A défaut de refaire l'histoire de l'Amérique, des candidats démocrates à la présidentielle veulent réparer ses injustices en indemnisant les descendants d'esclaves, mais la question reste sensible dans un pays marqué par les inégalités raciales.
"L'Amérique a été fondée sur le principe de la liberté et sur le dos des esclaves", a affirmé la sénatrice Elizabeth Warren, en campagne dans le Mississippi. "C'est une tache sur l'Amérique", a-t-elle ajouté dans cet Etat du sud profond dont l'histoire est marquée par les discriminations raciales, appelant à ouvrir "un véritable débat national sur les compensations".
L'élue progressiste soutient un projet de loi visant à nommer un groupe d'experts pour étudier la question des indemnisations et proposer des solutions. Le texte est régulièrement présenté au Congrès depuis 30 ans, mais n'a jamais été mis au vote. L'ancien maire de la ville texane de San Antonio Julian Castro, qui espère devenir le premier président hispanique des Etats-Unis, admet que la question suscite "des désaccords profonds". "Si, selon la Constitution, on indemnise ceux à qui l'on saisit les propriétés, pourquoi ne devrait-on pas indemniser ceux qui étaient la propriété de quelqu'un", s'interroge cependant cet ancien ministre de Barack Obama.
D'autres candidats démocrates ont intégré la question dans le débat plus large sur les inégalités raciales et les différences de revenus.
Pour le sénateur socialiste Bernie Sanders, la priorité est de s'attaquer "aux énormes disparités qui existent dans notre pays" et "il y a de meilleurs moyens de le faire que de juste faire un chèque". Amy Klobuchar, sénatrice du Minnesota, abonde dans son sens en souhaitant "investir dans les communautés qui ont tant subi le racisme". "Cela ne veut pas dire de payer directement les gens, mais cela signifie une meilleure éducation, des universités publiques avec des cycles courts, un salaire minimum, des crèches", explique-t-elle.
Le Texan Beto O'Rourke, étoile montante du parti démocrate, n'a pas réclamé ouvertement des indemnisations, mais souhaite que le pays "affronte la vérité sur le traitement des Noirs".
Un électorat majoritairement démocrate
Les Afro-Américains (13,4% de la population américaine) votent majoritairement démocrate et constitueront un soutien vital pour le ou la candidate qui sera face à Donald Trump en novembre 2020. Selon un sondage CNN/Kaiser datant de 2015, 52% des Noirs soutenaient l'idée d'un indemnisation pour les descendants d'esclaves. Mais 89% des Américains blancs s'y opposaient.
Le concept d'indemnisation est "terrifiant" pour de nombreux Américains, "pas seulement parce qu'on pourrait ne pas avoir la capacité de payer", mais aussi parce que cela "menace quelque chose de plus profond: l'héritage de l'Amérique, son histoire, sa place dans le monde", écrivait en 2014 l'auteur Ta-Nehisi Coates dans le magazine The Atlantic. Les Etats-Unis ont déjà indemnisé des communautés pour les injustices subies au cours de l'histoire, notamment les Amérindiens et les Américano-japonais internés dans des camps pendant la Seconde Guerre mondiale.