A Flint dans le Michigan, la classe ouvrière afro-américaine est sans illusions

Un habitant de Flint dans le Michigan
Flint est une carte postale sinistre. Dans la ville du Michigan, symbole de General Motors, la population, majoritairement afro-américaine, a moins voté pour Hillary Clinton qu’elle ne l’avait fait pour Barack Obama en 2012.
Les électeurs de Flint ont voté à 51 pour-cent pour Hillary Clinton, Barack Obama avait obtenu 64 % des voix en 2012, 13 points de plus. Dans la capitale sinistrée de l’industrie automobile américaine, une partie de la classe ouvrière, ou ce qu’il en reste, s’est abstenue. Un scandale sanitaire se superpose à la pauvreté, au chômage et à la désindustrialisation.

Flint, capitale déchue de l'automobile

"C'est difficile ici", assure Dawn Daniels, 55 ans, à la sortie de l'église baptiste Grace Emmanuel, où elle a voté pour la candidate démocrate. "Beaucoup ici ont abandonné", dit-elle de cette ville faite de contrastes où d'une rue à l'autre, les maisons proprettes de la classe moyenne font place à celles éventrées et délabrées, signes d'une décadence irrémédiable.
Flint, raconte cette ancienne ouvrière du constructeur automobile General Motors, qui employait autrefois quelque 80.000 travailleurs dans la ville, s'enlise dans une "spirale négative". L'industrie automobile a fondu et les usines de la ville n'emploient guère plus qu'une douzaine de milliers d'ouvriers.
Après le scandale de l'eau contaminée qui a pris une ampleur nationale aux Etats-Unis, les deux candidats à la Maison Blanche se sont rendus au chevet de Flint. Et le discours du milliardaire, qui a fait campagne sur le renouveau industriel de la région et la protection des emplois américains face aux délocalisations, y a parfois fait mouche, y compris dans la population noire.
"Je pense que les deux partis ont échoué au fil des années au pouvoir", estime par exemple David Arntzen, 29 ans, qui se décrit comme démocrate, mais qui a donné sa voix au magnat de l'immobilier mardi. "Dans les grandes lignes, il veut rendre le pouvoir au peuple", dit-il de Donald Trump. "Cela fait écho chez moi".

Flint, une amérique noire et pauvre

La ville de Flint, à une heure de route au nord de Detroit, était surtout connue jusqu’à présent comme symbole de la crise de l’automobile. Ses fermetures d’usines, son taux de chômage près de deux fois supérieur à la moyenne nationale, ses 41 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté. "Nous sommes une ville déprimée (...) et lorsque cette crise de l'eau est survenue, cela n'a tout simplement pas aidé", résume Deborah Battle, ancienne ouvrière de General Motors âgée de 67 ans, qui en a toutefois tiré une conclusion différente : elle a voté Clinton. Deborah Battle qui, comme lui, a voté pour la démocrate, est prête à "parier" que le prochain pensionnaire de la Maison Blanche "sait que nous sommes là et que nous avons besoin d'aide".

Le scandale prend sa source dans la décision de changer la source d'approvisionnement pour la ville, exposant ses quelque 100.000 habitants à une eau gravement contaminée par les métaux lourds notamment en raison des infiltrations et du réseau en plomb.

Une histoire américaine

La population de Flint est noire-américaine à plus de 70 %. Ouvriers et chômeurs sont les descendants des esclaves libérés des plantations du Sud dans les années 1870. Après avoir constitué la main-d’œuvre à bon marché du capitalisme américain, ils avaient bénéficié eux aussi des années dorées de l’industrie américaine. Tout s’est effondré à la fin des années 80 et la population de Flint a été frappée de plein fouet par la crise de l’automobile et son corollaire, le chômage de masse. Dans ces conditions, le profil d’Hillary Clinton n’a pas vraiment séduit un électorat qui ne croit plus vraiment en la parole des élites, une population qui se bat pour survivre au quotidien. La colère américaine, y compris à Flint, s’est retournée contre Hillary Clinton et ce qu'elle symbolise.