Hubert Reeves : "l'existence de l'espèce humaine est menacée" [Volet 2]

Hubert Reeves au salon du livre de Paris
Quelques jours après l’adoption de la loi biodiversité, La1ère.fr donne la parole à Hubert Reeves. L’astrophysicien est le parrain de la future AFB, l’Agence française pour la biodiversité. Deuxième volet de cette interview en quatre chapitres. 

Deuxième volet : l'extinction de la biodiversité

La1ere.fr : L'Agence française pour la biodiversité qui doit voir le jour le 1er janvier 2017 est censée rendre plus efficace la préservation de la biodiversité en France. Est-ce que l’on assiste actuellement à une 6e extinction dont parlent de plus en plus de scientifiques ?  

Hubert Reeves : On s’aperçoit effectivement que la biodiversité est très atteinte et que notre espèce est la plus saccageuse qui n’ait jamais existé. Depuis que nous existons, nous éliminons des espèces vivantes. Chaque fois que nos ancêtres préhistoriques arrivaient dans un territoire, ils éliminaient la mégafaune.

Exemple, il y a 1 000 ans, les premiers navigateurs polynésiens ont commencé à explorer les îles du Pacifique. Ils venaient de Malaisie et ils débarquaient sur terre avec des rats. Les rats, la première chose qu’ils faisaient c’était de manger les œufs des oiseaux qui nichent au sol. On reconnaît de nos jours que cela a été un grand massacre.
 

Cagou de Nouvelle-Calédonie

Mais ce qui est plus grave, c’est qu’aujourd’hui avec les moyens que nous avons, cette activité néfaste prend de plus en plus de puissance. A tel point que l’on prévoit qu’avant la fin du siècle, on aura éliminé plus de la moitié des espèces vivantes. Je le répète : plus de la moitié des espèces vivantes risquent de disparaître avant la fin du siècle. Ca ne s’était jamais vu dans l’histoire ! Aucune espèce n’a jamais éliminé une autre espèce. Nous sommes la seule espèce qui est capable de faire ça et nous le faisons en grand format. 

Ecoutez ci-dessous Hubert Reeves sur la 6e extinction de biodiversité :



Grenouille menacée de Guyane

Ce que l’on appelle la 6e extinction c’est donc ça. On voit que dans le passé avant l’apparition des humains, il y a eu des extinctions. Par exemple, il y a 65 millions d’années, la disparition des dinosaures a été provoquée par une météorite géante qui a frappé la Terre. Cette fois, ce sont les humains qui sont responsables de cette extinction en cours et elle a une caractéristique néfaste : elle est plus rapide que toutes les précédentes.

Les extinctions précédentes s’étendaient pour des causes variées sur des périodes de 1 000, 10 000, 100 000 ans. Nous, en quelques décennies, nous sommes en train d’exterminer la vie sur la terre. C’est un problème majeur et c’est l’existence même de l’espèce humaine qui est menacée. Il ne faut pas se voiler la face. Qu’est-ce que sera cette planète dans 30 ans ? Personne ne le sait. Il est possible que l’humanité disparaisse ou soit fortement affaiblie.

L'atoll de Puka Puka dans l'archipel des Tuamotu (Polynésie)

Nous, ça nous choque, car on nous a toujours enseigné que nous sommes le but de la création, le chef d’œuvre de l’évolution. Mais nous pourrions disparaître, pas par des causes naturelles, mais par notre propre activité. Derrière tout ça, l’avenir n’est pas rose pour nos enfants et nos petits-enfants.
 
Est-ce que vous pensez par exemple que les coraux dont vous avez parlé dans votre livre, La mer expliqué à nos petits-enfants, vont disparaître d’ici à la fin du siècle ?

C’est difficile à dire. Mais les coraux sont affectés par le réchauffement de l’eau. Quand l’eau dépasse un certain seuil, les coraux blanchissent, ils perdent les petites algues qui vivent en symbiose avec eux. Il semble qu’ils puissent récupérer dans certains cas, mais c’est loin d’être certain. Ce qui est certain en revanche, c’est qu’ils sont largement atteints par ce réchauffement. Quel est l'avenir des récifs coralliens ? Personne ne le sait. L’extinction n’est pas impossible.  

L'atoll Toau dans l'archipel des Tuamotu (Polynésie)

Demain troisième volet de notre interview d’Hubert Reeves qui portera sur l'Outre-mer et les lobbys.