JO de Pékin : 3 hommes et un bobsleigh

Dorian Hauterville à gauche, au fond Jérome Laporal lors de l'épreuve de coupe du monde d'Innsbruck en Autriche
C'est leur machine, c'est leur arme, leur passion, celle qui concrétise des rêves de gosses. Cet engin bleu, le bobsleigh de l'équipe de France est pour Dorian, Jérôme et Thomas, leur raison d'être. Aux Jeux Olympiques de Pékin, les trois Guadeloupéens rêvent de médaille, sans forfanterie aucune.

Les degrés d’expérience sont différents, mais ceux de la motivation aiguisés.  Dorian a entamé sa deuxième olympiade, en étant désormais ambassadeur Insep et ne vit que pour le Bob. Il sera engagé dans l’épreuve à 2  (avec Romain Heinrich en pilote) et celle du 4 en poste de 3ème pousseur.
Thomas a rejoint l’équipe en 2021 en tant que remplaçant dans le 4, il sera latéral gauche derrière le pilote en poste 2 mais peut aussi être utilisé en poste 3)  et Jérôme après les Jeux de PyeongChang de 2018. Lui sera « Breakman », dernier pousseur dans le 4.
Les trois hommes sont parés pour Pékin, avec beaucoup de décontraction et d’ambitions. Ils forment un vrai team et se prêtent au jeu des questions réponses avant la cérémonie d’ouverture.

Outre-mer la 1ère : Les Jeux Olympiques représentent quoi à vos yeux ?

Thomas Delmestre : Ce sera ma première expérience olympique. Quand je faisais de l’athlétisme j’étais très motivé à l’idée de courir aux championnats d’Europe ou du Monde en catégories jeunes. C’est une source de motivation supplémentaire de pouvoir courir pour la France et une fierté. Cette fois-ci j’ai une occasion de le faire au plus haut niveau sportif.
J'ai encore du mal à réaliser, peut-être aurai-je de l'émotion lors de la cérémonie d'ouverture ? Mes premiers Jeux à 30 ans c’est pas mal non ?

Jérôme Laporal : C’est un rêve qui se réalise, depuis tout petit on voit les anneaux, l’ambiance des jeux. C’est la compétition la plus prestigieuse au monde. C’est un rêve de gamin d’y aller mais ce n’étais pas prévu dans ma tête d’aller aux Jeux d’hiver.
Sachant que moi en tant qu’Antillais, l’hiver ou le froid ce n’est pas très glorieux ou glamour. Mais voilà l’aventure est belle et je savoure, un peu comme Thomas. Jamais je n'aurai misé sur les Jeux d'hiver mais plutôt sur l'athlétisme, un jour....

Dorian Hauterville : 4 ans plus tard je suis de retour un peu plus vieux, un peu plus motivé aussi. La première fois c’était un énorme souvenir, la découverte de quelque chose de nouveau. Là c’est juste un point de passage qui a été validé, maintenant j’attends le jour de la 1ère compétition avec impatience.
 

A PeyongChang j’avais l’impression que c’était presque Noël tous les jours. Cette fois j’ai une approche complétement différente, je ne suis pas plus content que cela de participer aux Jeux, juste avoir l’impression d’avoir validé un ticket pour aller à la guerre qu’il va y avoir là-bas sur la piste.

Dorian Hauterville, équipe de France de bobsleigh

 

Jérôme, Dorian et Thomas, la team Guada de Pékin

 

OM 1ère : Avez-vous des ambitions sportives sur les épreuves de Bobsleigh qui se dérouleront sur le site de Yanqing ?

Dorian : En bob à deux avec Romain on est régulièrement dans le top 6 mondial durant l’olympiade, donc le but c'est d’y rester, car un top 6 n’est pas loin du podium, ça reste l’objectif numéro un donc il faut le viser. Et qui sait la médaille peut arriver, ça se joue à si peu.

En 4 on a un équipage qui est quand même performant, même si c’est plus irrégulier et qu’on a mis du temps à le mettre en place. On a fait des places de 8 en coupe du monde, une performance de pointe, forcement  on va viser ça, mais sans se fixer de limites. On peut aller plus haut.

Jérôme : C'est clair Dorian a raison ! On a fait une bonne saison, on vise  le top 10 en bob à 4, ce serait bien, 8 encore mieux. On est réalistes car il y a des nations fortes. Mais là tous les compteurs seront remis à zéro, on est des outsiders. On est sûrs de nos forces et de nos qualités, on y va avec de l’envie et de l’ambition, on fera les comptes à la fin.

OM 1ère : Il y a quelque part dans vos origines communes une fierté d’être là et de représenter l’Outremer ?

Jérôme : J'y puise ma force et ma motivation c’est évident. Je suis originaire de Marie Galante et j’ai envie d’être un exemple pour les gosses qui rêvent des JO.
L’exigence du haut niveau c’est le travail, si je peux être un modèle pour eux, ce serait avec un grand plaisir. S’ils veulent  faire de leur sport un métier, il faut mettre tous les outils en place sur place et être accompagné. Quand je suis arrivé je n’avais que me parents j’étais livré à moi-même, mais j’ai tenu bon.

