Forages pétroliers en Guyane : une tribune contre une "aberration climatique soutenue par le gouvernement"

Banderole des opposants aux forages de pétrole au large des côtes de Guyane
Des ONG environnementales ont publié, mercredi 12 décembre, une tribune contre le projet de forage pétrolier au large de la Guyane. Ils pointent les contradictions du gouvernement en matière d'écologie et ont déposé un recours contre l'Etat pour contester l'autorisation délivrée à Total.
Ce n'est plus qu'une question de jours, et la tribune publiée par des ONG environnementales, ce mercredi 12 décembre sur franceinfo, arrive à point nommé.

Le navire de forage du géant pétrolier Total est en route vers le site pour lequel il a récemment obtenu son autorisation d'exploitation, à 150 kilomètres des côtes guyanaises... Après des mois de mobilisation, de bras de fer, à coup de pétitions et communiqués interposés, les organisations de défense de l'environnement ont pris le parti de frapper fort. Certaines ont même déposé un recours contre l'Etat pour contester l'autorisation de forage.
   

Pointer "les contradictions du gouvernement"


La mission, décriée par les ONG depuis des mois, débutera bientôt, pour quatre mois d'exploration pétrolière. Le but : évaluer la présence d'hydrocarbures en quantité suffisante dans les eaux guyanaises.

Plus qu'un ultime cri désespéré contre ce projet de forage, ce sont "les contradictions du gouvernement en matière d'écologie" qui sont visées dans cette tribune. "Il y a un an, le gouvernement s'enorgueillissait de la loi hydrocarbures censée mettre fin à la production d’énergies fossiles en France en 2040" rappellent les signataires. "Entre-temps, le gouvernement a tout fait pour faciliter le travail à Total."
 
Après plusieurs prolongations de permis d'exploration pétrolière accordés par le ministère de l'Environnement à Total, dont le dernier, en septembre 2017, délivré pendant les débats parlementaires sur la loi hydrocarbures, est attaqué par les associations Greenpeace France et Amis de la Terre France, les signataires de la tribune dénoncent "une aberration climatique soutenue par le gouvernement".
 

Le rapport du Giec est formel : pour respecter l'objectif des 1,5°C de réchauffement, 80% des ressources fossiles non exploitées doivent rester dans le sol.


"Comment peut-on se présenter sur la scène internationale comme le champion du climat et en même temps, dérouler le tapis rouge à un des plus gros pollueurs au monde ?", poursuivent les signataires, parmi lesquels des présidents et porte-parole de Greenpeace France, Sea Shepherd France, Surfrider Europe, Stop Pétrole Offshore Guyane ou encore Guyane Nature Environnement, invitant le chef de l'Etat à regarder "de l'autre côté de la frontière guyanaise".

C'est sur le Brésil que les ONG nous demandent de fixer le regard. Là où l'administration environnementale vient de refuser d'accorder à Total l'autorisation d'effectuer des forages dans l'embouchure de l'Amazone, au motif que le plan présenté par le groupe pétrolier français présente "d'importantes incertitudes", notamment en situation d'urgence.  

Un recours déposé contre l'Etat


En réaction à la décision catégorique du Brésil et en réponse aux critiques adressées par les ONG, dont le collectif Stop pétrole offshore Guyane qui estime que Total conduit ses opérations sans informer "la population guyanaise" des risques encourus, le pétrolier a assuré dans un communiqué publié mardi 11 décembre (soit quelques heures avant la sortie de la tribune) que la campagne de forage offshore prévue en Guyane se déroulerait en toute "transparence". Par cela, le géant s'engageait à "rendre compte" de leur "avancée" à la commission de suivi et de concertation pétrole de Cayenne, co-pilotée par le préfet de Guyane.

"Le récif le plus proche identifié est situé à 30 kilomètres du point de forage et n'est pas corallien", a précisé Total, répondant aux craintes des ONG environnementales de voir se reproduire la catastrophe du Deepwater Horizon (la plateforme pétrolière exploitée par BP avait explosé en 2010 et provoqué une gigantesque marée noire, ndlr). Des craintes pourtant légitimées quelques mois plus tôt par l'avis de l'Autorité environnementale qui soulignait que le plan de Total en Guyane souffrait de "la faiblesse de certains volets importants pour appréhender les impacts" liés à la "toxicité des produits utilisés" et notamment à la survenue éventuelle d'une marée noire.

Malgré cela, le rapport de la commission, établi à l'issue de l'enquête publique réalisée l'été dernier, a rendu un avis favorable à la réalisation d'une campagne de cinq forages d'exploitation au sein du permis exclusif de recherches "Guyane Maritime".
Le navire de forage poursuit donc sa route vers la Guyane. Total y creusera jusqu'à avril 2019 de un à cinq puits d'exploration dits "profonds", par environ 2.000 mètres de profondeur d'eau à la recherche d'hydrocarbures, sous contrainte de forts courants marins.

"Il y a urgence à agir : nous demandons à la justice de ne pas attendre et d’annuler au plus vite les autorisations de forage." Parmi les ONG signataires, sept ont décidé de doubler leur action par un recours contre l'Etat, déposé ce mercredi 12 décembre au tribunal administratif de Cergy, afin de contester l'autorisation de forage délivrée récemment à Total.
Samedi dernier encore, des "centaines de personnes" participaient, en Guyane, à des marches pour le climat et contre les forages pétroliers.