Une étude, publiée dans la revue Nature, nuance fortement notre vision de l’Amazonie. Cette région a été, en fait, l’un des cinq grands foyers de l’agriculture il y a plus de 10.000 ans. Des îlots forestiers d’une savane abritent des lieux où a démarré la domestication de plantes comme le manioc...
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Le mythe d’une Amazonie très longtemps peuplée de simples chasseurs-cueilleurs vient de voler en éclats. Publiée récemment dans la revue Nature, une étude menée par des universités suisse, britannique, catalane, et brésilienne, montre qu’elle fut un des grands foyers des prémices de l’agriculture (entre autres celle du manioc), il y a plus de 10.000 ans, au début de la période baptisée Holocène, après le dernier âge glaciaire. Sur cette partie de la Terre, l’action des cultivateurs a ainsi démarré, 8000 années plus tôt qu’on ne le pensait !
Selon José Iriarte, archéologue à l’université anglaise d’Exeter, l’un des co-auteurs de l’étude, « cette recherche nous aide à prouver que le sud-ouest de l'Amazonie est probablement la cinquième. ». Joint par Outre-mer la 1ère, le professeur Umberto Lombardo, de l’Institut de géographie de l’université de Berne, auteur principal, n’a pas de doute : « nous pouvons ajouter ce cinquième centre ». L’étude s’est focalisée sur une zone du sud-ouest de l’Amazonie, grande comme le sud de la France, dans les Llanos de Moxos, une savane au nord de la Bolivie.
Mais surtout, on a analysé des phytolithes, microscopiques concrétions végétales de silice (elles se forment à l’intérieur des plantes) bien conservées dans les forêts tropicales. Cela a permis d’identifier des traces de cultures de plantes alimentaires. En particulier, des ancêtres du maïs il y a 6.850 ans, des courges il y a 10.250 ans, et du manioc il y a 10.350 ans. D’autres remontent même à 10.400 ans. Ces premiers végétaux cultivés étaient essentiellement des féculents, aux rhizomes riches en glucides, donc en calories. Excepté le manioc, ils étaient faciles à cuisiner. Le poisson et la viande des animaux herbivores de la savane complétaient en protéines cette alimentation.
Un manioc, qui, de là, s’est répandu dans toute la grande région : Nord de l’actuel Pérou (il y a 8.500 ans), Colombie (il y a 7.000 ans), Panama (il y a 7.600 ans)… Le manioc cultivé et consommé actuellement en Guyane française, provient lui aussi des Llanos de Moxos.
Et l’on peut même spéculer sur l’ancienneté du passage progressif à l’agriculture de ces populations. Selon José Iriarte : « Les preuves que nous avons trouvées montrent que les premiers habitants de la région n'étaient pas seulement des chasseurs-cueilleurs tropicaux, mais des colonisateurs qui cultivaient des plantes. Cela permet de supposer qu'ils avaient déjà un régime mixte lorsqu'ils sont arrivés dans la région. »
Des populations parfois très avancées comme le signale dans un autre domaine Umberto lombardo :
Les recherches relatées dans Nature fournissent des preuves agricoles d’une toute autre ampleur. Et si les populations qui ont créé les buttes des îlots forestiers ont disparu, il y a 2.300 ans, elles ont « modifié le paysage de façon encore visible aujourd’hui ! » souligne Umberto Lombardo. Quant à celles qui leur ont succédé, elles n’ont pas été en reste.
D’ailleurs, d’autres travaux archéologiques ont indiqué qu’elle aurait compté jusqu’à 10 millions d’habitants, avant l’arrivée des Européens. Des peuples en grande partie décimés, ensuite, notamment par les maladies importées de l’Ancien monde.
L’une des cinq grandes zones du démarrage de l’agriculture
Jusqu’à présent, seules quatre régions de la planète semblaient avoir entamé aussi précocement la domestication des plantes : elles se situent au Proche-Orient (céréales, légumineuses…) et en Chine (riz) pour ce qui est de l’Ancien Monde. En Amérique centrale (maïs) et dans le nord-ouest de l’Amérique du Sud (pommes de terre, quinoa…) pour le Nouveau-Monde.Selon José Iriarte, archéologue à l’université anglaise d’Exeter, l’un des co-auteurs de l’étude, « cette recherche nous aide à prouver que le sud-ouest de l'Amazonie est probablement la cinquième. ». Joint par Outre-mer la 1ère, le professeur Umberto Lombardo, de l’Institut de géographie de l’université de Berne, auteur principal, n’a pas de doute : « nous pouvons ajouter ce cinquième centre ». L’étude s’est focalisée sur une zone du sud-ouest de l’Amazonie, grande comme le sud de la France, dans les Llanos de Moxos, une savane au nord de la Bolivie.
