FIFAC 2023 : Une avant-première au goût de carnaval grâce au collectif guyanais Lova Lova au festival du film documentaire Amazonie-Caraïbes

Nou lé nou Karnaval
Au FIFAC, le court-métrage "Nou lé nou karnaval" a été projeté en avant-première au Camp de la transportation à Saint-Laurent du Maroni. À travers Christ, un passionné de carnaval de rue guyanais, le collectif Lova Lova propose sa vision et son esthétique burlesque.

Les réalisateurs Léa Magnien et Quentin Chantrel aiment le carnaval de rue guyanais, "cette pratique spontanée". Pour eux, il était temps de rendre hommage à ceux que l’on nomme de manière péjorative les "touloulous sales". Mission accomplie avec Nou lé nou Karnaval.

Dans ce court-métrage de 26 minutes présenté en avant-première au FIFAC, le festival international du film documentaire Amazonie-Caraïbes, le duo suit à la trace Christ, un jeune guyanais de 25 ans passionné de la parade. Pas une étape n’échappe au spectateur : des préparatifs avec la famille dans un joyeux bazar jusqu’aux parades de rue dans les tenues les plus extravagantes.

Image de "Nou lé nou Karnaval" du collectif Lova Lova

Les réalisateurs du collectif Lova Lova ont filmé leur héros à plusieurs reprises dans les rues de Cayenne durant le carnaval de 2020. On a l’impression d’une journée sans fin, car on retrouve Christ et sa bande lors des jours gras, des mariages burlesques du lundi aux diables rouges, du mardi jusqu’au mercredi des cendres, comme s'il s'agissait du même jour.

"À l’origine, on avait fait des photos d’un groupe de gorilles au carnaval et quelqu’un nous a soufflé le prénom de Christ", se souvient Léa Magnien. Quand ils l’ont contacté, le duo n’a pas été déçu. Ils se sont rendus chez lui pour faire des photos et le projet de film a commencé à germer. Christ a l’apparence de son prénom et surtout, il est drôle et charismatique.

Une esthétique Lova Lova

Pendant les préparatifs chez la mère de Christ, le collectif Lova Lova a été ravi de découvrir la maison aux jolis murs peints en vert ornés de tableaux représentant Jésus-Christ ou la vierge Marie, une esthétique correspondant totalement à leur univers. Pendant que Christ se déguise, son fils avec sa petite voix pleine de sagacité commente le choix des costumes. Il n’arrête pas de poser des questions amusantes. Christ semble avoir complétement oublié la caméra. C’est la force de ce court-métrage.

Image de "Nou lé nou Karnaval" du collectif Lova Lova

"En plus de se déguiser, Christ et ses amis ont le don d’inventer des chansons en rapport avec l’actualité médiatique", ajoute Quentin Chantrel. La parade a d’autant plus de saveur. Au moment du tournage en 2020, Christ exerçait le métier de gardien de mine d’or à Bélizon. "On avait d’ailleurs envie de faire quelque chose sur le contraste entre cette vie rude et son amour de la fête", souligne Léa Magnien. Depuis, Christ a complétement changé de vie. Il est grossiste en pharmacie du côté de Kourou.

Nou lé nou karnaval a été tourné en 2020, mais ses deux réalisateurs ont mis du temps à se mettre au montage. Le film a pu se terminer seulement le 15 septembre 2023. Projeté en avant-première au FIFAC, le court-métrage sera présenté au festival CinéMartinique (13 au 17 octobre 2023). Il doit également aller au festival Monde en vues en Guadeloupe (13 au 20 octobre 2023). Les deux auteurs du collectif Lova Lova préparent en ce moment le sous-titrage en anglais afin de candidater à d’autres manifestations.

Boombastic

Lova Lova est né en 2017. Quentin Chantrel et Léa Magnien se sont rencontrés sur le tournage de la série Guyane en 2015. Quentin s’occupait de la régie tandis que Léa était en charge des costumes. Ils avaient pourtant été tous les deux au lycée Félix Éboué à Cayenne, mais ils ne s’étaient pas vraiment "calculés" à l’époque, comme ils disent. Quentin Chantrel a vécu une enfance atypique. Ses parents chercheurs d’or dans les sablières de l’Hérault rêvaient de Guyane dans les années 80.

Léa Magnien et Quentin Chantrel du collectif Lova Lova

Le couple de chercheurs d’or a sauté le pas dans les années 90, mais une fois à Régina, ils n’ont pas trouvé une seule pépite et ont vécu en autarcie avec six enfants à qui ils ont fait cours à domicile. De ses 5 à 12 ans, Quentin Chantrel a vécu en pleine nature, un peu coupé du monde moderne. Une expérience qui a inspiré deux des courts-métrages de Lova Lova, Tempête à Régina (sortie prévue pour Noël 2024) et Ici, c'est Paris (2020). Les réalisateurs considèrent ce dernier projet comme l’une de leurs œuvres la plus aboutie. Ici, c'est Paris, court-métrage de fiction de 17 minutes, raconte l’histoire de deux ados rêvant de voir la Tour Eiffel. Le film a été présenté dans une vingtaine de festivals, notamment en Corée, au Brésil et en Allemagne.

Depuis leur création, Lova Lova se consacre aussi bien à la photographie qu’aux films. Le collectif fait appel à de nombreux talents en Guyane. "Parfois, nous sommes deux, cinq ou huit sur un projet", précise Quentin Chantrel.  En ce moment, en plus du FIFAC, Lova Lova expose ses photographies en à la première Bienal das Amazonias de Belém. Et pour ceux qui se demandent où le duo à géométrie variable a pu trouver un nom pareil. Et bien, la solution se trouve dans un tube, à savoir la chanson Boombastic de Shaggy.  

Pour en savoir plus, regardez ce reportage de 2019 :