"Le jour où j’ai découvert que j’étais Noir" : dix personnalités se racontent dans un livre

Dans un livre d’entretiens, le Martiniquais Laurent Laviolette a interrogé dix personnalités aux profils divers comme Audrey Pulvar, Jean-Marc Mormeck, Lucien Jean-Baptiste et Jocelyne Béroard, sur les multiples questions soulevées par le fait d’être noir(e) aujourd’hui en France.
Une question d’identité. Être noir, se revendiquer – ou pas – de sa couleur, de son territoire ou de sa communauté d’origine, le métissage, la différence, l’altérité, le racisme… Autant de problématiques abordées très franchement dans le livre d’entretiens de Laurent Laviolette. D’origine martiniquaise, actuellement directeur de projets financiers dans une grande banque après avoir été notamment chef de cabinet de l’ex-ministre des Outre-mer Marie-Luce Penchard, l’auteur a interrogé dix personnalités aux trajectoires diverses.
 

Questionnements

Qu’ils soient originaires de Guadeloupe, de Martinique, du Bénin ou du Congo, Daniel Maximin, Kareen Guiock, Olivier Laouchez, Audrey Pulvar, Jean-Marc Mormeck, Lionel Zinsou, Cécile Djunga, Lucien Jean-Baptiste, Jocelyne Béroard et Thierry Pécou se livrent sans ambages sur leur rapport à la couleur, leurs parcours et leurs aspirations. « Quand avez-vous découvert que vous étiez Noir(e) ? Vos origines ont-elles eu une influence sur votre manière de travailler ? Vous sentez-vous redevable envers votre communauté ? Enfant, quel était votre modèle ? Êtes-vous favorable aux statistiques ethniques, interdites en France ?… ». Autant de questionnements, et bien d’autres, auxquels ces personnalités ont accepté de répondre, et de manière très différente.
 

Dans son introduction, Laurent Laviolette explique sa démarche : « Une partition que j’ai souhaitée éclectique pour mieux comprendre l’influence de la couleur de peau sur la trajectoire humaine et professionnelle des individus. Ce livre n’a pas vocation à apporter une vérité, mais des vérités qui aboutissent à un même constat : méfions-nous des apparences, elles font diversion ».


Prenant ouvertement parti contre « la perception simplificatrice des uns et les jérémiades communautaires des autres », l’auteur écrit : « Je ne me réveille pas le matin en me disant que suis martiniquais, noir ou même français. » Mais il prend soin de préciser que « secondariser la couleur de peau ne revient pas à nier l’existence du racisme ». « Rétrospectivement, je constate au regard de ma carrière que le monde politique fait régulièrement passer la couleur de l’épiderme devant les compétences de l’individu », précise-t-il.
 

Lucidité

Avec lucidité, Laurent Laviolette constate que « contrairement à l’économie, à la finance ou à la politique par exemple, le sport et la musique ne suscitent aucune réaction d’émerveillement lorsqu’une personnalité noire y exprime son talent. (…) Inconsciemment donc, la France est coupable à mes yeux d’avoir laissé s’installer à tort l’idée que les élites intellectuelles noires relevaient de l’exception en les soustrayant à la normalité d’une part, mais également en faisant preuve de condescendance à leur égard ».

Après les entretiens, en guise de conclusion, l’auteur donne la parole à Fatma Bouvet de la Maisonneuve, médecin psychiatre et écrivaine d’origine tunisienne, spécialisée en addictologie. « La notion d’identité en psychiatrie me fait sourire, parce qu’on a tous des identités différentes, qui que l’on soit : Noir, Arabe, Jaune… », dit-elle notamment. « C’est notre vécu différent qui fait que nous sommes structurés de façon distincte. Notre identité est en perpétuelle mutation en fonction des jours, des gens que l’on rencontre. (…) En tant que psychiatre, je suis gênée par cette conception d’une identité figée ».

"Les apparences dépouillées. Entretiens", par Laurent Laviolette – éditions Hervé Chopin, 202 pages, 19 euros.