JO Paris 2024. "On est plus que prêts !" : à un mois des épreuves, la sérénité déconcertante des surfeurs de l'équipe de France

Vahine Fierro à la Tahiti Pro, en Polynésie, le 29 mai 2024.
Vahine Fierro, Johanne Defay, Kauli Vaast et Joan Duru surferont bientôt la mythique vague de Teahupo'o, en Polynésie, pour tenter de décrocher une médaille aux Jeux Olympiques. Après avoir enchaîné entraînements et compétitions pendant des mois, ils profitent des derniers jours pour peaufiner leur préparation à l'étranger, avant de retourner à Tahiti.

Dans pile un mois, la planète olympique aura les yeux rivés sur la Polynésie française. Et les Polynésiens, eux, auront les yeux braqués sur les deux enfants du pays, Vahine Fierro et Kauli Vaast, qui tenteront de conquérir l'or sur la mythique vague de Teahupo'o. "On ne va pas se mentir : c'est un grand avantage pour nous d'être de la maison, de connaître la vague mieux que tout le monde", reconnaît la jeune surfeuse, avec son flegme légendaire.

Les épreuves de surf des Jeux Olympiques doivent se tenir entre le 27 juillet et le 5 août à Tahiti (la compétition doit durer quatre jours, mais les organisateurs ont prévu une fenêtre de 10 jours pour s'adapter aux conditions météorologiques). Une première pour l'archipel du Pacifique. Et pour un territoire d'Outre-mer. Quatre petites semaines avant le lancement des JO, trois des quatre surfeurs de l'équipe de France étaient à Paris pour un dernier tour de piste médiatique avant le saut dans le grand bain.

"La pression, elle est omniprésente depuis qu'on s'est qualifié", avoue Kauli Vaast, 22 ans, le plus jeune du quatuor, aux côtés de Vahine Fierro (24 ans) et de Joan Duru (35 ans). Johanne Defay (30 ans), autre Française sélectionnée pour les JO, n'a pas pu être présente car elle dispute la 8ème étape du circuit d'élite mondial de la World Surf League au Brésil. Mais, à l'approche de l'échéance, les surfeurs affichent une sérénité déconcertante. "Maintenant, ça va arriver vite, dit Kauli. On est plus que prêts !"

La "Queen de Teahupo'o"

Il faut dire que le duo originaire du fenua part avec une longueur d'avance : Teahupo'o, ils l'ont surfé, re-surfé, et re-re-surfé. La vague tahitienne n'a plus de secret pour eux. "La première fois que j'ai surfé cette vague, c'était à l'âge de 8 ans, se rappelle Kauli Vaast. Tous les jours, je voyais cette vague effrayante et grosse. Et, en fait, je suis arrivé là-bas et c'était tout petit, magnifique." Depuis, il a surfé les mythiques tubes du spot sous toutes leurs formes.

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Avec seulement trois ans d'écart, Vahine Fierro et Kauli Vaast, deux jeunes prodiges de la planche, se connaissent depuis leur enfance. C'est d'ailleurs Kauli qui a poussé Vahine à s'inscrire à sa toute première compétition. Elle avait 15 ans. "Je suis allée à l'eau et j'ai pas pris une vague", rigole-t-elle aujourd'hui. Mais ce tube bleu, elle ne l'a plus jamais quitté. Depuis bientôt dix ans, la jeune femme née sur l'île de Huahine ne cesse d'améliorer ses performances.

Au mois de mai dernier, à domicile, Vahine Fierro a conquis le titre de "Queen de Teahupo'o" en remportant la Shiseido Tahiti Pro, une étape du circuit d'élite mondial de la World Surf League, à laquelle elle était invitée. "C'était incroyable, c'était un moment magique", se remémore-t-elle. De quoi la motiver (et lui mettre une pression supplémentaire) pour réitérer l'exploit lors des JO. 

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Dans un mois, les Français affronteront les plus grands noms du surf, comme l'Américain John John Florence, l'Australien Jack Robinson et le Sud-Africain Jordy Smith, tous les trois dans le top 5 mondial chez les hommes. Du côté du surf féminin, les vagues polynésiennes verront rider, entre autres, Caroline Marks (États-Unis), Brissa Henessy (Costa Rica) ou encore Molly Picklum (Australie), elles aussi parmi les meilleures surfeuses du monde.

