Être homosexuel(le) aux Antilles : un livre pour libérer la parole

Caroline Musquet, autrice du livre "être homosexuel(le) aux Antilles" (Caraïbéditions)
Pour Caraïbéditions, c'est une première. La maison d'éditions antillaise publie "être homosexuel(le) aux Antilles", un livre inédit dont le thème principal est l'homosexualité. Caroline Musquet, une ancienne journaliste guadeloupéenne, y livre quinze témoignages sur ce sujet tabou dans la Caraïbe. Un conseil lecture d'Outre-mer la1ère à l'occasion de la journée internationale contre l'homophobie et la transphobie.

Ils s'appellent Louis-Georges, Laura, Nicaise ou Estelle. Ils sont sportifs, juristes et s'expriment sous couvert d'anonymat ou pas. Quinze femmes et hommes, connus ou non, militants engagés ou pas. Leurs points communs ? Ils ont fait confiance à Caroline Musquet et partager leur histoire, celle de personnes homosexuelles ou transgenres qui vivent aux Antilles ou en sont originaires. Des victimes d'agressions verbales ou physiques.

L'homosexualité, un sujet encore tabou

JAJ fait partie des artistes qui ont accepté de partager leur histoire. Statisticien le jour, auteur, compositeur et interprète la nuit, le jeune homme, à l'allure sportive, décrit son enfance en Martinique dans les années 90. Une période "difficile" durant laquelle il prend conscience dès l'école primaire qu'il est "plus attiré par les garçons que par les filles". 

C'est difficile parce qu'on se pose déjà la question. Est-ce qu'on peut se rapprocher d'un garçon ? Est-ce autorisé ? Quand on le fait, on voit les regards autour de soi. La difficulté de savoir avec qui on peut parler. De quoi on peut parler aussi ?

JAJ

Victime de brimades et d'insultes, JAJ évoque "le sentiment de solitude" qu'il éprouve, à tel point qu'il pensait "être le seul gay de toute la Martinique". A l'époque, en parler restait une démarche redoutée. Se confier est d'autant plus compliqué que "toutes ces voix, ces repères autour de nous par exemple dans la religion chrétienne (...) disent que l'homosexualité, c’est mal, que c'est une mode... Toutes ces choses qui nous renvoient au tabou autour de l’homosexualité". 

Ecrire pour inciter à parler, à débattre

Ce témoignage comme les quatorze autres, Caroline Musquet les a recueilli dès 2018. "En avoir quinze, ça relève presque du miracle!", nous confie l'autrice guadeloupéenne.

La réception d'une lettre a incité cette ancienne journaliste reconvertie dans la fonction publique à renouer avec sa passion. "C'est le courrier d'un ami que j'ai reçu quand je suis venue vivre ici [en France hexagonale, ndlr] qui m'a révélé son homosexualité alors qu'on n'en avait jamais parlé en face, alors qu'on se voyait très régulièrement. C'est là que je me suis dit : il se passe des choses très fortes dont on n'est pas capable de parler de vive voix. Et ça a été vraiment le déclic", explique-t-elle. 

Quand je suis arrivée en métropole pour mes études, je me suis rendue compte que certaines personnes devaient vivre des situations auxquelles je n'avais jamais pensé, qu'il avait des réalités dont je n'avais jamais pris conscience et qui méritaient qu'on se penche un peu plus dessus parce qu'il y avait un vrai tabou aux Antilles sur le sujet. Personne n'en parlait, ni à la maison, ni en famille ou entre amis. On aurait même dit que l'homosexualité n'existait pas, à part dans les sketchs"

Caroline Musquet

Première de couverture du livre "être homosexuel(le) aux Antilles" chez Caraïbéditions

Recueillir le témoignage de parents a été le plus compliqué pour Caroline Musquet. Seule une mère parle de son expérience. Cette enseignante à la retraite a même partagé l'écran avec son fils dans une vidéo sous forme de coming-out, cet échange durant lequel une personne dévoile son orientation sexuelle. Un façon de dédramatiser la situation et inciter les parents à écouter leurs enfants. Une invitation à dépasser les clichés et "découvrir la diversité des identités antillaises".

Reportage vidéo