Chez les Cayol, le basket est une religion. Un virus, une évidence qui se transmettent de génération en génération. "J'ai dû commencer à pratiquer à l'âge de cinq ans. En valide." Jusqu'à son accident. Dix ans plus tard. En Guadeloupe. Lors d'un dunk, le panier retombe sur le dos d'Audrey. Paraplégie complète et définitive. "J'avais quinze ans. J'ai bien réagi. Aucun sentiment de dégoût de la vie. Ça aurait été sûrement différent si j'avais vécu le même drame à vingt ans." Direction Bagnères-de-Bigorre pour sa rééducation. Audrey Cayol ne sait pas encore que son existence va être transformée. "J'étais fou de basket mais j'ignorais que le basket fauteuil existait ! Il y avait un gymnase près du centre. Je suis allé faire quelques shoots. En me voyant tirer, un kiné m'a conseillé d'essayer le basket fauteuil." Huit ans plus tard, il s'envole pour la Grèce avec l'équipe de France…
Le basket, tous les baskets
Chez les Cayol, le basket se retrouve dans l'ADN de chacun. "Ce sport me passionne. Quoi de plus normal puisque je fais partie d'une famille de basketteurs. En Guadeloupe, mon frère Gabriel évolue encore au sein de l'Étoile de l'Ouest." Passer du basket au basket fauteuil était donc logique. Mais pas si facile pour autant. "Il m'a bien fallu cinq à six ans avant de maîtriser toutes les subtilités de la discipline. Un shoot assis n'a rien en commun avec un shoot debout. Idem pour les mouvements de fauteuil. Cela demande du temps."
Audrey Cayol a une petite vingtaine d'années lorsqu'il intègre l'équipe de France de basket fauteuil. "Une fierté." Une sacrée revanche également. "Oui, une revanche sur la vie, sur mon accident. Une façon de montrer que malgré le handicap, la vie continue. Elle ne s'arrête pas." Le destin suit son cours. Toujours. Avec parfois son lot de bonnes surprises. "J'ai vécu de très belles choses grâce au basket fauteuil. Je ne suis pas certain que j'aurais connu ces mêmes choses si j'avais pu continuer une carrière de basketteur chez les valides. N'oublions jamais que le plaisir reste le même. Le handicap ne m'a pas freiné. Il n'a pas été une barrière pour moi."
Les Jeux Paralympiques à la maison
Depuis 2004, l'équipe de France de basket fauteuil n'a plus connu de qualification paralympique. Vingt ans plus tard, les Bleus obtiennent leur précieux ticket lors d'un TQP à Antibes. En 2024, Audrey Cayol sera l'unique joueur rescapé de 2004. Pour la grande fête parisienne. Avec une pression XXL ? "Je ne suis pas quelqu'un qui vit avec la pression. Que ce soit à la maison ou ailleurs, ça ne change rien pour moi. En revanche à Paris, il y a une envie en plus."
L'envie en plus, c'est bien évidemment de briller. À domicile. Le Guadeloupéen en a même une idée très précise. "La médaille ! La médaille autour du cou. C'est tout ce qui compte." D'autant plus qu'Audrey a deux enfants. Deux garçons de 7 et 14 ans. À qui il aimerait faire un beau cadeau. "Ils me le rabâchent souvent. Papa, on vient te voir à Paris ! Papa, on vient te voir aux Jeux ! Alors je rêve de leur offrir ma médaille. Je leur dois bien ça."
La Guadeloupe dans le cœur
Audrey Cayol est issu d'une famille de basketteurs… au sens large. Son cousin n'est autre que Mickaël Gelabale. "On a grandi ensemble. Nous étions voisins en Guadeloupe. D'ailleurs, le jour de l'accident, Mike était avec moi sur le terrain. Cela l'a forcément marqué. Mais ça ne l'a pas empêché d'avoir une grande carrière. Moi aussi d'ailleurs." Audrey n'hésite pas à rire. De tout. Et à cultiver une forme de discrétion. À l'instar de son cousin. "Nous sommes souvent en contact. On ne parle pratiquement pas de basket. On évoque plutôt le pays ou la famille. Et rassurez-vous : Mickaël se porte très bien."
Le basketteur guadeloupéen a quitté son île depuis plus de vingt ans. "Et pourtant, ce pays reste ancré en moi. J'y retourne chaque année." Comme un pèlerinage. Un besoin vital. "Quand je vais en Guadeloupe, j'essaie de transmettre ma passion. Je suis fier de représenter mon île en club avec Meaux et en équipe de France bien sûr." Audrey Cayol est un ambassadeur gwada en CDI. Paris 2024 est officiellement acté. Et déjà, on évoque Los Angeles 2028. "Dans quatre ans ? À 47 ans ? Je vais continuer à manger de la salade et des légumes et voir ce que ça donne. Mais si je n'ai pas de blessures d'ici là, oui, pourquoi pas ? L'envie sera toujours là, c'est certain. En fait, c'est le corps qui décidera."