Pillages, émeutes et barrages... Malgré le couvre-feu, Nouméa et son agglomération s'embrasent. À ce stade, les autorités décomptent quatre morts et des dizaines de blessés. Au lendemain de l'adoption par l'Assemblée nationale du texte sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie et face à une situation qualifiée "d'insurrectionnelle" par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, le Conseil des ministres a décrété l'instauration de l'état d'urgence sur le Caillou ce mercredi 15 mai. La mesure entre en vigueur dès 20h, heure de Paris. Cet outil législatif permet d'élargir le champ des compétences des pouvoirs publics.
L'État disposera de compétences renforcées pour assurer le maintien de l'ordre et pourra notamment prononcer des interdictions de circulation, des assignations à résidence et des perquisitions.
Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement.
En 1984, un premier état d'urgence sur l'archipel
Prévu dans le cadre de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence peut être instauré en cas de calamité naturelle, ou, comme c'est le cas aujourd'hui, "en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public". Il a déjà été instauré en Nouvelle-Calédonie en 1984, alors que, déjà, des affrontements avaient lieu entre indépendantistes et non-indépendantistes.
Le Conseil des ministres ne peut instaurer un état d'urgence par décret que pour 12 jours au maximum. Si le gouvernement voulait le prolonger, il faudrait passer par la loi.
L'état d'urgence est une "boite à outils", précise-t-on au ministère de l'Intérieur. Certaines mesures de la boîte figurent déjà dans le droit commun, mais leur application est facilitée en cas d'état d'urgence : c'est le cas de l'instauration d'un couvre-feu, de la fermeture de bars et de lieux de réunion, ou encore de l'interdiction de manifester.
Remise d'armes et assignation à résidence
D'autres mesures ne peuvent être prises que dans le cadre de l'état d'urgence, comme l'assignation à résidence de "personnes représentant un trouble à l'ordre public" ou la remise d'armes. "On peut demander que les armes légalement détenues par leurs propriétaires soient rendues", précise le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. En cas de non-respect des interdictions, les sanctions sont particulièrement sévères : par exemple, un individu qui n'aurait pas respecté l'assignation à résidence encourt jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Toutes ces mesures ne vont pas être appliquées d'office. C'est au ministre de l'Intérieur et au haut-commissaire de décider lesquelles sont les plus pertinentes et les plus adaptées à la situation.
" Une jeunesse désœuvrée"
Selon le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, les violences qui embrasent le Caillou sont principalement causées, à la fois, par "une jeunesse désœuvrée qui profite des désordres pour attaquer des magasins", mais aussi, "par un mouvement de contestation politique avec la CCAT [la Cellule de coordination des actions de terrain, ndlr]".
En plus de l'état d'urgence, le gouvernement a annoncé l'envoi de forces de l'ordre supplémentaires. Alors que 1800 policiers et gendarmes sont déjà sur place, 500 policiers et gendarmes arriveront prochainement en Nouvelle-Calédonie, dont deux sections de CRS "particulièrement formés aux violences de haute intensité". Près de 200 effectifs de la gendarmerie nationale doivent quitter la base aérienne d'Istres dès mercredi soir avec du matériel. Le GIGN et le RAID sont également déployés sur place, avec des troupes envoyées de l'Hexagone, mais aussi de Polynésie.