Exposition: Art Tembé, et photographies des Guyanes, à Paris

Ferfi tembe (Antoine Lamoraille, à gauche), pangui (Sherley Abakamofou) et photographies (Gerno Odang en haut, Nicolas Lo Calzo en bas).
L’art Tembé s’expose à Paris, jusqu’au 6 mai, à la galerie Dominique Fiat. Découvrir l’histoire du marronnage, au Surinam, et en Guyane française, avec toute une pléiade d’artistes, comme Franky Amété, Carlos Adaoudé, ou encore Karl Joseph. De la sculpture, de la photographie, des tableaux, pour mieux comprendre cet art, issu des révoltés de l’esclavage, et qui perdure jusqu’à nos jours.

Le Tembé se pratique au sein des communautés issues dugrand marronnage”, c’est-à-dire de la fuite et de la résistance à l’esclavage. L’origine du Tembé, remonte au 17ème siècle, à l’époque de la colonisation de la Guyane hollandaise, le Surinam actuel, et de la Guyane française.  

L’art Tembé, devient l’Art du fleuve, au 19ème siècle, celui des “Noirs marrons”, l’art de “ceux qui s’évadent”.  

Les géométries, et les couleurs sont la base de cet art, des entrelacs, des messages codés, qui font référence à des valeurs universelles, comme la famille, la nature, l’amour, la mort. L’art Tembé se retrouve sur les pirogues, les pagaies, les façades de maisons, les calebasses, les peignes. 

Peu à peu, le Tembé acquiert ses lettres de noblesse, et pénètre les galeries d’art. Des artistes comme Franky Amété, Carlos Adaoudé, ou encore Marcel Pinas, tout en étant les gardiens de la tradition du Tembé, ont décloisonné les frontières et ont donné un souffle nouveau à cet art ancestral.  

Franky Amété, du Surinam à la Guyane

œuvre d'art de Franky Amété

La pagaie géante de Franky Amété, est incontournable dans la galerie Dominique Fiat, à Paris. Sculptée, ciselée, elle révèle, toute la dimension artistique de l’art Tembé. Ce “tembeman”, a réinventé les codes du Tembé. À un moment où ses homologues ne peignent, qu’à la peinture acrylique, il expérimente les matières naturelles. Franky Amété crée des tembés avec du sable, de la terre, des feuilles. Il invente des techniques novatrices au service de son art, la dernière en date, se nomme, “Kuuru Tembe”, (une combinaison de découpe de toile, de tracé et de peinture). Il collabore avec le FabLab de Saint-Laurent du Maroni, (un atelier de formation numérique) pour créer une lampe Tembé monumentale de 4 mètres, de hauteur.

lampe Tembé de Franky Amété

Carlos Adaoudé, la 6ème génération de Tembeman  

L'artiste Carlos Adaoudé, dit Kalyman, devant un fronton réalisé pour l'exposition "Marronnage, l'art de briser ses chaînes" à Paris.

Carlos Adaoudé, dit Kalyman, est un artiste peintre, sculpteur, gardien des traditions "bushinengué", boni. Il est né à Papaïchton, “capitale” du pays Boni. Le Tembé est un héritage familial. 

Dès l’âge de 6 ans, il a une débordante envie d’apprendre cet art, mais ce n’est que des années plus tard, après avoir fait preuve de patience et de persévérance, qu’il révèle tout son potentiel créatif. Il expose au collège de Gran Man Difou, à Maripasoula, en Guyane, en 2007, et obtient dans la foulée un agrément du rectorat et de la direction des affaires culturelles, pour introduire, le tembé en milieu scolaire.   

“finalement le tembé, c’est aussi des mathématiques, de la géométrie."

Carlos Adaoudé

Actuellement, l’artiste Kalyman, forme des jeunes, et transmet sa passion du tembé. À la galerie “Dominique Fiat”, il présente, entre autres, une sculpture, un peigne géant, et des peintures sur acrylique.  

“Kibri a kulturu”, préservez la culture, leitmotiv de Marcel Pinas

portrait de Marcel Pinas

Né au Surinam, Marcel Pinas, est l’un des artistes, ambassadeur de la culture "bushinengué", sur la scène internationale. Son œuvre est indissociable, de l’histoire des bushinengués, ce peuple de guerriers, qui a lutté contre le système esclavagiste, de l’époque, sans oublier des siècles plus tard, la guerre civile, qui a touché son pays en 1986, le Surinam.

