VIDÉO. L’intégration régionale : un vœu pieux ? [Outre-mer et si on bougeait les lignes ?]

Le 20 février dernier, La Martinique a officiellement rejoint la communauté caribéenne CARICOM, en tant que membre associé, après un long processus ; un mois plus tard le 19 mars, c’est Saint-Martin qui à son tour intègre l’organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (OECO). Une nouvelle étape dans la coopération et l’intégration des territoires d’outre-mer dans leur bassin géographique. Une intégration promue au nom d’une proximité géographique et culturelle, défendue par des dirigeants politiques qui en espèrent des retombées économiques.

L’intégration régionale des territoires français d’Outre-mer, fera l’objet de plusieurs rapports de la délégation sénatoriale sur les océans. Le volet consacré à l’océan Indien porté par Georges Patient, sénateur de Guyane et deux autres parlementaires est déjà disponible. Le volet Atlantique est en cours et un autre suivra sur la zone Pacifique. Pour Georges Patient, « il était essentiel de mobiliser la délégation sénatoriale sur cette thématique pour en démontrer les freins, et les pistes de développement potentiels des territoires dans leur environnement régional ».

Une dépendance économique à l’Hexagone ancrée

L’intégration régionale passe notamment par l’économie ; un constat s’impose : les économies ultramarines sont peu intégrées dans leur bassin géographique. Les chiffres des importations et des exportations montrent qu’entre la période 2017-2022, les économies des Outre-mer, en particulier dans le bassin Antilles-Guyane et dans l’océan Indien restent fortement dépendantes des produits de l’hexagone ; la France hexagonale demeure le principal débouché pour leurs exportations sauf dans le cas des territoires du Pacifique.

Pour Ivan Odonnat, le président de l’institut d’émission des départements d’Outre-mer IEDOM, cette photographie actuelle de la situation reste une constante. « Les situations sont insatisfaisantes partout, le problème de fond est le même sur l’ensemble des territoires, à savoir le manque de structuration et de développement des entreprises » selon Ivan Odonnat. Pour Anne-Sophie Alsif, Économiste et Professeure d’économie à la Sorbonne, « la dépendance des Outre-mer à l’Hexagone et le peu d’échanges avec leur zone d’intégration régionale participent à la cherté de la vie sur ces territoires ».

Le manque d’attractivité des territoires reste également un obstacle pour le développement économique des Outre-mer selon Ivan Odonnat. Des territoires qui doivent selon Anne-Sophie Alsif « développer des filières industrielles sur place, parce qu’ils en ont le potentiel ».

Quels statuts pour une coopération politique réussie ?

Les territoires ultramarins veulent depuis plusieurs années développer des relations politiques avec leurs voisins ; mais la Constitution française réserve ce pouvoir au gouvernement et au parlement. Tous ne sont pas soumis aux mêmes règles. Les territoires régis sous des articles spécifiques de la constitution ont plus de latitude. C’est le cas notamment de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie qui ont développé des liens avec la Communauté du pacifique et le Forum des îles du Pacifique. Ainsi voit-on régulièrement les chefs des gouvernements locaux participer à des sommets au même titre que des chefs d’état de pays indépendants. Le sénateur de Guyane Georges Patient affirme que le statut juridique des territoires reste un préalable pour parvenir à une intégration régionale. Selon lui, « tant que tout est décidé depuis Paris, la situation ne changera pas ». Pour Annick Pétrus, sénatrice de Saint-Martin, son territoire qui est une RUP (Région ultrapériphérique de l’Europe) a besoin « pour se développer du soutien financier de l’Europe. Pour le moment, ce statut nous est nécessaire ».

L’adhésion de la collectivité de Saint-Martin à l’OECO a été un long processus d’une dizaine d’années. Pour la parlementaire, les autorités locales attendent beaucoup de retombées économiques avec cette adhésion. Les deux territoires travaillent déjà ensemble sur d’autres domaines. Le statut ne fait pas tout souligne Ivan Odonnat. Prenant l’exemple de la Nouvelle-Calédonie, territoire qui a la plus grande autonomie, et pourtant rencontre des difficultés économiques depuis plusieurs années avec la crise du Nickel alors que le pays a toute la latitude dans ce domaine. Dans l’océan Indien, la coopération est parasitée par le contentieux sur Mayotte entre la France et les Comores.

En visite dans la zone, Thani Mohamed Soilihi, ministre des Partenariats internationaux et de la Francophonie a affirmé devant les élus Mahorais la volonté du gouvernement d’intégrer pleinement Mayotte aux instances régionales notamment la Commission de l’océan Indien. Mais pour Georges Patient, co-auteur d’un rapport sur la coopération et l’intégration régionale dans l’océan Indien, « on n’en prend pas encore le chemin ». Même si selon Annick Pétrus, il y a un consensus au Sénat autour de la revendication mahoraise d’une reconnaissance de son statut et de son droit à une intégration dans les instances régionales.

Quid alors de la coopération culturelle ?

L’intégration économique et politique ne passe pas seulement par les liens que peuvent avoir les territoires dans leur bassin géographique. La culture aussi a toute sa place. Cette intégration peut être le résultat du partage entre voisins, de langues et références communes. Les industries culturelles peuvent offrir des perspectives de développement, par le tourisme notamment avec l’organisation de festivals de danse et sports traditionnels comme le tour des Yoles en Martinique, le Vaa’a en Polynésie ou encore le Grand raid à La Réunion.

En haut, de G à D : Ivan Odonnat, président de l'IEDOM et Anne-Sophie Alsif, Économiste et Professeure d’économie à la Sorbonne. En bas, de G à D : Annick Pétrus, Sénatrice de Saint-Martin et Georges Patient, Sénateur de Guyane et co-auteur d’un rapport sur la coopération et l’intégration régionale dans l’océan Indien.

 

Les invités de l’émission :

Georges Patient, Sénateur de Guyane et co-auteur d’un rapport sur la coopération et l’intégration régionale dans l’océan Indien.

Annick Pétrus, Sénatrice de Saint-Martin

Ivan Odonnat, président de l’institut d’émission des départements d’Outre-mer IEDOM

Anne-Sophie Alsif, Économiste et Professeure d’économie à la Sorbonne

Une émission présentée par Siti Daroussi
Rédacteur en chef : Didier Givodan
Production : Pôle Outre-mer de France Télévisions
Durée : 52 minutes - © 2025