"Illusoire" de vouloir éradiquer les requins, selon le biologiste Bernard Séret

Le spécialiste des requins Bernard Séret, biologiste à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), estime "un peu illusoire de vouloir éradiquer" les squales à La Réunion, où une nouvelle attaque mortelle a eu lieu lundi. 
Trois questions à Bernard Séret, biologiste à l'Institut de recherche pour le développement (IRD)

Après des surfeurs, une baigneuse a été victime d'un requin lundi. Cela est-il exceptionnel ?
"Cette baigneuse n'était pas au bon endroit. J'ai vécu sur cette plage, les Réunionnais ne s'y baignent pas. D'une part, cette plage est dangereuse parce que cela descend très rapidement et, d'autre part, il y a toujours eu des requins dans la baie de Saint-Paul, cela fait plus d'un siècle qu'on le sait. Cette attaque est dramatique mais cela reste un accident. Rappelons qu'il y a dans le monde en moyenne une centaine d'attaques de requins chaque année pour une dizaine de tués, c'est peu."
           
Les autorités ont ordonné la capture du requin tueur. Est-ce une solution ?
"C'est un peu illusoire de vouloir éradiquer les requins. La Réunion est une île océanique, c'est normal qu'il y ait des requins. Les deux espèces supposées impliquées dans les accidents à La Réunion, le requin bouledogue et le requin tigre, ont une répartition cosmopolite dans les eaux tropicales et subtropicales : même si vous en enlevez, il y en a d'autres qui viendront car la nature a horreur du vide. Diminuer temporairement la population peut avoir un effet sur la dangerosité mais ça ne garantit en rien qu'il n'y aura pas un autre accident demain ou dans un mois. Ce genre d'opérations de pêche a surtout une utilité psychologique..."
           
Y a-t-il des solutions plus efficaces à long terme ?
"En Australie, ils ont mis des filets parce que la topographie des plages s'y prête. A La Réunion, on ne peut pas mettre de filets antirequins car les fonds descendent très vite. Il y aurait des solutions, mais à quel prix ! Comme en Afrique du Sud avec des brigades (de surveillance) et des drumlines (lignes verticales à intervalles réguliers, munies d'un hameçon, fixées à une bouée). A La Réunion, ils ont prévu de mettre des drumlines : c'est efficace, mais cela ne vous garantit pas une sécurité à 100%... Et le problème, c'est que si vous voulez vraiment assurer une certaine sécurité, il va falloir évidemment mener cet effort de gestion tous les jours, toute l'année. En Afrique du Sud, les brigades leur coûtent très cher, ils voudraient bien les arrêter ou au moins les transformer."