En Haïti, le trafic illégal d'armes alimenté par "des gens qui ont du pouvoir"

L'académie de la police nationale haïtienne à la cérémonie de destruction d'armes organisée à Port-au-Prince, le 18 juillet 2019.
Pour le directeur de la police nationale d'Haïti, les personnes qui ont "du pouvoir" et "de l'autorité" contribuent à l'augmentation du trafic illégal d'armes sur l'île, alimentant les guerres de gangs et l'insécurité.
"Ce sont malheureusement souvent des gens qui ont du pouvoir, souvent des gens qui ont de l’autorité, qui sont supposés aider la police à combattre le trafic des armes : ce sont ces gens-là qui sont impliqués" a déploré, jeudi 18 juillet, le directeur général de la police nationale d’Haïti, Michel-Ange Gédéon, en marge d’une cérémonie de destruction d’armes.
Ces personnes qui "ont du pouvoir" contribuent, selon lui, à la recrudescence du trafic illégal d’armes, alimentant les guerres entre gangs qui plongent le pays dans l’insécurité.

Jeudi, ce sont 370 armes qui ont été détruites à Port-au-Prince. Des armes saisies lors d'opérations menées depuis juillet 2017, ou récupérées auprès des unités de police en raison de leur obsolescence.

"Grands manitous"

En 2015, la police faisait état d'environ 250 000 armes illicites en circulation à travers le pays. Une évaluation qui, selon Michel-Ange Gédéon, n'a pas diminué. "Au contraire. Les chiffres semblent être en nette progression" a-t-il affirmé, refusant toutefois de fournir une estimation actualisée de ces chiffres.
"Ce ne sont pas les vilains petits canards qui détiennent les armes qui me préoccupent, mais plutôt les grands manitous inconscients qui les font venir et ceux qui les distribuent sur le territoire", a expliqué dans un discours, le directeur de la police nationale.
"Je m'adresse à eux pour leur dire que les armes lâchées dans la nature au mépris d'un pays meurtri peuvent être retournées contre n'importe qui, n'importe quand."
Les armes exposées après destruction.

Guerres de gangs
Dans le centre-ville de la capitale haïtienne, les affrontements entre gangs sont quasiment quotidiens et obligent commerçants et habitants à fuir la zone.
Les 13 et 14 novembre derniers, cinq bandes armées se sont affrontées pendant plus de quatorze heures dans le quartier populaire de La Saline.
Dans leur rapport d'enquête publié en juin, les Nations unies ont fait état d'au moins 26 morts et douze disparus. Des organisations haïtiennes de défense des droits humains, elles, établissent le bilan à 71 morts.

"Cycle de violence durable"

"La police nationale s'est souvent retrouvée mal équipée et incapable d'intervenir dans les zones où sévissaient les gangs. » a déploré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pointant la faiblesse des moyens mis à disposition de la police haïtienne dans un rapport au Conseil de sécurité daté du 9 juillet.
"Le quartier de La Saline à Port-au-Prince et la commune de Cité-Soleil ont sombré de nouveau dans un cycle de violence durable après trois années de paix relative", a-t-il regretté.

Un contexte sécuritaire qui préoccupe d'autant plus la communauté internationale que, le 15 octobre, la mission policière des Nations unies sera remplacée par un bureau politique, mettant fin à plus de quinze ans d'opérations de maintien de la paix en Haïti.