Outremer la 1ère : On a l’impression de voir un nouveau Yoram depuis le début de cette saison tant au niveau national que continental, en quoi as-tu changé ? Tu sembles mieux sur et en dehors du terrain, moins timide.
Yoram Moefana : Je le ressens oui, c’est d’abord parce qu’on a bien bossé avec mes coéquipiers en club pendant l’été avec une grosse préparation à Loudenvielle (Hautes-Pyrénées). Donc on s’est très vite senti en forme en début de saison et c’est top.
C’est vrai aussi que je m’amuse de plus en plus avec mes copains du club. Le fait de travailler avec mes coachs, de prendre plus la parole dans notre structure de jeu cela me met en confiance. On a de supers coachs, à chaque fois on peut leur demander où développer des choses comme les passes ou le jeu au pied. Ils interviennent pour nous améliorer.
Tout ça me donne encore plus de plaisir chaque week-end. J’essaie de performer et de donner le meilleur de moi-même en même temps.
Outremer la 1ère : Dans cette ligne de trois quarts "galactique" de l’UBB avec tous ces joueurs en équipe de France (Ndlr : Lucu, Jalibert, Bielle Baray, Depoortère, Penaud et Buros) comment te sens-tu ?
Yoram Moefana : J’essaie de faire ma place, on s’entraîne beaucoup ensemble et je pense que je passe beaucoup plus de temps avec eux qu’à la maison. Chaque joueur de notre effectif connaît les points forts des autres.
Je sens que j’ai une nouvelle énergie en moi, j’aime toujours le combat, j’aime toujours plaquer et quand c’est dur sur le terrain. Mais je n’ai pas envie de n’être que cela, juste un joueur qui fonce tout droit, j’adore aussi faire des passes.
Yoram Moefana, équipe de France de rugby
Outremer la 1ère : Quand tu vois les fusées Penaud ou Bielle-Baray partir marquer quand tu leur offres des ballons d’essai, que ressens-tu ?
Yoram Moefana : Je suis content car je sais que dans 90% des cas il y a un essai au bout, c’est bien pour l’équipe et ça renforce notre mental. Dans les moments difficiles si Loulou (Bielle-Baray) nous fait un coup de pied à suivre ou un coup de magie et qu’il marque, ça nous fait du bien.
Outremer la 1ère : Et même en bleu on voit un nouveau Yoram. Que ce soit en bleu ou avec Bordeaux tu fonctionnes de la même façon ?
Yoram Moefana : C’est ça. C’est important pour le joueur de savoir que le coach te fait confiance, même si ce sont les joueurs qui doivent la chercher, être là sur le terrain et tout donner pour l’équipe.
Je pense que j’ai la confiance du staff de l’équipe de France, à moi de montrer que j’apporte un plus à l’équipe, et de me donner à fond tout le temps si j’ai la chance d’être retenu pour le match.
Outremer la 1ère : Quand tu étais gamin, est-ce par atavisme familial que tu es venu au rugby ou est-ce que tu voulais faire autre chose ?
Yoram Moefana : Clairement c’est par rapport à ma famille, mes oncles Sipili, Tapu, Kito, et Tiaki ont fait du rugby et indirectement ça m’a attiré, mais je jouais aussi volley. Je ne sais pas si j’ai les qualités pour, mais tous les soirs avec les copains à Futuna on jouait au volley, après je me suis mis dans le rugby, j’ai aimé et j’ai continué.
Outremer la 1ère : C’est important pour toi d’avoir grandi auprès d’eux dans le rugby, d’écouter la parole de l’aîné, que t’ont-ils apporté ?
Yoram Moefana : Quand je suis arrivé ici à douze ans, je ne connaissais rien de la vie, mes oncles sont plus âgés que moi et c’était normal pour moi de les écouter. Ils ont vécu plus que moi. Ils m’ont toujours dit d’être poli, de travailler dur et d’avoir un comportement respectueux et exemplaire, que ce soit à la maison ou en dehors.
J’ai été éduqué comme cela. Ce sont ces choses-là qu’ils m’ont apprises, et à vivre tout seul, j’ai appris à cuisiner tout seul et ça m’a servi.
Ça me sert encore plus maintenant que je suis papa.
Outremer la 1ère : Tu restes et tu deviens un modèle pour tous ces enfants de ton île. Être exemplaire pour eux, c’est dans quel but ?
Yoram Moefana : Je pense que ce n’est pas facile de quitter son île comme ça et se dire j’ai envie de pratiquer le rugby en France et d’y aller tout seul. Nous, on a tous vécu ça en famille et on a besoin d’être entourés, on essaie de donner l’exemple aux petits pour persévérer, de ne pas oublier leurs rêves.
S’ils ont envie de venir jouer ici, il ne faut pas hésiter. Si j’avais un message à leur dire, je leur dirais surtout de bien travailler à l’école et de s’entraîner dur. Car s’ils veulent venir en France, ils savent qu’ils auront des frères qui seront là pour les accueillir.
Outremer la 1ère : Le tournoi des Six Nations arrive avec ce match contre les Gallois, vous espérez quoi cette année ?
Yoram Moefana : On a à cœur de faire un bon tournoi et d’être performants. Je vais être titulaire contre le Pays de Galles, c’est génial car ça reste un rêve d’enfant. La première fois que j’y ai goûté (février 2022 contre l’Irlande) ça m'a donné envie de revenir et de batailler pour disputer ces Six Nations. Et comme on avait fait un grand chelem, on veut le revivre.
Outremer la 1ère : Que t'apporte le rugby désormais ?
Yoram Moefana : Le rugby m’a beaucoup apporté en tant qu’homme mais aussi dans le jeu. Il y a beaucoup de choses encore à voir. Je ne me suis pas fixé de limites et je donne tout pour aller le plus haut possible.
Cette convivialité, ces valeurs, ce bonheur de se retrouver pour jouer des matchs... On vit des moments intenses, comme la finale de 2024. Même si on l’a perdue, ce sont des moments qu’on garde jusqu’à la fin de notre vie. J’espère en revivre et gagner une finale dès cette saison.
Dans le rugby je retrouve ce côté famille que j’avais chez moi à Futuna, avec des gars respectueux qui sont toujours là. Quand tu as besoin d’eux tu peux compter sur eux, ça se retrouve en match aussi, il faut jouer ensemble.
Yoram Moefana, équipe de France de rugby
Outremer la 1ère : Quelle place tient la religion dans ton rugby ?
Yoram Moefana : Nous les Wallisiens et Futuniens, on est catholiques, c’est inné, c’est en nous. Les jours de matchs on fait une petite prière le matin et le soir, et avant chaque match aussi, je fais la prière en futunien. C'est pour être protégé sur le terrain. J’ai gardé ma langue maternelle car chez nous on se parle tout le temps en futunien, c'est dans la nature des choses.On doit rester nous-mêmes.