Guyane: un hélicoptère privé pour expulser des migrants

Faute de ligne aérienne régulière vers le Guyana, la préfecture de Guyane a expulsé fin juillet deux sans-papiers guyaniens vers leur pays d'origine en hélicoptère privé.
C’est le site StreetPress qui a révélé cet événement… surprenant. Fin juin, la ligne commerciale Cayenne-Panamaribo-Georgetown, jusqu’alors assurée par la compagnie Surinam Airways, ferme. La direction de la police aux frontières de Guyane doit donc trouver un autre moyen pour expulser les nombreux sans-papiers guyaniens - originaires du Guyana - qui remplissent son unique centre de rétention.
 

En hélicoptère privé

Une ordonnance d’expulsion propose alors pour la première fois de renvoyer ces migrants par hélicoptère.
Il y a un hic : il s’agit d’un hélicoptère privé, et selon StreetPress qui a pu consulter le devis, le tarif est de 4600 euros pour un aller-retour Cayenne-Paramaribo, la capitale du Surinam. A cela s’ajoute le prix d’un billet - d’avion cette fois - entre le Surinam et Georgetown au Guyana. Jusqu’ici, deux expulsions auraient été menées à terme.
 
Le retour des expulsés guyaniens se fait en deux étapes: ils passent par la capitale du Suriname avant d'être reconduits au Guyana.

La mesure ne fait pas l’unanimité auprès des forces de l’ordre. D’abord parce que les trajets sont longs et fatigants. Ensuite, le dispositif n'est pas efficace: l’hélicoptère est un écureuil de 5 places, un appareil habituellement utilisé par la gendarmerie. Willy Ranguin, délégué syndical Unité SGP Police-FO,  explique : "Si vous mettez deux escorteurs, un chef d’escorte, le pilote et son copilote, vous avez déjà rempli les places."
 

Une solution provisoire

Or, dans la mesure où la préfecture procède chaque année à une centaine d’expulsions vers le Guyana, à 4600 euros le vol en hélicoptère, l’addition pourrait vite être salée.

Mais il ne s’agirait que d’une solution provisoire. "La cellule éloignement du centre de rétention est en train de travailler sur des routings par avion pour faire ça via l’Europe ou le Brésil par exemple", raconte Willy Ranguin. Le représentant syndical explique : "Il n’y a pas de liaison aérienne par exemple avec le Pérou. Eh ben, pour renvoyer les sans-papiers péruviens, on les fait passer à Paris pour aller à Lima".   


Des reconduites à la frontière en pirogue

Mais les reconduites à la frontière se font plus généralement… en pirogue. Sur l’Oyapock, qui sépare la Guyane du Brésil, ou sur le fleuve Maroni qui, lui, marque la frontière avec le Surinam.
Seulement, ces expulsions ne sont, pour ainsi dire, pas suivies d’effet, comme le raconte Marion Beaufils, juriste à la Cimade au Parisien : "le fleuve Oyapock est assez étroit, donc c’est facile et pas cher de le traverser, les personnes expulsées sont escortées jusqu’à la rive, elles traversent avec un piroguier et une fois en face, elles prennent une pirogue dans l’autre sens. Une demi-heure plus tard, elles sont de retour."
 

Manque de moyens humains

Syndicats de police comme associations de soutien aux réfugiés et aux migrants dénoncent un manque de réalisme des autorités. Récemment, un tract pointait du doigt le sous-effectif chronique au centre de rétention administrative de Matoury.  En ce moment, 27 personnes y sont retenues, pour seulement 2 ou 3 policiers affectés à la surveillance de nuit.