En étudiant les parcours de quatre familles de propriétaires d’esclaves sur huit générations, l’historien guadeloupéen Frédéric Régent remonte aux sources de la colonisation et montre plus largement comment l’esclavagisme a contribué à la puissance de l’Europe moderne.
C’est un ouvrage passionnant que publie l’historien Frédéric Régent, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et président du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage. Dans « Les maîtres de la Guadeloupe, propriétaires d’esclaves (1635-1848) », l’auteur se penche avec précision sur les parcours de propriétaires d’esclaves (avec leurs distinctions entre Blancs créoles, Européens, libres de couleur), depuis le début de la colonisation française jusqu’à l’abolition de l’esclavage. Considérant que les maîtres ont été peu étudiés comme groupe social spécifique, Frédéric Régent a voulu, selon ses propres termes, aborder cet « impensé de l’histoire des sociétés coloniales ».
Le livre retrace les parcours de huit générations de maîtres autour de quatre familles et de leurs alliés : les Caniquit, les Douillard, les Paviot et les Ruillier. Frédéric Régent précise que les propriétaires d’esclaves « sont déjà plus de 900 en 1671 et environ 2000 à la fin du XVIIIe siècle et dans le premier tiers du XIXe siècle ». L’histoire de ces familles de même que celle de la Guadeloupe s’articule autour des circonvolutions politiques et économiques de la métropole et du monde, surtout de la zone Atlantique, lieu de multiples rivalités internationales.
Dans son livre, Frédéric Régent relève également le caractère composite des propriétaires d’esclaves. « Aucun lien de solidarité n’existe entre le grand planteur propriétaire d’une manufacture à sucre et le petit planteur propriétaire d’un seul esclave qui travaille à ses côtés », souligne-t-il. « Les parcours des familles révèlent aussi la complexité de la société esclavagiste : certaines passent de serviteurs à grands propriétaires, d’autres d’esclaves à maîtres. Les barrières juridiques ne sont pas infranchissables, tout comme celles de la couleur. »
« Les maîtres de la Guadeloupe, propriétaires d’esclaves (1635-1848) », par Frédéric Régent – éditions Tallandier, 432 pages, 23,90 euros (parution le 25 avril 2019).
"Étudier les maîtres"
« Étudier les maîtres, c’est mettre en lumière l’un des acteurs moteurs de la dynamique d’une des principales puissances de l’Europe moderne », écrit l’historien, qui revient également dans son introduction sur l’histoire globale et complexe de la colonisation de l’arc antillais et sud-américain. La décimation des populations autochtones (à Hispaniola [Saint-Domingue puis Haïti], le nombre d’Amérindiens est passé d’environ un million en 1492 à une centaine en 1570), remplacées par des « cargaisons » de millions d’Africains, possédant une meilleure immunité naturelle aux maladies tropicales.Le livre retrace les parcours de huit générations de maîtres autour de quatre familles et de leurs alliés : les Caniquit, les Douillard, les Paviot et les Ruillier. Frédéric Régent précise que les propriétaires d’esclaves « sont déjà plus de 900 en 1671 et environ 2000 à la fin du XVIIIe siècle et dans le premier tiers du XIXe siècle ». L’histoire de ces familles de même que celle de la Guadeloupe s’articule autour des circonvolutions politiques et économiques de la métropole et du monde, surtout de la zone Atlantique, lieu de multiples rivalités internationales.
Préjugé de couleur
Très érudit et comportant de nombreuses notes, des index de noms et de lieux, des tableaux généalogiques, des plans et des cartes, l’ouvrage aborde toutes sortes de problématiques liées à l’histoire de l’esclavage en Guadeloupe. Premières tentatives de production de sucre, choix des esclaves d’origine africaine, origines géographiques des maîtres, nouveaux arrivants libres, stratégies matrimoniales des maîtres, émergence du préjugé de couleur, manufactures à sucre comme socle de l’économie coloniale, abolition puis restauration de l’esclavage, toutes ces questions sont étudiées dans cette histoire de huit générations qu’on peut lire comme un roman.Dans son livre, Frédéric Régent relève également le caractère composite des propriétaires d’esclaves. « Aucun lien de solidarité n’existe entre le grand planteur propriétaire d’une manufacture à sucre et le petit planteur propriétaire d’un seul esclave qui travaille à ses côtés », souligne-t-il. « Les parcours des familles révèlent aussi la complexité de la société esclavagiste : certaines passent de serviteurs à grands propriétaires, d’autres d’esclaves à maîtres. Les barrières juridiques ne sont pas infranchissables, tout comme celles de la couleur. »
Travail minutieux
Il faut saluer le travail particulièrement minutieux de l’auteur, qui a épluché pour sa recherche, outre des documents des archives nationales, des archives nationales d’Outre-mer et des archives départementales de la Guadeloupe, toutes sortes de textes incluant des correspondances, des registres paroissiaux, des recensements et des actes notariés etc., sans compter les dizaines de livres d’histoire dont il propose une bibliographie sélective à la fin de son ouvrage.« Les maîtres de la Guadeloupe, propriétaires d’esclaves (1635-1848) », par Frédéric Régent – éditions Tallandier, 432 pages, 23,90 euros (parution le 25 avril 2019).