 

Marie-Galante, c’est une fierté  pour moi ! Représenter ma petite île de 12 000 habitants... Je suis le premier de mon île à faire les JO. Je lance un message aux jeunes et aux élus, leur dire qu’il y a du talent là-bas et si on se donne les moyens on peut y arriver.

Jérôme Laporal, équipe de Frane de bobsleigh

 

Thomas : Mon père est originaire de Guadeloupe (né à Pointe à Pitre). J’ai de la famille à Basse-Terre mais mon grand-père vit d’ailleurs à Petit Canal en Guadeloupe. Je pense qu’il est content de savoir que je suis en Chine pour les Jeux et il sera fier à ne pas douter tout comme le reste de ma famille quand il me verra dans son poste de télévision si j’ai le bonheur de rentrer.

Alors je n’ai pas été élevé en Guadeloupe comme Jérôme et je n’ai pas de lien très fort aujourd’hui. Mais ce sont mes racines et j’en suis fier, il y a un lien particulier même si je n’y suis allé que lorsque j’étais enfant. Tout comme je suis fier de pouvoir représenter la Sarthe où je suis, et Rennes où je vis depuis deux ans et demi.
 

La fusée bleue lors d'une étape de coupe du monde à Winterborg en Allemagne fin 2021


OM 1ère : Quels sont vos atouts ? Que développez-vous particulièrement pour une préparation olympique

Dorian : J’ai fait une grosse partie de mes entraînements individuels à Lyon avec un nouveau chariot à patins que je n’avais pas lors de ma première olympiade. Une sorte de machine infernale. Ca fait travailler les cuisses et les fessiers sur une piste en tartan, ça tire, ça brûle. Si ça glissait comme un bob ça nous ferait forcer juste sur deux ou trois mètres, avant que le bob ne prenne de la vitesse. Là par contre on cherche à avoir un travail avec de la résistance pour travailler mieux musculairement et on est dans une bonne posture de travail par rapport au squat classique.

Jérôme : On nous voit à la télé glisser et on pense que c’est facile. Mais non ça se joue sur tout, tous les détails, le temps de poussée, les vitesses de sortie une bonne aérodynamique, le pilotage, le choix de patins.
Chaque détail compte si tout n’est pas parfait et que tu ne règles pas ces paramètres, tu peux perdre du temps précieux.
Si on est concentrés on pourra sortir des gros résultats. Tout ce qu’on a travaillé depuis avril fait on va l’appliquer le jour J. On a aussi des analyses vidéo. Il faut tout optimiser.

Thomas : Moi qui viens des haies, à la fois 110 et 400, il y a des similitudes dans la différence de la petite et courte distance, où il faut combiner des qualités différentes.
Mais j’ai un poste particulier, au contraire de Jérôme ou Dorian, car je suis juste derrière le pilote, je suis le latéral gauche. Il faut être polyvalent car en fait je suis le remplaçant de tous sauf de Romain notre pilote. Je peux aussi prendre la place de Dorian en 3.

 

C’est un sport qui mélange force, explosivité et vélocité et il faut avoir tout cela sur 5 à 6 secondes de poussée. Pour moi, cela demande une concentration maximale et c’est riche en sensations fortes une fois embarqués dans le bob, notamment avec la vitesse.

Thomas Delmestre, équipe de France de bobsleigh

 

OM 1ère : Pour finir cet entretien on vous parle souvent ou pas du film Rasta Rocket ? Qu’en pensez –vous, c’est plus anecdotique qu’autre chose ?

Jérôme : Ouais, bof, les gens voient le film comme un divertissement. Pour moi ça dégage un message assez fort. Mais ça n’a rien à voir avec nous car derrière il y a beaucoup de sacrifices, de travail pour en arriver là. Le bob qu’on pratique ce n’est pas celui du film. Les gens ne connaissent pas la réalité, nous si et ce n’est pas si fun.

Dorian : Nous de toute façon on n’a pas de pression car c’est quelque chose qu’on a appris à cultiver régulièrement pour être dans le top 6 mondial. La seule pression qu’on peut avoir, et qu’il faut balayer le plus vite possible, c’est de se dire que les JO ne sont pas une Coupe du monde avec 8 manches dans la saison. Il faut être prêt le jour J, être dans le coup dès la première manche, c’est le seul point où on peut prendre la pression mais on ne la prendra pas, on est costauds.

Jérôme : Je confirme, Dorian c’est le grand frère, il m’a appris plein de choses et de trucs. Il est notre mentor dans l'équipe. Et avec Thomas qui vient d’arriver et qui apporte sa pierre à l’édifice, on est parés et prêts à tout.

Thomas : Rien à rajouter. C’est pour ça qu’ils sont titulaires (rires).
Mais c’est « ensemble » qu’on va se battre. C’est d’ailleurs notre cri de guerre avant la poussée.   

Thomas, Jérôme et Dorian, le trio sur le site de Yanqing où se dérouleront les épreuves de bobsleigh.