Cet artiste descendant du peuple Ndjuka, réinvente le Tembé, et l’inscrit dans une pratique contemporaine. Il fait rayonner cet art, au niveau international, en exposant ses œuvres, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suisse, dans la Caraïbe, et actuellement à Paris, en France.   

La nouvelle génération, du Tembé à la photographie  

Le photographe Ramn Ngwete devant l'une de ses photos à l'exposition "Marronnage, l'art de briser ses chaînes".

Ramon Ngwete, naît à Kourou, dans les années 1990. Il grandit au village Saamaka. 

Le Tembé, un art, qu’il côtoie dès son enfance, mais c’est la photographie, qui l’attire viscéralement pour témoigner, mettre en valeur l’histoire de sa communauté, l’histoire du marronnage, sur le plateau des Guyanes. 

 “Nos aînés nous reprochent de ne pas savoir sculpter, nous on sculpte la lumière”.  

Ramon Ngwete

A Paris, Ramon Ngwete, présente des photos faites en pays Saamaka (Saramaka), au Surinam. Des scènes de la vie quotidienne, magnifiées par la touche artistique de Ngwete, comme un départ en pirogue, pour remonter le fleuve Sipaliwini, et rentrer chez soi.  

A Atjoni le départ se précise sur le fleuve sur le fleuve Sipaliwini, 2014.

Gerno Odang, la passion de la photo, pour réussir  

Emeute mairie de Cayenne, mars 2017

Gerno Odang, voit le jour au Surinam en 1992, mais très vite, il rejoint la ville spatiale, Kourou, pour y vivre. Des allers-retours, entre la Guyane, et le Surinam, nourrissent sa passion pour la photographie.  

"Je ne sais pas si j’ai choisi la photographie, ou si c’est elle qui m’a choisie"

Gerno Odang

S’il commence par publier ses photos sur les réseaux sociaux, il se rend compte rapidement qu’il a une irrépressible envie, d’utiliser la photographie, comme nouvel outil de communication. La photo, lui permet de poser des repères à travers le temps, de laisser une trace indélébile des “sociétés marronnes”, de mieux les analyser.

Des débuts sur la toile, aux galeries d’œuvres d’art, Gerno Odang, veut  rendre hommage, au marronnage, et être le témoin de cette société en perpétuelle mutation. 

Aller à la rencontre de l’autre, cet autre soi-même 

Karl Joseph

Karl Joseph naît en Guyane, dans les années 70, après des études, en France hexagonale, il part en vacances, au gré des villages du fleuve Maroni, en 2001, et là, c’est la révélation. Entre la photographie, et la découverte de la culture "bushinengué".

En 2011, il cofonde  le festival des “Rencontres photographiques”, de Guyane. A cette occasion, il rencontre deux jeunes photographes, très prometteurs, Gerno Odang, et Ramon Ngwete. A la galerie Dominique Fiat, Karl Joseph, arrive à saisir ces instants fugaces, comme le bain rituel, d’un jeune, à Charvein, ou toute la profondeur de l’âme d’une détentrice de savoirs ancestraux.  

Nicola Lo Calzo, de l’Italie au plateau des Guyanes 

Stephane, un jeune ndjuka au bord du fleuve Maroni, village de Belicampo

Nicola Lo Calzo est né  en Italie, en 1979, il  vit entre Paris, l’Afrique de l’Ouest et les Caraïbes. Sa série “Obia”, fait partie d’un travail de recherches, mené sur les mémoires de l’esclavage colonial, ses résistances et ses abolitions.  

Son œuvre  Obia, réalisée entre le Surinam et la Guyane française, sur les terres historiques du peuple, Bushinengué, “interroge les liens entre le patrimoine magico-religieux des bushinengués, et les nouveaux défis de la modernité”.  

Cet artiste a la particularité de vivre parmi ces communautés, d’en comprendre les codes bien spécifiques. Il a pu assister à des cérémonies et à des rituels, réservés, aux membres de ces communautés afro-descendantes.

Nicola Lo Calzo, mène depuis des années, un travail de recherches, sur le marronnage, à travers le monde, et des constructions identitaires des afro-descendants.  

Rappel

L’exposition  “Marronnages, Tembé, et photographies de Guyane”, se tient jusqu’au 6 mai, à la galerie Dominique Fiat, au 16 rue des Coutures Saint-Gervais, dans le 3ème arrondissement de Paris.