Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale : "C'est l'affaire de tous ! "

Sur les lieux du massacre de 1960, des rassemblements sont organisés tous les ans le 21 mars pour commémorer la journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale
Depuis 1966, le 21 mars est la journée internationale pour l'extinction de la discrimination raciale. Comment est née cette journée, et pourquoi est-elle, en 2025, encore d'actualité ?

Ce vendredi 21 mars célèbre la journée internationale pour l'extinction de la discrimination raciale. Instaurée en 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies, elle symbolise une journée de lutte contre le racisme dans de nombreux pays à travers le monde. Une journée encore nécessaire, quand on note une augmentation de 11 % des crimes et des délits racistes, xénophobes et antireligieux en 2024 en France. 

21 mars 1960, massacre de Sharpeville

L'origine de cette journée de lutte anti-raciste remonte à l'année 1960. Dans une Afrique du Sud régie par le régime de l'Apartheid, un rassemblement pacifique du Congrès panafricain est organisé le 21 mars pour lutter contre les lois oppressives. "Puis, sans avertissement, la police a ouvert le feu sur les gens non armés", raconte un article de Matthew McRae paru sur le site du Musée canadien pour les droits de la personne. Ce jour-là, 69 personnes sont tuées et plus de 250 blessées : des hommes, des femmes et des enfants, du township Noir de Sharpeville venus revendiquer leurs droits à l'égalité.

Plus de 250 personnes ont été blessées lorsque les policiers de Sharpeville ont ouvert le feu sur une manifestation pacifique organisée par le Congrés panafricain.

Quelques années plus tard, en 1966, les Nations Unies commencent à questionner le système sud-africain. Pour commémorer la date de ce qui est désormais appelé le "massacre de Sharpeville", ils décident que la journée du 21 mars sera dédiée à l'extinction de la discrimination raciale. "Il y a eu un avant et un après parce que la question est posée en 1966", estime l'historien Pascal Blanchard. 

Le présent et les héritages du passé

Cette journée n'est pas devenue un évènement du jour au lendemain, explique Pascal Blanchard. "Elle a été très compliquée à instaurer, en 1966 on est à peine dans la sortie des empires coloniaux, et de la ségrégation aux États-Unis. Au début, cet événement est extrêmement marginal. Ça ne va pas empêcher les émeutes de Soweto [en Afrique du Sud ndlr] de 1976." L'historien spécialiste de la colonisation rappelle le lien important entre histoire et présent. Pour lui, il y a dans les discriminations qui persistent une importante part d'héritage. "Ces violences issues du passé ont fabriqué des modèles de domination dont il reste des choses en héritage. Cela ne veut pas dire qu'ils sont toujours là, mais il reste des héritages."

Et le chemin est encore long. Nathalie Tehio, avocate polynésienne, présidente de la Ligue des droits de l'Homme rappelle qu'un récent baromètre de la CNCDH, commission nationale consultative des droits de l'Homme, montre "qu'il y a une inclusion qui se fait de plus en plus, et pour autant les responsables politiques sont de plus en plus tournés vers un ennemi qui serait extérieur."

Un "laisser-aller de la parole raciste"

La lutte contre les discriminations est difficile à instaurer dans le débat public. "Quand vous ne vivez pas une discrimination, vous n'avez pas conscience qu'elle existe ; donc comment vous arrivez à impliquer un maximum de citoyens dans ces enjeux-là ?", se questionne l'historien Pascal Blanchard. Car comme le revendique Nathalie Tehio "C'est l'affaire de tous !". Pour l'avocate, associations, élus locaux et citoyens devraient se rassembler derrière les seules barrières de la devise française "Liberté, Égalité, Fraternité", rappelle-t-elle. À partir du moment où on attaque une personne en la stigmatisant comme étant de telle ou telle prétendue race, poursuit la présidente de la Ligue des droits de l'Homme, il faut bien comprendre que ça va toucher tout le monde, et d'ailleurs en premier lieu les personnes venant d'Outre-mer."

Une manifestation organisée par le conseil représentatif des associations noires (Cran) à Paris le 10 mai 2008

Pour les associations antiracistes qui se mobilisent chaque année pour la journée du 21 mars, comme la Maison des potes, on est vraiment dans un "combat d'actualité" en célébrant cette journée. Samuel Thomas, délégué général de la fédération de la maison des potes, explique "On est dans un laisser-aller de la parole raciste aujourd'hui. La situation, elle est tellement critique, donc évidemment qu'il faut se servir d'au moins une journée pour sensibiliser à ce combat-là et en faire un moment fort de mobilisation et de réflexion." Une manifestation est prévue samedi 22 mars à 14 h au départ de la place de la République à Paris.