Femmes à Mayotte : des avancées timides malgré une situation précaire, selon l’Insee

Femmes sur un marché informel à Mayotte
Dans l’île aux parfums, la condition des femmes est précaire. Selon une nouvelle étude de l’Insee, plus de neuf sur dix d’entre elles, dont de nombreuses mères isolées, vivent dans une grande pauvreté. Elles subissent aussi près de deux fois plus de violences que dans l’Hexagone. Néanmoins, de timides progrès ont été enregistrés, principalement en matière de scolarisation et de formation.

À Mayotte, du fait des migrations masculines, les femmes sont un peu plus nombreuses au niveau démographique, en particulier entre 20 et 40 ans. Elles sont 12.000 de plus que les hommes, sur une population totale de 270.000 personnes environ. Si la vie de couple démarre assez tôt, aux alentours de la vingtaine, les séparations interviennent aussi rapidement : « Dès 35 ans, les femmes sont de moins en moins souvent en couple. À 55 ans, à peine plus de la moitié d’entre elles vivent encore en couple », constate l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Du fait de la forte fécondité sur le territoire, cela place les femmes séparées dans une situation de grande précarité et vulnérabilité. Ainsi, « 23% des femmes âgées de 20 à 54 ans vivent seules avec leur(s) enfant(s), une part deux fois plus élevée que dans l’Hexagone ». Par ailleurs, la quasi-totalité d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté national et dans des conditions d’habitat difficiles.

"Mortalité plus élevée"

Cela a un impact direct sur leur santé. L’espérance de vie à la naissance des femmes vivant à Mayotte s’élève à 76 ans, inférieure de neuf ans à celle des femmes dans l’Hexagone. « À âge donné, les habitantes de Mayotte ont une mortalité plus élevée et se déclarent plus souvent en mauvaise santé », souligne l’Insee. « Elles souffrent davantage de limitations fonctionnelles et de maladies chroniques. Notamment, plus d’un tiers d’entre elles sont en situation d’obésité, ce qui les prédispose aux limitations physiques et à d’autres maladies chroniques. » En outre, les Mahoraises ont beaucoup moins recours à des soins médicaux que dans les autres territoires, du fait notamment de l’insuffisance de structures médicales dans l’archipel, et aussi pour des raisons financières. Ainsi, « le dépistage et le soin de leurs maladies chroniques en pâtissent. La moitié des habitantes de Mayotte n’ont jamais consulté de spécialiste », écrit Sébastien Merceron, l’auteur de l’étude.

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La violence fait souvent partie du quotidien des femmes mahoraises. « En 2020, 9% des femmes adultes déclarent avoir subi des violences physiques ou sexuelles à Mayotte durant les deux dernières années, soit près de deux fois plus qu’en France métropolitaine ». Elles sont également beaucoup plus victimes de vols sur la personne que les femmes résidant dans l’Hexagone. De même, dans un contexte de forte délinquance dans l’archipel, deux tiers des femmes font part d’un sentiment d’insécurité, et la moitié d’entre elles renoncent à sortir de chez elles, au village ou en ville, par peur des incivilités et de la criminalité régnantes.

Des éléments positifs

Dans son étude, l’Insee relève toutefois des éléments positifs. Bien que six femmes sur dix de plus de 50 ans n’aient jamais été à l’école (contre quatre hommes sur dix), le niveau de formation des jeunes Mahoraises est supérieur à celui de leurs aînées, ainsi qu’à celui des jeunes hommes. « Parmi les jeunes femmes de 20 à 29 ans nées sur le territoire, sept sur dix ont un diplôme qualifiant, contre six sur dix des jeunes hommes. » Leur taux de réussite au baccalauréat est plus élevé, elles sont plus nombreuses à étudier au Centre universitaire de Mayotte et à bénéficier du passeport mobilité pour aller étudier dans l’Hexagone. Par ailleurs, le décrochage scolaire est moins fréquent pour les filles que pour les garçons.

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Au niveau professionnel, le taux d’emploi des femmes a progressé de cinq points depuis 2009, mais il reste deux fois moindre que celui des femmes vivant dans l’Hexagone. En 2020, la crise sanitaire n’a pas arrangé les choses. Le faible niveau de formation et l’offre locale limitée d’emplois non qualifiés expliquent notamment la faible insertion des femmes mahoraises. La question de la garde d’enfants, essentiellement effectuée par les femmes, constituent également un frein. « Quatre femmes sur dix de 15 à 64 ans n’ont pas d’emploi, mais souhaiteraient travailler. Elles sont aussi plus souvent concernées par le sous-emploi : 10% des femmes travaillent à temps partiel mais souhaiteraient travailler davantage, contre 4% des hommes », précise l’Insee.

Question de la discrimination

Il y a aussi la question de la discrimination dans le monde du travail. Avec les mêmes diplômes, une femme sera bien souvent moins employée qu’un homme. L’Insee relate que « les femmes exercent aussi des métiers moins diversifiés. La moitié des emplois féminins se concentrent en effet dans seulement six familles professionnelles, contre neuf pour les hommes. Dans l’Hexagone, l’éventail des emplois occupés, par les hommes comme par les femmes, est deux fois plus large. » L’étude souligne également qu’un emploi féminin sur deux est exercé dans la fonction publique à Mayotte, et que les femmes restent nettement minoritaires dans les fonctions de cadres, même si elles y accèdent plus souvent qu’auparavant. Un point encourageant : « Près d’une entreprise individuelle sur deux est toutefois créée par une femme à Mayotte, ce qui témoigne de leur forte participation aux activités non salariées. »