Les Guyanais honorent leurs morts et célèbrent la Toussaint

Le cimetière du centre-ville de Cayenne, dans la soirée de la Toussaint.
Constellé des lueurs de milliers de bougies rouges, le cimetière du centre-ville de Cayenne s'est animé mercredi pendant la soirée de la Toussaint, une commémoration très suivie en Guyane, où la population est majoritairement chrétienne.
"C'est un devoir pour nous de venir, on n'oublie pas nos morts", a expliqué Virginie, 79 ans, habillée d'une robe brodée et assise sur une petite chaise devant la tombe d'un de ses proches. A quelques dizaines de mètres, baignés du musc de l'encens, huit membres d'une famille sont venus honorés leurs aïeux sino-guyanais. "On essaye de perpétuer les traditions. Nous, nous sommes nés catholiques et nos parents étaient bouddhistes donc on essaye de faire les deux religions", raconte Sylvie, désormais domiciliée aux Antilles françaises mais revenue en Guyane pour l'occasion.

Stèle de Léon-Gontran Damas 

Les hommes de sa famille ont allumé un feu dans un sceau en métal qui contient "de l'or et de l'argent". Pour que les défunts "puissent recevoir" ces présents, détaille Sylvie. Au milieu du cimetière, s'élève la stèle commémorative de Léon-Gontran Damas, poète et écrivain guyanais, co-fondateur du mouvement Négritude. La pierre est parée en cette soirée de guirlandes lumineuses.

Certains ouvrages sont bien plus modestes, façonnés de terre qu'il faut remodeler après chaque saison des pluies. Par endroit, les familles réunies partagent à manger avec les disparus. Chantal, employée de la fonction publique, a apporté de "l'eau et un gâteau" pour la petite assemblée. "On est contents de se retrouver en famille car on ne se voit pas souvent avec le travail". Le rassemblement permet de "discuter, rigoler", poursuit Chantal, qui attend une quinzaine de proches en mémoire de son fils.

Une famille honore la mémoire de ses morts au cimetière de Cayenne.

Les repas partagés se font néanmoins de plus en plus discrets. Il y a quelques années, il était habituel de voir le "colombo" et le riz chaud être servis pour l'occasion se remémore un Cayennais. Mercredi soir, seules quelques friandises passaient de main en main. "C'est moins festif, moins illuminé qu'avant", témoigne Virginie, qui se recueille chaque année depuis sa prime enfance. Au fil des ans, les fleurs artificielles ont aussi remplacées les senteurs fraîches regrette Noémie, quinquagénaire. "On n'a pas le choix avec les histoires de moustiques et l'eau qui stagne dans les pots, mais moi ça me gêne".

Cimetière saturé 

Le vieux cimetière de Cayenne est aujourd'hui saturé et n'accueille plus de nouveaux défunts. L'inhumation la plus ancienne est attribuée à Victor Hugues. Cet ancien gouverneur de Guyane décédait en 1826. C'est lui qui rétablit l'esclavage dans la colonie française d'Amazonie en 1802, sous les ordres de Napoléon.

Une partie du cimetière est consacrée aux Soeurs de Saint-Paul. Pour l'occasion, leurs croix sont toutes ornées de fleurs blanches. Les bagnards et les prisonniers n'eurent au siècle passé pas droit à une cérémonie. "Ils étaient jetés dans les fosses communes", indique Paul, citoyen passionné d'histoire, venu commémorer les défunts.