Tant mystérieuses que brillantes, la vie et la carrière de Jacques Vergès, avocat d'origine réunionnaise, n'ont su que susciter curiosité et défiance de la part du public. Celui que l'on surnommait le "Serial Plaideur" s'est éteint il y a dix ans. L'occasion de revenir sur ses multiples vies.
La naissance du "petit agitateur anticolonialiste du Quartier latin"
À la fois provocateur et narcissique, le célèbre avocat Jacques Vergès a vécu plusieurs vies en une. Né au Siam (actuelle Thaïlande), en mars 1925, d'un père réunionnais et d'une mère thaïlandaise, l'avocat grandit à La Réunion, à Saint-Denis dans un premier temps, puis à Hell-Bourg et enfin à Saint-André.
Résistant à 17 ans, Jacques Vergès quitte La Réunion pour s'engager dans les Forces françaises libres (FFL) où il participa à plusieurs missions, notamment en Italie ou en France. Adhérent du Parti communiste français (PCF) depuis 1945, le "petit agitateur anticolonialiste du Quartier latin", comme il était qualifié à l'époque, est élu, cinq ans plus tard, membre du bureau du Congrès de l'Union internationale des étudiants (UIE) comme représentant de La Réunion puis secrétaire du parti. C'est durant cette période qu'il côtoya, entre autres, Erich Honecker, futur chef de l'État est-allemand ainsi qu'Alexandre Chelepine, futur patron du KGB ou des futurs chefs Khmers rouges.
Une fois avocat, son engagement pour les luttes anti-colonialistes se concrétisa en demandant au PCF et au Parti socialiste unifié (PSU) de se charger des histoires coloniales en Algérie. Il défendit, entre autres, Djamila Bouhired, jeune militante du FLN, condamnée à mort pour des actes terroriste puis graciée, qu'il épousera plus tard. Son principe de "défense de rupture", qu'il clame lors du procès, le propulse en haut du FLN. Considéré comme un héros par le parti, Jacques Vergès devient conseiller du ministre chargé des affaires africaines au Maroc. Un nouveau statut s'ouvra à lui.
Un avocat médiatique et mystérieux
Au-delà de sa disparition, toujours floue, de 1970 à 1978, Jacques Vergès a construit sa carrière d'avocat sur l'"indéfendable", ce qui lui vaudra de nombreux surnoms comme "l'avocat du diable" ou "de la terreur". Mais à l'inverse, il se faisait appeler le "Serial Plaideur", en raison de ses clients, très controversés.
Et la liste de ses clients était impressionnante. Il a notamment défendu le nazi Klaus Barbie, le "révolutionnaire" Carlos ou le Khmer rouge Khieu Samphan, mais aussi les membres des mouvements d'extrême gauche européens (Fraction armée rouge, Action directe), les activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, le dictateur serbe Slobodan Milosevic, des dirigeants africains, etc.
Un film lui a d'ailleurs été consacré, "L'avocat de la terreur" de Barbet Schroeder sorti en juin 2007. Plus d'une centaine d'écrits sur sa vie ou ses récits juridiques ont également été publiés.