Gilles Elie-dit-Cosaque : "j’écris un projet documentaire sur un rythme secret développé pendant l’esclavage pour rendre les maîtres fous" #MaParole

Gilles Elie-Dit-Cosaque
Il a créé une œuvre originale, antillaise et poétique, avec ses six documentaires et son premier film de fiction intitulé Zépon. À l’occasion de l’opération spéciale "La 1ère séance avec Gilles-Elie-Dit-Cosaque", le réalisateur fait le point sur son beau parcours dans #MaParole.

À quoi tient une vocation ? À une frustration, répond Gilles Elie-Dit-Cosaque. Le réalisateur évoque souvent le refus de son père d’acheter Spiderman, un jour, au kiosque à journaux. Il n’avait que 7 ans et ce refus a fait naître chez lui et son frère Patrice, l’envie de raconter leurs propres histoires en bande dessinée. Ils avaient même créé chacun leur maison d'édition.

1 Passionné de BD

La vie à Paris est ponctuée par de longs voyages en Martinique grâce aux congés bonifiés de son père militaire et de sa mère institutrice. Le réalisateur en garde des souvenirs de jeux avec son frère et sa sœur, mais aussi de longs moments d’ennui. À Saint-Esprit, on est loin de la mer. Malgré tout, ces voyages s’avèrent être une mine d’inspiration pour la suite.

Au lycée à Paris, Gilles Elie-Dit-Cosaque s’occupe d’un journal, un fanzine, disait-on à l’époque, consacré à la BD. Il monte une émission dans laquelle il reçoit de prestigieux auteurs tels que Moebius, François Bourgeon ou Jean-Claude Mézières, l’auteur de Valérian.

Après le baccalauréat, le réalisateur choisit de suivre des études de marketing. "Quand j'étais petit, je voulais être astronaute, puis auteur de BD et j'ai eu envie de faire de la publicité", raconte Gilles Elie-Dit-Cosaque dans #MaParole. Il entre ensuite dans des agences de publicité et monte rapidement les échelons au point de devenir directeur artistique dans une agence. Il s’occupe alors de publicités pour Pepsi ou McDonald's, de grandes marques américaines, à mille lieux de ses films d’auteurs.

2 Ma grena' et moi

Publicitaire le jour, Gilles Elie-dit-Cosaque ne néglige pas ses projets personnels. Il garde une tendresse pour les photos et les vidéos qu’il réalise adolescent. Alors quand se présente la possibilité de proposer un programme original, il saute sur l’occasion. Ce sera Kamo, en 2000, une série originale de films courts, des instantanées sur la vie quotidienne en Martinique.

Après Kamo, il s’embarque dans un projet de documentaire, son premier. Le sujet n’a rien d’anecdotique. Il parle du patrimoine populaire de la Guadeloupe incarné par une mobylette de type motobécane 89 : la grena' !  Dans Ma grena' et moi, il signe des portraits amusés de propriétaires de grena'. Un documentaire au charme fou.  

Dans la foulée, il crée sa société de production baptisée La maison garage et il met en route un nouveau documentaire qui le plonge dans ses souvenirs d’enfance. Outre-mer Outre-tombe parle des cérémonies d’obsèques aux Antilles et de la manière d’envisager la mort. Une sorte de voyage initiatique en compagnie de croque-morts, d’artistes, de conteurs, de prêtres et de croyants.

En 2008, il signe un nouveau film intitulé Zetwal sur un sujet étonnant. L’aventure d’un mordu d’Aimé Césaire qui rêve de devenir le premier Français à aller dans l’espace. Son carburant : la poésie d’Aimé Césaire. La genèse du film racontée par Gilles Elie-Dit-Cosaque s'avère amusante.

C’est en tournant des images sur les combats de coqs qu’il tombe sur Hugues Sainte-Rose, éleveur. "Tous ses coqs avaient des noms d’astronautes ou en lien avec le spatial. Pourquoi ?" se demande alors Gilles Elit-Dit-Cosaque. L’éleveur lui répond que "c’est en hommage à son frère Robert Sainte-Rose, l’homme qui aurait dû être le premier Français dans l’espace". Un peu hilare, Gilles Elie-Dit-Cosaque ne prend pas tout de suite l’histoire au sérieux, ce qui a le don d'agacer Hubert Sainte-Rose. Pas rancunier, l'éleveur de coqs lui confie par la suite un cahier jauni par le temps et quelques bobines de super 8. Le regard du réalisateur change radicalement au point d’imaginer puis de tourner un film sur l’histoire de Robert Sainte-Rose, connu sous le nom de Zetwal.

