Il est 10 h passées ce mardi 23 mai quand les deux Antillais débutent leur match de qualification de Roland-Garros sous un ciel grisâtre, qui laisse tomber par moments un léger crachin. Émeline Dartron, 23 ans, est n°406 mondiale, et Mathys Erhard, 21 ans, n°342.
Malgré leur classement, ils ont tous deux obtenu une wild card pour le tournoi français, c’est-à-dire une invitation destinée aux joueurs prometteurs, locaux ou aux meilleurs tennismen d’un pays où le tennis n'est pas très exposé.
Les deux Antillais avaient déjà participé au tournoi junior de Roland-Garros, Émeline en 2017, Mathys en 2018. Si elle avait déjà participé l’an dernier aux qualifications chez les professionnels, c’est une première pour le tennisman.
Les idoles Monfils et Tsonga
"Aujourd’hui, le fait de jouer ici, c’est incroyable", souffle celui qui a commencé à jouer au tennis avec son père guadeloupéen et sa mère martiniquaise. "Je me rappelle être ici petit, je venais à Roland-Garros voir les pros jouer. Et là, c’est moi donc c’est incroyable, c’est vraiment bien", se réjouit-il.
Parmi les joueurs que Mathys a admirés dans ce tournoi du Grand Chelem, il y a Gaël Monfils et Jo-Wilfried Tsonga. "Ce sont vraiment mes deux idoles depuis toujours, s’exclame-t-il. Je me suis vraiment inspiré d’eux, de leur attitude à Roland quand ils faisaient lever la foule."
S’il n’a croisé le tennisman antillais qu'à une seule occasion, il voit régulièrement Jo-Wilfried Tsonga car il évolue depuis deux ans au centre d’entraînement de ce dernier sur la Côte d’Azur. "Il [Jo-Wilfried Tsonga] m’aide pas mal, je lui parle parfois, il me donne des conseils", raconte le jeune homme.
Persévérance et résilience
Les références d’Émeline Dartron sont plus internationales. "Nadal c’est un bel exemple, commence-t-elle. Chez les femmes, j’aime bien Azarenka [Victoria, Biélorusse actuellement 18e mondiale, NDLR]. J’aimais bien aussi Serena [Williams, NDLR]. Ce sont des exemples qui me parlent beaucoup sur la persévérance, la résilience."
La persévérance, elle en fait d’ailleurs déjà preuve puisque c’est sa seconde participation aux qualifications de Roland-Garros en tant que professionnelle. La première fois avait été impressionnante pour elle, "ce qui explique qu’à un moment, les émotions aient pris le dessus", racontait-elle à la fédération française de tennis.
Depuis, "j’ai eu quelques tournois plus importants cette année, donc cela faisait de l’expérience avant Roland", explique celle qui joue depuis l’âge de 6 ans et est entrée dans le circuit professionnel à 17 ans.
Écart de classement
Si Émeline ne part plus dans l’inconnu comme l’an dernier, le tirage au sort l’amène à affronter une joueuse bien mieux classée qu’elle, l’Indienne Ankita Raina, 210e mondiale. Idem du côté de Mathys qui joue contre l’Italien Flavo Cobolli, n°159.
"J'ai fait vibrer le public"
Malgré l'écart de classement qui se fait sentir au tout début sur les deux courts, les deux joueurs antillais arrivent à déstabiliser leurs adversaires au fil des échanges et à offrir un match équilibré au point de s'attirer les applaudissements et cris d'encouragement des spectateurs.
"J’ai fait vibrer le public", dit en souriant Mathys en reconnaissant que ce dernier l’a "bien aidé". Une aide face au stress de son premier vrai Roland-Garros : "Avec la pression, mes jambes étaient un peu dans le coton donc j’avais vraiment du mal à servir."
De son côté, Émeline s'amuse à interpeller les spectateurs lorsqu'elle gagne le deuxième set, en portant sa main à l’oreille pour leur demander de faire du bruit ! "J’aime bien jouer devant du monde", nous confie-t-elle dans un sourire après le match.
"Revenir à Roland-Garros, c'est le but !"
Malgré le soutien et les encouragements du public, les deux jeunes Français ne réalisent cependant pas l'exploit et chutent chacun dans leur troisième manche. Score final : 4-6, 6-3, 4-6 pour Mathys, 5-7, 7-5, 2-6 pour Émeline.
"C’est sûr que je suis très déçu d’avoir perdu ce match, surtout à la fin, de ne pas pouvoir jouer à fond sur les derniers points, regrette le joueur d’origine antillaise. Ça se joue à très peu de choses donc c’est quand même dur." Une déception relayée sur ses réseaux sociaux :
"En tout cas, je suis content d’avoir relevé le défi parce que c’était quand même un défi pour moi", nuance-t-il. Il aimerait aussi cumuler des points pour réussir à faire l’US Open, ou sinon l’Open d’Australie. "Mais c’est sûr que je vais revenir à Roland-Garros l’année prochaine, c’est le but !"
En Guadeloupe dès que possible
Même constat du côté de la tenniswoman d’origine guadeloupéenne. "Franchement, j’avais le jeu pour l’embêter [Ankita Raina], ça s’est joué à quelques détails près", déclare celle qui se dit "forcément déçue". "On ne fait pas Roland pour faire de la figuration non plus."
Elle reconnaît cependant qu’il y avait "des bonnes choses comme de moins bonnes choses", et compte bien en tirer du positif pour revenir l’an prochain. Elle aimerait aussi "monter un peu au classement pour être dans les qualifs de l’Open d’Australie en janvier 2024".
Si les deux joueurs ont un planning d’entraînements et de compétitions chargé, aucun n’oublie cependant ses racines. "J’ai ma grand-mère encore là-bas donc dès que je peux y aller, j’y vais", assure Émeline qui se rendait très souvent en Guadeloupe enfant. Pour Mathys qui allait aussi aux Antilles petit, c’est plus compliqué mais il espère "y aller cet été".