La Guyanaise Gemima Joseph n’a que 19 ans mais déjà des rêves en grand. La jeune sprinteuse vise les Jeux olympiques. Dès que possible. Pour ce faire, Gemima peut compter sur les conseils experts de son illustre entraîneure Katia Benth.
Nicolas Bouiges•
Un phénomène apparu soudainement sur les radars. Voilà comment définir l’arrivée de Gemima Joseph dans le monde de l’athlétisme tricolore. Taille modeste. Frêle silhouette. Un entraînement basé à Kourou en Guyane. Discrétion garantie. Sans oublier ce doux regard souriant. En apparence donc, rien d’une tueuse des pistes.
Qui aurait pu se douter ? La Guyanaise a commencé par tout rafler au niveau national. Sur 100 et 200 mètres chez les cadettes. Elle intègre alors l’équipe de France où elle devient vice-championne d’Europe du 200 mètres. Rebelotte chez les juniors. Désormais Gemima Joseph est la sprinteuse française leader dans sa catégorie d’âge. De quoi émouvoir son entraîneure et mentor, Katia Benth.
Et pourtant, la belle histoire aurait pu tourner court. Il y a sept ans de cela, Gemima Joseph pratiquait l’athlétisme avant tout pour… s’amuser. Vive le sport loisir. Puis arrive la première année en tant que benjamine dans son club de Roukou. La nouvelle entraîneure s’appelle Katia Benth. Et attention, ça ne rigole plus : "J’ai tout de suite vu le changement d’ambiance. Avec Katia, c’était du sérieux. J’ai alors demandé à ma mère de ne pas me réinscrire. Sauf qu’elle ne m’a pas écouté. Et cette première année chez les benjamines a marqué le début d’une aventure unique. Aujourd’hui, je ne me vois plus quitter Katia."
Le duo Joseph / Benth fonctionne tellement bien que le petit prodige de Kourou décroche sa place dans les différentes équipes de France jeunes. La fusée Gemima est déjà programmée pour un lancement international lors des JO de Paris 2024.
Après une année 2019 particulièrement éprouvante, Gemima Joseph pouvait espérer une année 2020 apaisée. Son mentor Katia Benth était de retour en Guyane. De belles échéances approchaient. Avant qu’une pandémie mondiale ne vienne tout chambouler : "N’oubliez pas que la Guyane a été très longtemps confinée, rappelle Gemima. Au printemps dernier, je n’avais même pas le droit d’entrer sur un stade. J’ai manqué de temps. Lorsque je suis arrivée à l’INSEP en juillet pour la préparation finale des championnats de France élite, j’accusais un gros retard."
En octobre 2021, Gemima soufflera ses vingt bougies. Hier encore, elle courait et gagnait sans mesurer l’étendue de son talent. Douce période d’insouciance des années cadettes et juniors. Mais en septembre dernier lors de ses premiers championnats de France élite, la Guyanaise a découvert le mot pression : "Ça m’a sauté en pleine face, confirme Gemima. En plus, il s’agissait de mon unique compétition de l’année. Si j’avais fait n’importe quoi, j’aurais pu perdre des partenaires précieux. Une fois encore, Katia Benth était à mes côtés. Heureusement. Elle m’apprend à contenir mon stress, à en faire une force."
En 2021, Gemima Joseph compte bien vivre une saison normale. À huis clos ou pas, les mesures sanitaires devraient autoriser la tenue de l’ensemble des rendez-vous annoncés en athlétisme. À commencer par les Jeux Olympiques de Tokyo. Un événement qui arrive peut-être un peu tôt pour une jeune championne surtout attendue aux JO de Paris en 2024 : "Je ne suis pas d’accord, conteste-t-elle tout sourire. Je prépare Paris 2024, c’est vrai. Mais s’il y a une place pour moi l’été prochain dans le relais par exemple, je ne refuserai certainement pas l’invitation à m’envoler pour le Japon !"
D’ici là, Gemima alterne études et entraînement avec le plus grand sérieux. Durant la semaine, elle étudie à Cayenne où elle est en première année de DCG (Diplôme de Comptabilité et de Gestion). Le week-end, elle rentre chez elle à Kourou.