Haïti : espoir d'un apaisement après la démission du Premier ministre

Le secrétaire d’État américain et le Premier ministre jamaïcain (au centre), juste avant la réunion d'urgence sur la situation en Haïti, le 11 mars 2024.
Le départ du chef du gouvernement, réclamé par les gangs et une partie de la population, a été annoncé ce lundi 11 mars lors d'une réunion d'urgence en Jamaïque.

L'espoir d'un apaisement se fait jour ce mardi 12 mars en Haïti au lendemain de la démission du Premier ministre Ariel Henry, qui a cédé à la pression des partenaires régionaux du pays le plus pauvres des Amériques, plongé dans l'anarchie par les bandes criminelles.

Le départ du chef du gouvernement était réclamé par les gangs et une partie de la population. Le Premier ministre haïtien a accepté de quitter ses fonctions ce lundi lors d'une réunion d'urgence des membres de la Communauté des Caraïbes (Caricom) et de représentants de l'ONU en Jamaïque.

"Le gouvernement que je dirige ne peut rester insensible à cette situation. Comme je l'ai toujours dit, aucun sacrifice n'est trop grand pour notre patrie, Haïti", a déclaré Ariel Henry dans un discours de démission mis en ligne.

Aucune élection depuis 2016

Bloqué sur le territoire américain de Porto Rico après avoir été empêché de rentrer dans la capitale haïtienne, le désormais ex-chef du gouvernement a échangé à distance avec les membres de la Caricom au cours de la réunion.

Il a confirmé sa démission lors d'un échange téléphonique lundi avec le secrétaire d'Etat des Etats-Unis Antony Blinken, qui se trouvait en Jamaïque, selon un responsable américain. Il est le bienvenu s'il veut rester à Porto Rico, a ajouté ce responsable.

Sans président ni parlement - le dernier chef d'Etat, Jovenel Moïse, a été assassiné en 2021 - Haïti n'a connu aucune élection depuis 2016. M. Henry, nommé par Jovenel Moïse, aurait dû quitter ses fonctions début février.

Début mars, il avait signé un accord à Nairobi pour permettre l'envoi de policiers kényans en Haïti et cherchait depuis à regagner son pays.

Vers "des élections libres"

Après l'annonce de la démission d'Ariel Henry, le président du Guyana et de la Caricom, Mohamed Irfaan Ali, s'est dit "heureux" d'annoncer "un accord de gouvernance transitoire ouvrant la voie à une transition pacifique du pouvoir",  lors d'une conférence de presse à l'issue de la réunion en Jamaïque.

Ce dénouement devrait déboucher selon lui sur "un plan d'action à court terme en matière de sécurité" et "des élections libres et équitables".

Dernier signe en date de la crise sécuritaire, l'évacuation lundi de l'ensemble du personnel de l'Union européenne présent en Haïti. Dans la nuit de samedi à dimanche, les Américains ont évacué par hélicoptère leur personnel diplomatique non essentiel.

Les autorités haïtiennes ont décrété il y a une semaine l'état d'urgence, assorti d'un couvre-feu nocturne, dans le département de l'Ouest, qui comprend la capitale, mais elles ne contrôlent pas entièrement ce territoire. Ce couvre-feu a été prolongé lundi jusqu'à jeudi, selon un communiqué des autorités.

Conseil de transition

La réunion de Kingston avait pour but de formaliser une proposition à Ariel Henry, afin qu'il cède le pouvoir à un conseil de transition comprenant un vaste panel de la société civile haïtienne.

D'après une déclaration de la Caricom, ce conseil compterait sept membres votants représentants des principaux partis politiques, du secteur privé et du groupe Montana, une coalition de la société civile qui avait proposé un gouvernement intérimaire en 2021 après l'assassinat du président Jovenel Moise.

Lundi, le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé tous les acteurs politiques haïtiens à des "négociations sérieuses" pour "rétablir les institutions démocratiques" du pays.

133 millions de dollars

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a promis une aide de 133 millions de dollars supplémentaires des Etats-unis. 100 millions seraient consacrés à la force multinationale prévue pour Haïti, et 33 millions pour l'aide humanitaire.

L'escalade de la violence "crée une situation intenable pour le peuple haïtien, et nous savons tous qu'une action urgente est nécessaire tant sur le plan politique que sur le plan de la sécurité", a déclaré M. Blinken.

"Seul le peuple haïtien peut et doit déterminer son propre avenir, et personne d'autre", a-t-il ajouté, mais les États-Unis et leurs partenaires "peuvent aider à rétablir la sécurité fondamentale" et à faire face à "l'énorme souffrance" en Haïti.

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, présent virtuellement lors des discussions, avait offert peu avant quelque 91 millions de dollars.