Haïti : inquiétude face à la recrudescence des enlèvements

Des jeunes filles sur le chemin de de retour de l'école, à Port-au-Prince, le 23 janvier 2020.
La recrudescence des enlèvements dans la capitale haïtienne inquiète la population et les organisations de la société civile, qui accusent les autorités d'avoir affaibli la police au profit des bandes armées.
"Aujourd'hui, ce sont des enfants qui se font kidnapper, ce sont des personnes au volant de leur voiture qui se font kidnapper", rapporte Marie Rosy Auguste Ducena du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Une quinzaine d'enlèvements contre rançon ont été recensés depuis le début de l'année 2020 dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince a précisé à l'AFP Michel-Ange Louis-Jeune, porte-parole de la police nationale haïtienne (PNH), qui indique que des crimes similaires ont dû se produire sans qu'ils ne soient connus de la PNH.
 

C'est une situation cauchemardesque : quand un parent voit qu'on enlève son enfant et qu'on lui demande une somme d'argent qu'il n'a pas, il ne sait pas quoi faire. C'est de ça qu'il s'agit aujourd'hui : nous avons des gangs armés qui exigent des sommes faramineuses et des personnes s'endettent pour pouvoir récupérer leur proche. Malheureusement, il nous a été rapporté plusieurs cas où, même après le versement de la rançon exigée, la personne a quand même été tuée.
Marie Rosy Auguste Ducena


Vendredi dernier, le corps de Clifford Dubois, un entrepreneur haïtien, a été retrouvé moins de 48 heures après son enlèvement perpétré en plein après-midi, dans son établissement commercial situé au coeur de la capitale. Aucune information sur l'éventuel paiement d'une rançon n'a été rendue publique.
 
Décrié depuis 2018 par une large mobilisation citoyenne qui dénonce la corruption, le président haïtien a réagi lundi soir à cette aggravation de la situation sécuritaire. "J'appelle, en urgence, à la mise en place d'un plan coordonné du CSPN (conseil supérieur de la police nationale, ndlr), de concert avec les parquets de la République, pour des actions concrètes visant à mettre fin à l'insécurité et au banditisme, dans le respect de la loi. La nation entière, impatiente, attend des résultats", a indiqué Jovenel Moïse sur son compte Twitter.
 

Corruption

Les organisations de défense des droits humains dénoncent depuis plusieurs années l'implication d'élus dans la circulation illégale d'armes à feu qui favorise ces activités criminelles. "Le pouvoir législatif, de concert avec le pouvoir exécutif, a été impliqué dans la contrebande et, avec certains membres du secteur privé, faisait entrer des armes et munitions à profusion sur le territoire national", accuse Marie-Rosy Auguste Ducena.

"Comme ils ont de préférence choisi de mieux équiper les gangs armés plutôt que de renforcer la police nationale d'Haïti, aujourd'hui il y a cette aggravation de la situation sécuritaire mais c'est quelque chose qui était prévisible", regrette l'activiste.