L'ex-présidente de l'Université des Antilles Corinne Mencé-Caster règle ses comptes dans un livre

Corinne Mencé-Caster occupe aujourd’hui la chaire de linguistique hispanique à l’Université de Paris IV-Sorbonne.
Actuellement professeur à La Sorbonne, la Martiniquaise Corinne Mencé-Caster, ancienne présidente de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG), revient dans un roman à clé sur quatre années mouvementées à la direction de cette institution.
Pour être exact, le nouvel ouvrage de Corinne Mencé-Caster n’est à pas proprement parler un roman. C’est plutôt un récit ou un témoignage, rapporté de manière limpide et parfois ironique par celle qui fut pendant quatre ans présidente de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG). Un poste à haut risque, comme on le voit dans le livre, politiquement, professionnellement et psychologiquement parlant. Sur le plan humain, cela laisse forcément des traces, et de cela Corinne Mencé-Caster, aujourd’hui professeur à La Sorbonne, n’en fait pas mystère.

Pour ceux qui ont suivi les diverses péripéties et affaires ayant entaché la réputation de l’ex-UAG, devenue Université des Antilles, il sera facile de reconnaître les divers protagonistes du livre. Dont le personnage central, un certain Félix Talisman, dit également "le Défenestreur", "parce qu’il a passé une de ses maîtresses par la fenêtre de son bureau, sans être inquiété par la justice pour cet acte odieux !", écrit l’auteur. Le récit raconte par le menu l’histoire de l’organisation d’une résistance à ce "gourou", qui règne d’une main de maître sur l’université, au clientélisme et à la corruption qui y règnent.

Les "griffeurs" et l'imposteur  

Entouré de personnes qui lui sont redevables, baptisées les "griffeurs", l’imposteur Félix Talisman jouit aussi d’un "impressionnant carnet d’adresses, et de sa familière fréquentation du grand-chef du duché, des plus grosses fortunes de Mada (la Martinique, ndlr)". Chercheur sans avoir jamais signé "aucun article en tant qu’auteur unique, ni en tant que premier auteur", il dirige un laboratoire de recherches, le "Caribmia", que d’aucuns reconnaîtront aisément.

Au fil des pages, le constat de Corinne Mencé-Caster s’avère amer : "Je n’avais jamais, pas même une fois, considéré l’université comme un lieu où l’on pouvait grassement arrondir ses fins de mois, obtenir des avantages en nature, (lignes téléphoniques, repas au restaurant, billets d’avion, taxis, séjours en hôtels, etc.) et se créer tout un réseau de gens bien placés".

Un constat impitoyable

Ce constat est parfois même impitoyable sur les dérives d’une université "occidentale" sous les tropiques, et notamment de "la prétendue coopération universitaire avec les pays voisins, où tous ces messieurs se précipitent. Mais pour faire quoi ? Les voilà, soudain, jouant les grands princes noirs. Européens du Caribe : revêtus de l’habit du colon et venant faire la leçon à tous ces pays indépendants, en leur vendant un savoir qu’ils n’ont même pas pris la peine d’actualiser ni de contextualiser, sans aucune conscience de l’absurdité de leur posture. Ils trichent, fraudent, séduisent les femmes de ces contrées pauvres, et parlent aux hommes en patrons autoritaires. Le tout est d’avoir la posture, de voyager, de forniquer aussi"

Au final, l’ouvrage de Corinne Mencé-Caster représente non seulement le témoignage éclairant d’un engagement contre la corruption et le chantage dans une institution française, mais c’est aussi le récit d’une femme qui a dû se battre, bien souvent seule, face au harcèlement sexiste et au machisme, mené par une oligarchie protégée par des réseaux hauts placés. Sur le plan déontologique, le système universitaire, en tout cas aux Antilles-Guyane, a encore du pain sur la planche.

Corinne Mencé-Caster, "Le talisman de la présidente" – éditions Ecriture, 235 pages. Prix : 18 euros.

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