Plus au nord, à Saint-Pierre et Miquelon, Henri Lafitte évoque lui-aussi ses multiples héritages et appartenances. Le chanteur local se sent tout à la fois "Américain, Européen et Français". Ils livrent leurs témoignages dans "Outremer, et si on bougeait les lignes ?", le nouveau rendez-vous d'information des rédactions Outre-mer de France télévisions. La première émission, diffusée en novembre sur les antennes des 1ère et sur le Portail des Outre-mer, s'interrogera sur les thèmes de l'identité et de la diversité avec cette question : comment vivre son identité dans une société plurielle ?
Témoins, experts et acteurs de terrain
Un vaste sujet qui fait débat dans l'Hexagone mais aussi Outre-mer. Témoins, experts, acteurs de terrain, l'émission multipliera les points de vue avec des invités qui interviendront en duplex depuis leur territoire ou sur le plateau de l'émission à Malakoff en région parisienne.La parole sera notamment donnée à des spécialistes reconnus, comme la sociologue martiniquaise Audrey Célestine, auteure de La Fabrique des identités. L'encadrement des minorités caribéennes à Paris et New York, aux éditions Karthala, ou l'ethnologue Benoît Carteron, auteur d'un ouvrage de référence qui a pour titre Identités culturelles et sentiment d'appartenance en Nouvelle-Calédonie. Sur le seuil de la maison commune, aux éditions L'harmattan. Spelo Rastami sera quant à lui en duplex depuis Mayotte. Le linguiste mahorais est le président de l'association SHIME qui s'occupe, depuis 1998, des langues ancestrales de Mayotte pour leur sauvegarde et leur diffusion.
L'émission se conclura par un débat entre Stéphanie Atger, députée LREM de l'Essonne, d'origine polynésienne et martiniquaise, Isabelle Hidair-Krivsky, nouvelle déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité de Guyane, et le Martiniquais Louis-Georges Tin, ancien président d'honneur du Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, et qui vient justement de publier un livre intitulé Les impostures de l'universalisme, aux éditions Textuel.
Un pari ambitieux
L'émission veut surprendre autant sur le fond que sur la forme et ne cache pas ses ambitions. "On souhaite montrer l'étendue de notre richesse à travers les territoires des Outre-mer, résume Karine Zabulon, présentatrice de l'émission. Nous sommes riches de nos cultures, de nos savoir-faire, de nos expériences… Il faut pouvoir le faire savoir… et échanger nos expériences. L'expérience de la Nouvelle-Calédonie dans un domaine peut servir à la Martinique par exemple et vice versa".Plus que jamais aujourd'hui, les Outre-mer ont en effet beaucoup à apporter dans la compréhension des enjeux sociétaux, économiques ou géopolitiques du moment. "L'idée, c'est de démontrer que les notions de centre et de périphérie sont relatives, précise Didier Givodan, responsable éditorial de l'émission. Traiter des enjeux qui concernent peu ou prou tous les Outre-mer et montrer comment la façon dont ils s'en saisissent a quelque chose à apprendre au reste du monde". De par leur situation géographique, dans les trois océans Indien, Atlantique et Pacifique, les Outre-mer peuvent permettre de porter un autre regard sur le monde, proposer d'autres solutions et pourquoi pas un autre avenir.
L'histoire a créé des liens entre des territoires que la géographie seule n'aurait pas permis. Ces territoires sont très éloignés les uns des autres ainsi que de l'Hexagone, ils sont soumis aux influences de leur environnement régional et vivent donc des réalités très diverses et très méconnues.
"Ultramarin", vous avez dit "Ultramarin" ?
Quand on parle d'identité Outre-mer, impossible de ne pas évoquer le terme "ultramarin". Adjectif et nom, il désigne désormais les territoires et les Français d'Outre-mer. Il s'est imposé ces dernières années dans l'espace public.Pour Alex Laupèze, anthropologue martiniquais qui s'est penché sur le sujet, le nom "ultramarin" est apparu un peu avant 2010. Il a d'abord été adopté par les associations ultramarines elles-mêmes avant d'être très vite repris dans le discours politique... sans pour autant faire l'unanimité ! "Ce sont surtout les populations d'Outre-mer issues de l'immigration qui l'ont beaucoup utilisé, affirme le chercheur.
Quand vous allez aux Antilles par exemple, il est souvent rejeté ou incompris. On pourrait dire que le mot "Ultramarin" est positif car il permet de parler de l'Outre-mer. Mais il est aussi négatif selon moi car il reconjugue différemment la raison de l'autre. En fait, cela crée une bipolarisation entre les gens d'Outremer, dans un champ très vaste, et opposés aux gens qui viendraient de la France.
En 2012, Patrick Chamoiseau, grand homme de lettres, l'avait déjà rayé de son vocabulaire. Interrogé sur le bilan de l'année des Outre-mer en France en 2011, il ne cachait pas son opinion sur un mot qui, en voulant dire le tout, disait surtout son contraire. "Je ne suis pas un "Ultramarin", expliquait l'écrivain martiniquais, et je refuse cette idée que l'on puisse mettre des peuples différents, avec tant de richesses, de potentialités, de pensées et de destins différents, dans un simple "Outre-mer". Par ailleurs, dans le mot Outre-mer, on installe la notion de centralité d'une métropole, c'est-à-dire l'irresponsabilité collective de tous ces pays qui ne peuvent pas décider et qui ne sont que des périphéries. Quand on met tout le monde dans le même sac, on nie la diversité de ces peuples, de ces nations et de ces visions du monde. Il faut donc absolument rejeter les termes d'Outre-mer et d'Ultramarin."
Françoise Vergés partage ces critiques et continue quant à elle d'écrire le mot entre guillemets comme elle l'a encore rappelé lors de l'émission radio "Ultramarin" d'Outre-mer la 1ère. Une majuscule qui passe mal visiblement.
Aujourd'hui, rue Oudinot à Paris, au fronton de leur ministère, les Outre-mer s'écrivent à la fois au pluriel et au singulier mais toujours avec un trait d'union, ce fameux trait d'union qui a disparu dans l'adjectif tout comme dans le nom "ultramarin".
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