Après Zetwal sorti en 2008, Gilles Elit-Dit-Cosaque est très impressionné par le conflit social qui agite la Martinique et la Guadeloupe pendant des semaines en 2009. Il imagine alors un film sur cette crise qu’il intitule La liste des courses, en référence à la liste de 100 produits de première nécessité négociée pour sortir de la crise. Encore une fois, il fait un pas de côté pour parler d'un sujet compliqué. Ce qui frappe dans ses documentaires, c’est l’utilisation de l’animation, du graphisme, d’une typographie originale et une bonne dose de poésie.

Le réalisateur Gilles Elie-dit-Cosaque

3 La fiction avec Zépon

La mort de Pelé le 29 décembre 2022 ne laisse pas Gilles Elie-Dit-Cosaque indifférent. En 2014, il imagine un film dont le titre porte le nom du célèbre footballeur. En discutant avec des Martiniquais, il découvre qu’un match opposant le FC Santos du roi Pelé à la sélection de la Martinique a eu lieu sur l’île en 1971. Résultat : 4-1 pour l’équipe brésilienne. Mais le clou de l’histoire, c'est le mouvement social qui a précédé le match. Cela coutait très cher de faire venir l’équipe du Brésil alors le prix des billets s’était envolé. 100 francs (15 euros d'aujourd'hui)! C’est ainsi qu’un groupe de supporters a décidé de manifester en prenant pour slogan "Nous irons voir Pelé sans payer". Le mouvement a si bien marché que la télévision a décidé pour la première fois de diffuser le match. Malheureusement, il n’a pas été enregistré. Mais le documentaire Nous irons voir Pelé sans payer raconte une épopée martiniquaise avec un style inimitable. 

En 2016, Gilles Elie-Dit-Cosaque passe du football aux télénovelas. À travers les témoignages de trois fanatiques de telénovelas, il dresse le portrait de trois femmes, l'une guyanaise, l'autre martiniquaise et la dernière réunionnaise. Cette fois, il décide de mettre un peu de fiction dans son documentaire en demandant aux trois fans de télénovelas de jouer des scènes. Le film se nomme Je nous sommes vus. Gilles Elie-Dit-Cosaque avoue avoir une grande affection pour ce documentaire dans #MaParole. Et pourtant, financièrement, ce film n'a pas été une affaire, raconte-t-il, car le CNC, probablement inquiet de la référence aux télénovelas, ne lui a pas donné d'aide à l'écriture. 

Après ce documentaire, le réalisateur saute le pas et se lance dans un film de fiction avec Zépon. Le pitch est improbable. Il s’agit de l’histoire d’un homme en Martinique qui parie sa fille unique sur un combat de coq. Cela faisait longtemps que le réalisateur tournait des vidéos dans l’univers des pitts à coqs. Il faut dire qu’à la retraite, son père s’est pris de passion pour ces combats au point d’élever des coqs. Zépon parle de l’univers des pitts, mais aussi des relations entre un père et ses enfants. Les seconds rôles joués par José Dalmat et Eric Delor sont absolument géniaux. Très poétique, le film touche par sa sensibilité et son originalité. 

Aujourd'hui, Gilles Elie-Dit-Cosaque mène plein de projets en même temps. Le Covid et les confinements l'ont convaincu qu'il était possible de travailler sur plusieurs sujets en parallèle. Il écrit donc deux films de fictions sur des thèmes qui le touchent particulièrement, les camps et l'histoire de l'esclavage. Il prépare aussi un documentaire sur le Ka en Guadeloupe, en particulier sur ce 8e rythme qui rend fou les maîtres et qui, en 2009, "aurait peut-être fait fuir le ministre des Outre-mer Yves Jego". De l'imagination, Gilles Elie-Dit-Cosaque n'en manque pas, de même que ce don pour aller chercher la petite histoire qui frappe le spectateur. 

 

L'équipe de tournage et les acteurs du nouveau documentaire de Gilles Elie-Dit-Cosaque.

 

♦♦ Gilles Elie-Dit-Cosaque en 5 dates ♦♦♦

►16 juillet 1968

Naissance à Paris 

►2000

Kamo

Mai 2003

Création de La maison garage

►2004

Ma grena' et moi

Février 2022

Sortie de Zépon