"La plus belle équipe qu'on aurait pu rêver"

"Ça a été hyper compliqué" de décrocher le ticket pour les JO, dit Kauli Vaast. Depuis, la vie des sélectionnés est rythmée par les Jeux, matin, midi et soir. "Il n'y a pas un jour où on n'en parle pas", confirme Vahine Fierro. Les deux Polynésiens ont passé une partie de leur préparation non loin de Teahupo’o avec leurs deux autres coéquipiers, plus expérimentés : la Réunionnaise Johanne Defay, déjà alignée lors des derniers Jeux de Tokyo et classée dans le top 5 mondial depuis plusieurs années, et Joan Duru, originaire des Landes, grand spécialiste des tubes.

La joyeuse petite équipe est entraînée par le Polynésien Hira Teriinatoofa et coachée par le Réunionnais Jérémy Florès, "meilleur surfeur français de tous les temps", selon la fédération française de surf, classé 5ᵉ au JO à Tokyo et vainqueur à la Teahupo’o pro en 2015. Pour lui, ces quatre sportifs forment "la plus belle équipe qu'on aurait pu rêver avoir pour ces JO".

L'équipe olympique de surf, lors d'une conférence de presse, à Paris, le 24 juin 2024.

Johanne Defay, qui avait fini 9ᵉ aux JO de 2021, "a un surf tout en puissance", juge le coach. Kauli Vaast, le benjamin, "c'est un surfeur très aérien, il est très complet". Il a surfé une des vagues les plus grosses jamais surfées à Teahupo’o en 2021. Vahine Fierro, elle, "est une spécialiste des vagues tubulaires, des vagues de récif". Joan Duru, capitaine de l'équipe tricolore, connaît, pour sa part, un peu moins Teahupo'o. Mais il y a passé des semaines pour s'approprier l'énergie de la vague légendaire.

La tour de la discorde

Si ces Jeux Olympiques en Outre-mer s'annoncent festifs – la Polynésie française organisera sa propre cérémonie d'ouverture le 26 juillet, des fanzones seront installées, quelques chanceux pourront suivre les épreuves depuis des bateaux grâce à un système de tirage au sort...  La fête a failli être gâchée à quelques mois à peine du début des épreuves. La faute à la tour des juges.

Pour la compétition, une nouvelle installation, plus moderne, devait être mise en place pour remplacer la tour en bois, d'où les juges évaluent les surfeurs et surfeuses. Mais, inquiets, la population, des associations environnementales et de nombreux sportifs ont alerté sur les potentiels dommages que pourrait faire cette nouvelle infrastructure au récif corallien. Fin 2023, le président de la Polynésie, Moetai Brotherson, avait même envisagé d'annuler la tenue de l'évènement. 

"C'était vraiment bien que la population de Tahiti montre à quel point [Teahupo'o] est un endroit spécial, un endroit unique, et que ça nous tient à cœur, estime Vahine Fierro, interrogée sur la polémique. La tour, elle s'est construite. Je pense qu'ils ont fait beaucoup plus attention que si la population n'avait rien dit."

Tout ce qui est discussion de la tour [des juges], ça a été un petit peu compliqué pour nous. On est de là-bas, donc forcément, c'est un sujet qui nous a atteint, qui nous a tenu à coeur (...). La tour, elle est là. On a eu les trials, les CT [Championship Tours]... Tout le monde a essayé de trouver la meilleure solution pour tout le monde.

Kauli Vaast, surfeur

La tour a été construite. La polémique est aujourd'hui passée. Les surfeurs et surfeuses des quatre coins du monde se donnent maintenant rendez-vous en Polynésie pour aller dompter les vagues et tenter de décrocher la tant convoitée médaille d'or.

Avant de retourner à Tahiti, Kauli Vaast et Vahine Fierro ont décidé de se rajouter une petite étape supplémentaire en Afrique du Sud, où ils participent à une compétition sur le spot de Ballito pour se qualifier sur le circuit de la World Surf League l’année prochaine. "C'est une bonne chose de partir pour couper un peu, faire une toute petite pause, se rafraîchir", souffle Vahine. Après cette bouffée d'air frais, ils pourront se concentrer sur leur prochain objectif : décrocher le titre de King de Teahupo'o pour l'un, et maintenir celui de Queen de Teahupo'o pour l'autre.