Après qu’un étudiant de 22 ans a tenté de s’immoler par le feu le 8 novembre dernier pour dénoncer l’arrêt de sa bourse par le Crous, nous avons enqueté auprès de plusieurs étudiants ultramarins de l’Hexagone pour mieux comprendre leur précarité au quotidien.
Mohamed Errami •
Plantée entre la sortie de l’autoroute A86 et le parking de stationnement des bus franciliens, se trouve la résidence Crous de Nanterre. Il faut traverser un chemin, ce soir-là, boueux, pour arriver aux pieds du bâtiment. Oriane occupe l’un des 1132 studios depuis bientôt 3 ans.
Oriane travaille à la bibliothèque universitaire de sa faculté neuf heures et demi par semaine. Cet emploi à deux avantages pour elle. Étoffer son CV car elle souhaite plus tard travailler dans le monde de l’édition. Et arrondir ses fins de mois. Le choix d’avoir un emploi à côté n’a pas été celui Stéphanie. Elle, a décidé de contracter un crédit.
Le prêt étudiant : la bonne solution ?
45 000 euros. C’est le montant du prêt étudiant qu’a contracté Stéphanie, 21 ans. Originaire de Basse Terre, en Guadeloupe, la jeune étudiante explique ne pas avoir eu d’autre choix que le crédit bancaire. Stéphanie, qui perçoit 166 euros de bourse, étudie en école de commerce à Rennes. « Il me fallait de quoi payer mes années d’études, 11 000 euros par an plus mes frais liés au logement. J’ai sept ans pour commencer à rembourser mon prêt et dès que je commence à travailler je vais devoir rembourser 700 euros par mois à la banque » explique Stéphanie.
Stéphanie, étudiante guadeloupéenne à Rennes
Coté logement, Stéphanie précise avoir quitté son logement privé juste avant l’été car le loyer était beaucoup trop cher. Cette dernière est aujourd’hui hébergée chez des amis, en attendant de trouver mieux. Elle a effectué une demande de logement auprès du Crous de Rennes, sans succès. Stéphanie s’est résolue à abandonner ses recherches : « de toute manière, dans quelques mois, je vais partir en échange universitaire donc bon, je fais comme je peux en attendant ».
« Tant pis pour mes études »
« Sur les quatre mois que j’ai passé à la rue, j’ai fait 10 à 15 nuits dans des centres de foyer d’urgence. Les foyers ouvrent à 17 heures et quand t’arrives, tu te mets dans la queue. On ne te garantit jamais que tu pourras passer la nuit ici et tous les soirs, il faut revenir» explique Martin (son prénom a été modifié), 20 ans et en deuxième année de Droit à la faculté de Toulouse.
Martin conclue en expliquant qu’il n’aura pas les moyens de vivre ici jusqu’à la fin de ses études. « On m’a vendu l’Hexagone mais quand je suis arrivé, je me suis senti bloqué, seul. Maintenant, je veux juste rentrer chez moi et tant pis pour mes études » explique Martin qui a, malgré ses difficultés, a réussi à passer en deuxième année de Licence de droit.
réaction de Valentin Chambon, président de l'Union des étudiants Réunionnais de l'Hexagone (UERH) suite à l'immolation de l'étudiant à Lyon.
Pour Valentin Chambon, étudiant à Sciences-Po et président de L’Union des Etudiants Réunionnais de l’Hexagone (UERH), une association d’entraide pour les étudiants Réunionnais de la métropole, l’acte de l’étudiant à Lyon le 8 novembre dernier n'est pas une surprise. « Cet acte fait ressurgir les problèmes de précarité étudiante. Certains sont très souvent mis dans leurs réussites mais on parle beaucoup moins des autres, qui échouent. Je pense que l'acte de ce jeune est un signal d’alerte assez fort et il faut prendre le problème à bras le corps, notamment pour les étudiants ultramarins ». Valentin explique que son association fait bénéficier de l’influence auprès du Crous.
Il ajoute que bien souvent, les étudiants ultramarins précaires ont honte de leur situation et n’en parlent pas à leur famille restée au pays. Dans les critères d’attribution de logement par le Crous, l’éloignement géographique est pourtant l’un des critères d’attribution d’un logement. Les ultramarins qui sont à 4000 ou 7000 kilomètres de chez eux serait donc prioritaires sur le papier, à l’image d’Oriane ou de Martin. Si Oriane a bénéficié d’un logement avant son départ pour la métropole, elle explique que plusieurs de ses amis ont énormément attendu pour obtenir un logement.