Goldman Sachs et Morgan Stanley optimistes pour le nickel [même si les stocks grimpent]

Le métal des batteries électriques, comme on l’appelle de plus en plus à la City de Londres, enregistre une augmentation de l’offre au détriment de la demande. Les entrepôts mondiaux reçoivent des quantités inattendues de nickel qui pésent sur les prix. Mais pour combien de temps ?
 
Le nickel fait actuellement l'objet d'une correction baissière, conséquence d’une remontée des stocks mondiaux, mais pas seulement : "Les métaux industriels et le nickel n’ont pas pu conserver leurs gains, car le marché semble toujours mesurer les implications de l’accord commercial entre La Chine et les Etats-Unis" a déclaré vendredi matin John Bromhead, analyste pour la banque néo-zélandaise ANZ Research.

Le nickel trébuche
Après avoir progressé de plus de 3 % mercredi soir, après le soutien du parlement de Strasbourg au Green Deal européen et l’annonce d’un objectif de production de près de 13 millions de véhicules électriques en Europe d’ici 2030, le prix du métal a rechuté de 3,9 % jeudi, en raison de la livraison de grandes quantités de métal dans les principaux entrepôts mondiaux. Ainsi, le prix des briquettes de nickel livrées aux sidérurgistes du Midwest aux Etats-Unis a baissé cette semaine, suivant la fluctuation des cours du "métal du diable".
Stocks de nickel dans un entrepôt du LME
Stocks, prix, Nouvelle-Calédonie
Les entrepôts (warehouse) du LME ne contiennent pas ou peu de nickel d’origine calédonienne, l’essentiel de la production du pays, sauf celle de Vale (VNC) étant un alliage non référencé par la Bourse des métaux de Londres. Néanmoins, la base de calcul du prix du minerai ou du ferronickel produit en Nouvelle-Calédonie est le prix fixé par le LME, en pourcentage de la teneur en nickel contenu dans le minerai ou dans les alliages de la SLN et de KNS. La remontée actuelle des stocks mondiaux augmente l’offre au détriment de la demande. Les cours du nickel ont baissé et avec eux la valeur de la production de la Nouvelle-Calédonie.

Doublement des stocks 
Les stocks de nickel du London Metal Exchange (LME) ont plus que doublé en un peu plus d'un mois, avec près de 120.000 tonnes de métal entrés dans les entrepôts enregistrés de Rotterdam, Johor ou Singapour. Le récit haussier du nickel s'est arrêté. Il reste à savoir pour combien de temps. Cette devinette revient à spéculer et c’est le terrain de prédilection des analystes londoniens et de leurs collègues à travers le monde.

Investisseurs frileux
La flambée des stocks a dissuadé les investisseurs, le prix de la tonne de nickel à Londres étant retombé sous le niveau de 14.500 $ la tonne atteint début janvier, bien loin du sommet quinquennal de 18.850 $ la tonne observé en septembre dernier. "Des enregistrements techniques et commerciaux, plutôt qu'un changement des fondamentaux, ont provoqué l'apparition soudaine de tant de métal" a estimé l'agence Reuters. (Ci-dessous en jaune, état des stocks de nickel sous madat LME)

La crainte d'un déficit s'éloigne
Les récentes arrivées de stocks de LME ont réduit les inquiétudes concernant une pénurie imminente de métal. Les stocks de nickel au LME paraissaient dangereusement bas début décembre, avec un chiffre sous les 70.000 tonnes. L'inventaire global s'élève aujourd'hui à 183.012 tonnes, un niveau record atteint pour la dernière fois début avril 2019. La prime au nickel, historiquement élevée, a encouragé les livraisons physiques et la réapparition de stocks non enregistrés dans l’attente de commandes pour la production des batteries des véhicules électriques. Les fluctuations des stocks de nickel au LME ont dissipé toute crainte d'un déficit d'approvisionnement imminent même si l'Indonésie a annoncé un embargo sur l'exportation de minerai de nickel. Les acheteurs chinois ont eu le temps de constituer d’énormes stocks afin d’alimenter le secteur de l’acier inoxydable. Les importations en provenance d'Indonésie ont dépassé 3 millions de tonnes en octobre, le volume d'importation mensuel le plus élevé depuis le début de 2014. "Encore plus significatif fut l'augmentation des importations de ferronickel, qui inclut la fonte brute (NPI) produite par une nouvelle génération de fonderies indonésiennes", a encore relevé l'agence Reuters.

Morgan Stanley et Goldman Sachs relativement optimistes
Il faudra du temps pour que la demande croissante du secteur des batteries de véhicules électriques se traduise par une pénurie de métal raffiné. Les analystes du secteur sont néanmoins uniformément positifs sur les perspectives à plus long terme pour le nickel, bien qu'ils se méfient de la demande à court terme du secteur de l'acier inoxydable, qui représente toujours la majorité de l'utilisation du nickel. Morgan Stanley, par exemple, a estimé lundi dernier : "2020 sera une année de transition pour le nickel avec un risque de chute des prix en dessous de 13.000 $ la tonne au premier semestre avant que le marché ne se renforce au second semestre à cause d’un resserrement de l’offre". Le point de vue de la banque américaine Goldman Sachs est résumé dans le titre de sa note de recherche du 19 décembre - "Pourquoi, nous restons positifs sur le nickel". Elle pense que la vague montante de production de nickel pour les batteries électriques (EV) a besoin d'un prix incitatif de 16.000 $.

Surveiller l'Indonésie
Bien que la demande des batteries électriques pour le nickel soit encore faible, sa croissance future a déjà eu un impact significatif et positif sur le prix, sous forme de couverture préventive de la demande pour les véhicules électriques. La banque Goldman Sachs et le négociant Marex Spectron s'attendent à ce que cette tendance se poursuive en 2020.

Le marché du nickel et les pays producteurs, je pense à la Nouvelle-Calédonie, doivent rester très attentifs aux flux de nouvelles en provenance d'Indonésie"Philippe Chalmin, universitaire et président du cercle Cyclope des économistes en matières premières. 


Cours du nickel à trois mois au LME, vendredi 17 janvier à 18H00 GMT. 
13.935 dollars par tonne (6,30/Ib) + 1,00 %. Semaine - 2,04 %