Il vous accueille dans son bureau du bâtiment J à l'INSEP. Le bâtiment de la Cellule d'Accompagnement de la Performance. Laurent Chambertin a du sourire dans les yeux. De la détermination également. Deux jours par semaine, il officie dans ces lieux. Pour aider. Écouter. Conseiller. Toutes celles et ceux qui le souhaitent. Le coach mental a du vécu. Il a connu les JO de Barcelone. Une expérience particulière. "On dit toujours : participer aux Jeux ou faire une perf aux Jeux. En ce qui me concerne, j'ai participé aux JO. Mais je n'ai pas fait de perf. Le manque de cohésion du groupe était trop flagrant." Trente-deux ans plus tard, devenu coach mental, le Martiniquais comprend aujourd'hui tout ce qui manquait alors au sport français.
1992, la préhistoire
L'image ne semble pourtant pas si lointaine. Elle appartient certes au siècle dernier. Mais les Jeux Olympiques de Barcelone ne dégagent pas encore le moindre parfum vintage. Sauf peut-être concernant l'approche mentale dans le sport français. "L'approche mentale ? En 1992 ? On n'en a jamais parlé. Jamais, jamais, jamais ! En tout cas, pas en équipe de France de volley." Une absence cruelle qui se retrouvait apparemment dans l'ensemble du sport français. "Je côtoyais nos cousins du handball. La dimension mentale était animée par les joueurs et par l'entraîneur. Mais sans la moindre séance spécifique. Cet axe de la performance était totalement ignoré à l'époque. Un autre temps."
Dans ces conditions, Laurent Chambertin conserve un souvenir particulier de sa participation aux Jeux. "D'un côté, c'était un grand honneur de vivre les Jeux. Comme pour tous les athlètes de haut niveau. De l'autre, il y a eu cette frustration. Je parlerais même de colère. Car l'approche de la compétition a été très mal gérée." Les volleyeurs tricolores sortent dès les matchs de poule. Onzième place au classement final. Regrets. "On avait quand même un potentiel sportif certain. Mais il nous a manqué l'aspect projet collectif et tout un travail mental en amont de la compétition olympique."
Le coaching mental enfin reconnu
Dans les années 90, avoir recours à un préparateur mental ne se disait pas. Surtout pas. "À cause des croyances limitantes. Si on va bosser la dimension mentale, c'est qu'on est faible et qu'on n'y arrivera pas. Beaucoup de préjugés en réalité." Avant que le Martiniquais ne note une réelle évolution. Transformation bienvenue. "Tout a changé grâce à des athlètes français, des success story qui ont reconnu tout le travail fourni sur le plan psychologique. Désormais, certaines ou certains intègrent la dimension mentale dans leur programmation. C'est devenu un besoin pour eux. Il y a comme une prise de conscience que la dimension mentale est partout."
Depuis lors, le sport français gagne. Dans toutes les disciplines. Et sait même enchaîner les victoires. "On a franchi un cap. On sait qu'on est performants. Les athlètes et les acteurs peuvent se reposer sur cette certitude." Une petite révolution que Laurent Chambertin associe volontiers à un autre phénomène précieux : l'ouverture. "Le sport français est moins sur l'entre soi. Il s'est ouvert à d'autres modèles. Par exemple, les équipes disposent désormais de vrais staffs. Compétents. Cela rend le travail beaucoup plus constructif."
La vigie Chambertin
Le job du Martiniquais n'a pas vraiment changé. Jadis, le volleyeur des Bleus passait des balles au millimètre. Pour structurer l'attaque. Devenu coach, il accompagne. Et harmonise. "Il s'agit toujours d'une question d'équilibre. Entre le projet performance et le projet de vie de l'athlète. Je suis là pour identifier d'éventuels blocages. Et permettre ainsi une évolution." Et donc structurer. Comme jadis au volley. Avec juste un rôle de vigie en plus. "J'ai un œil externe qui permet de questionner pour toujours optimiser les chances de résultat."
En 2024, le coaching mental n'est plus tabou en France. "Sur cette Olympiade clairement. Peut-être pas à 100 % car le 100 % n'existe jamais. Mais la dimension mentale est maintenant bien intégrée." Une intégration qui ravit Laurent Chambertin. L'ancien capitaine tricolore regoûte ainsi aux joies du travail d'équipe. "Ici à l'Insep, la cellule intègre aussi les programmes de réathlétisation, la nutrition, la préparation physique, l'équilibre vie privée/vie perso… Cela veut dire qu'on ne travaille pas en vase clos. C'est un vrai travail collectif. Le terme de performance a ici tout son sens."