Des monticules élevés par l’homme pour cultiver, devenus îlots forestiers
Les données satellitaires ont permis d’y cartographier 6.643 ilots forestiers. Parmi eux, au moins 4.700 sont artificiels, on n’en avait pas la preuve, c’est désormais chose faite. Il y en avait d’ailleurs probablement beaucoup plus. Mais les supposés manquants doivent être enfouis sous les importants dépôts alluvionnaires qui ont, depuis, recouvert une partie de la région. De forme ronde, hauts de 50 cm à 3m et d’une superficie moyenne d’un demi hectare, ces monticules, élevés donc par l’homme, pour cultiver, ont permis, ensuite, la survie d’arbres. Comme les cultures de plantes qui les ont précédés, ceux-ci ont été ainsi maintenus au-dessus du niveau des eaux, lors des inondations de la savane environnante, durant les saisons des pluies entre décembre et mars.Les ancêtres du manioc, de la courge, du maïs…
Quatre-vingt-deux îlots forestiers de la région (plus un autre au Brésil) ont été particulièrement observés. Des échantillons de sol ont été prélevés par carottage : 64 îlots comportaient une couche épaisse de terre noire organique. Des restes de terre brûlée, de charbon de bois, de coquillages, et d’os attestent clairement de la présence humaine. D’après les datations effectuées sur 31 sites, elle a duré plus de 8.550 années. Soit de 10.850 à 2.300 ans, avant l’époque actuelle.Mais surtout, on a analysé des phytolithes, microscopiques concrétions végétales de silice (elles se forment à l’intérieur des plantes) bien conservées dans les forêts tropicales. Cela a permis d’identifier des traces de cultures de plantes alimentaires. En particulier, des ancêtres du maïs il y a 6.850 ans, des courges il y a 10.250 ans, et du manioc il y a 10.350 ans. D’autres remontent même à 10.400 ans. Ces premiers végétaux cultivés étaient essentiellement des féculents, aux rhizomes riches en glucides, donc en calories. Excepté le manioc, ils étaient faciles à cuisiner. Le poisson et la viande des animaux herbivores de la savane complétaient en protéines cette alimentation.
Le manioc de Guyane française a pour origine les Llanos de Moxos
Plusieurs de ces plantes sauvages ont été domestiquées en Amazonie. Comme des piments ou des haricots. Certaines peuvent l’avoir été quasi simultanément en plusieurs endroits de cette vaste région. C’est probablement le cas de la courge. D’autres ont peut-être débuté cette étape dans les Llanos de Moxos. On en est sûr pour le manioc, selon Umberto Lombardo : « Nous savons que la plante sauvage, à partir de laquelle il a été domestiqué, se trouvait dans les Llanos de Moxos »Un manioc, qui, de là, s’est répandu dans toute la grande région : Nord de l’actuel Pérou (il y a 8.500 ans), Colombie (il y a 7.000 ans), Panama (il y a 7.600 ans)… Le manioc cultivé et consommé actuellement en Guyane française, provient lui aussi des Llanos de Moxos.
Agriculture et échanges précoces en disent long
Cette progression du manioc est à mettre en parallèle avec celle du maïs. D’abord domestiqué dans l’actuel Mexique, il est arrivé rapidement en plusieurs endroits d’Amazonie, pourtant très éloignés, il y a environ 7.000 ans. Cela donne des indications sur le degré d’évolution des populations précolombiennes de l’époque. Comme le remarque Umberto Lombardo : « On a des gens qui pratiquaient l’agriculture très tôt sur tout le continent américain. Et qui y transportaient et échangeaient aussi, très tôt, les variétés de plantes cultivées. »Et l’on peut même spéculer sur l’ancienneté du passage progressif à l’agriculture de ces populations. Selon José Iriarte : « Les preuves que nous avons trouvées montrent que les premiers habitants de la région n'étaient pas seulement des chasseurs-cueilleurs tropicaux, mais des colonisateurs qui cultivaient des plantes. Cela permet de supposer qu'ils avaient déjà un régime mixte lorsqu'ils sont arrivés dans la région. »
Des populations parfois très avancées comme le signale dans un autre domaine Umberto lombardo :
On a, par exemple, trouvé une poterie vieille de 8.000 ans, réalisée en Amazonie brésilienne. On sait aussi que les habitants des Llanos de Moxos enterraient leurs morts dans les îlots forestiers. Ils avaient donc une sorte de religion ou de pensée métaphysique ».
L’Amazonie n’était donc pas un environnement vierge
Globalement, l’étude confirme, donc, et précise ce que les spécialistes présumaient déjà sur l’ancienneté de la présence et l’influence humaines dans les Llanos de Moxos, et de l’agriculture en Amazonie. Auparavant, seul l’examen de phytolithes d’une unique plante, la calathea allouia, avaient témoigné de sa culture précoce dans le haut bassin du Rio Madeira, un affluent de l’Amazone (calathea allouia qui est une parente, et peut être même l’ancêtre, du topinambour-pays des Antilles-Guyane).Les recherches relatées dans Nature fournissent des preuves agricoles d’une toute autre ampleur. Et si les populations qui ont créé les buttes des îlots forestiers ont disparu, il y a 2.300 ans, elles ont « modifié le paysage de façon encore visible aujourd’hui ! » souligne Umberto Lombardo. Quant à celles qui leur ont succédé, elles n’ont pas été en reste.
Des sociétés très complexes » qui ont laissé « de grandes constructions, des canaux »… « Elles cultivaient le maïs et d’autres plantes » rappelle le géographe, qui enfonce le clou : « L’idée selon laquelle l’Amazonie était un environnement vierge, où les hommes n’ont pas laissé leur empreinte, est fausse ! »
D’ailleurs, d’autres travaux archéologiques ont indiqué qu’elle aurait compté jusqu’à 10 millions d’habitants, avant l’arrivée des Européens. Des peuples en grande partie décimés, ensuite, notamment par les maladies importées de l’Ancien monde.