieue. J'étais une des rares métisses de mon quartier mais j'étais avec des enfants avec d'autres origines, donc la question de l'exil, des origines a traversé ma génération.
Car finalement, cette histoire intime devient universelle. Celle des enfants nés dans des territoires qui basculent brusquement dans la modernité, pensant s'aligner après des siècles d'oubli mais ne voyant pas encore poindre de nouvelles inégalités, la vie chère en première ligne. Ces mêmes enfants venus chercher une autre vie dans l'Hexagone, parfois au prix de sacrifices. Et puis celle de leurs descendants, le cœur moins à vif et avides de connaître leurs racines. "Je me suis rendue compte que c'était un thème universel", raconte Estelle-Sarah Bulle. "Des gens de partout me disaient "ah, ça me rappelle mon histoire, mes grands-parents qui viennent du Togo, de Kabylie, de Bretagne". C'était satisfaisant de voir que ça parlait aux Antillais mais aussi plus largement."
Prix littéraires
Un écho traduit par la réception de deux prix littéraires, d'abord le prix Stanislas du premier roman, quelques jours après la parution du livre, et ensuite le prix Carbet de la Caraïbe et du Tout monde, puis le prix Eugène-Dabit du roman populiste. Forcément, une joie pour cette primo-romancière de 44 ans : "Je n'ai même pas eu le temps de réaliser, j'étais encore dans l'euphorie d'avoir trouvé un éditeur et ensuite il y a eu un relais très rapide, médiatique mais aussi et surtout des libraires qui m'ont beaucoup soutenue dès le départ."Avant de s'atteler à l'écriture de ses prochains projets, dans lesquelles elle laissera "un peu de côté les Antilles", Estelle-Sarah Bulle sera en dédicace au Salon du livre de Paris le dimanche 17 mars. Elle participera également à une projection-débat en hommage à Maryse Condé, récemment primée du prix Nobel alternatif de littérature. Un événement à retrouver en Facebook live sur la page de La 1ère, à partir de 16h.
Retrouvez l'entretien complet avec Estelle-Sarah Bulle au Salon du livre 2019 à Paris :