[Patrimoine] : le maloya de La Réunion

Durant la même année, en 2009, le maloya de La Réunion a été inscrit à la fois à l'inventaire du Patrimoine culturel immatériel national ainsi que sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco. Plongée au cœur d’une tradition séculaire.
A l'inventaire du Patrimoine culturel immatériel national, le maloya est inscrit sous l’intitulé « musique, chant et danse de l'île de La Réunion ». Combinaison de toutes ces pratiques, le maloya apparaît déjà dans des récits de voyages aux XVIIe et XVIIIe siècles sous l’appellation de « tchéga ». C’est un syncrétisme qui puise ses racines chez les esclaves amenés de Madagascar et d’Afrique de l’Est, vraisemblablement du Mozambique, s’enrichissant au fil des décennies des apports des autres cultures (européenne, indienne, asiatique…) qui composent La Réunion. Tout comme le gwoka en Guadeloupe, le maloya est resté longtemps confiné dans l’espace des plantations et des « bitasions », les logements des travailleurs agricoles et des usines sucrières. A l’origine, la pratique du maloya était circonscrite à des cérémonies d’hommages aux ancêtres des esclaves malgaches et originaires du Mozambique (de la communauté makwa).
 

Le rythme du maloya

 
A partir des années soixante, et jusqu’à aujourd’hui, le maloya a accompagné les revendications politique, identitaire et culturelle de nombreux militants réunionnais, participant notamment d’un mouvement de réhabilitation et d’affirmation des communautés noire et créole. Lors du dépôt de candidature du maloya au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité à l'Unesco en 2009, La Réunion comptait quelque 300 groupes déclarant pratiquer cette musique, sans compter ceux de l’Hexagone. Auparavant restreinte au niveau familial, la transmission du maloya s’effectue dorénavant à travers des associations et à l’école, dans le cadre de projets artistiques et culturels. Alors que cette pratique souffrait d’un certain dénigrement social, elle fait maintenant partie intégrante de l’identité réunionnaise, et s’affiche sans complexe en langue créole avec une volonté de revaloriser cet idiome.

VIDEO. Les différentes formes du maloya (avec les musiciens Danyel Waro, Firmin Viry, et Granmoun Sello)
 

« Le maloya est un exemple particulièrement net des processus de créolisation culturelle qui se sont opérés dans l'espace des plantations sucrières, en particulier au contact des engagés venus des villages de l'Inde du Sud et qui apportaient leurs mélodies, leurs épopées, leurs mythes, leurs rituels. Les textes chantés du maloya ‘traditionnel’ empruntent aussi aux romances françaises du XVIIIe et du XIXe siècle », précisait le dossier de candidature de La Réunion à l’Unesco. « Dans sa forme traditionnelle, le chant du maloya est exécuté en alternance entre soliste et chœur. Il est accompagné par un ensemble de tambours (rouler), d'idiophones (piker, sati) et de hochets (kayamb) ». Avec le temps, bien d’autres instruments sont venus diversifier la pratique du maloya, comme les congas et bongos latino-américains, djembés d’Afrique de l’Ouest, batteries, guitares, basses, synthétiseurs, etc.

VIDEO. Extrait d’un concert du célèbre chanteur de maloya Jean-Michel Ramoune, surnommé Tiloun, malheureusement décédé en juillet 2020
 

Avant même d’être inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité, le maloya s’était fait connaître sur le plan international, avec des chanteurs et des groupes se produisant dans le monde entier comme Danyèl Waro, Ziskakan, Christine Salem, Bastèr, Nathalie Natiembé, Davy Sicard et Firmin Viry, entre autres. Comme tous les styles de musique, il a connu plusieurs inflexions et se décline également en fusion ou adaptation avec du jazz, du reggae, du hip hop et de la folk notamment. A cet égard, le dossier de candidature de La Réunion lançait un avertissement : « Les mutations sociales et culturelles qu'a connues La Réunion depuis ces trente dernières années (...) ont contribué à fragiliser les bases historiques de cette musique. Les grandes figures des ‘familles du maloya’ ont presque toutes disparu. (…) La sauvegarde de certaines formes du maloya est à cet égard nécessaire, en particulier en ce qui concerne ses variétés les plus anciennes. »

♦ DOCUMENTAIRE à voir ici : Christine Salem, une âme maloya
Christine Salem est l'une des voix féminines emblématique du maloya. Cette artiste majeure de la scène réunionnaise se livre au cours d'un film-concert et de morceaux interprétés en extérieurs à La Réunion. Les chansons, mises en scène en décors naturels, évoquent son histoire, sa culture et son pays.

BONUS : ci-dessous, la chanteuse Christine Salem aux Francofolies de La Réunion en mars 2019, avec un orchestre symphonique
Christine Salem - Francopholies 2019
 

Pour aller plus loin

Le guide des Journées européennes du patrimoine à La Réunion  
(Samedi 19 et dimanche 20 septembre 2020)