La France prête à accentuer la pression sur les géants du net pour combattre le racisme en ligne

Fortes amendes, délai de 24 heures pour retirer des propos racistes : le gouvernement français a repris à son compte jeudi certaines propositions d'un rapport qui appelle à renforcer la pression sur les opérateurs du net pour lutter contre la cyberhaine.
 
Le Premier ministre Edouard Philippe a confirmé "l'intention du gouvernement de proposer au Parlement en 2019 une modification de la loi", a-t-il déclaré dans un communiqué après avoir reçu un rapport commandé dans le cadre du plan de l'exécutif contre le racisme et l'antisémitisme lancé en mars. Dans ce texte, les auteurs - l'enseignant franco-algérien Karim Amellal, la députée (LREM) Laetitia Avia et le vice-président du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) Gil Taïeb - font le constat que les "discours de haine prospèrent (sur internet) dans une relative impunité"  

20 recommandations

Les causes: les "faiblesses du dispositif réglementaire actuel", disent-ils, citant la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN), "la très rapide évolution technologique et structurelle du monde numérique", mais aussi "une certaine indifférence des pouvoirs publics".

Vingt recommandations sont avancées. "Le gouvernement partage le sens d'un grand nombre" d'entre elles, a précisé Matignon. Parmi elles, la proposition d'imposer aux plates-formes un délai maximum de 24 heures pour retirer les contenus manifestement racistes et antisémites. Ce délai "peut être envisagé s'il est entouré de garanties juridiques appropriées", estime le Premier ministre, qui juge même qu'il pourrait être "beaucoup plus court s'il est décompté à partir du signalement d'une autorité publique ou agréée".
 

Sanctions financières, dépôt de plainte en ligne...

Edouard Philippe est aussi favorable "à la mise en place de sanctions financières très dissuasives". Le rapport Amellal-Avia-Taïeb propose en effet de multiplier par cent le montant des amendes encourues par les grands réseaux sociaux et moteurs de recherche quand ils manquent à leurs obligations (retrait, déréférencement de contenus, coopération avec les autorités judiciaires).

Ces amendes pourraient aller jusqu'à "un montant maximal de 37,5 millions d'euros pour les personnes morales et 7,5 millions d'euros pour les personnes physiques", selon le rapport, qui cite le cas de l'Allemagne où un tel dispositif a été mis en place début 2018.
 

Les géants du net en ligne de mire      

Le Premier ministre approuve également l'idée d'une procédure de signalement uniformisée des contenus illicites (le rapport suggère une procédure "clairement identifiable par un +logo standardisé+"), d'un traitement judiciaire "plus rapide et plus efficace" ou encore d'un mécanisme de dépôt de plainte en ligne, prévu par le projet de loi de réforme de la justice bientôt soumis au Parlement.

Le gouvernement entend agir également sur le plan européen. Dans ce cadre, M. Philippe se dit intéressé par la proposition de créer un statut particulier pour les plus grands réseaux sociaux et moteurs de recherche, dont le régime de responsabilité serait renforcé.
 

Des tests en France

Les propositions du rapport vont être "approfondies" dans le cadre des États généraux des régulations numériques lancées par le secrétaire d'Etat Mounir Mahjoubi, souligne Matignon, qui précise aussi que le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Dilcrah) est chargé de leur suivi.

Des tests réalisés pendant trois mois dans 14 pays européens, dont la France, par le Mouvement antiraciste européen EGAM montrent que les réseaux sociaux manquent à leurs obligations en matière de discours de haine. Selon cette étude également publiée jeudi, "seuls 31% des messages haineux signalés sont supprimés après 24 heures".

Le 31 mai 2016, Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft avaient signé un code de bonne conduite sous l'égide de la Commission européenne, les engageant à lutter contre les propos haineux distillés par leurs services en ligne en Europe. Ces entreprises s'engageaient à "avoir des procédures claires et efficaces pour examiner" les signalements de "discours de haine illégaux" sur leurs supports et à examiner la majorité des signalements "en moins de 24 heures" pour les supprimer si nécessaire.

Accédez à l'intégralité du rapport ici : 

Plan contre la cyberhaine