Chez Wilfried Happio, on pourrait presque dire qu'il y a eu un avant et un après… été 2022. Avant, le Martiniquais était un très bon coureur de 400 mètres haies. Champion de France senior de la discipline sans discontinuer depuis 2019. Champion d'Europe juniors en 2017. Champion d'Europe espoirs en 2019. Demi-finaliste olympique à Tokyo en 2021. Chapeau bas.
Un palmarès digne d'un athlète prometteur de 23 ans. Sauf que Wilfried ne parvenait pas à descendre sous les 49 secondes. Inexplicable. Jusqu'à la finale des championnats de France à Caen. Samedi 25 juin 2022. 48 secondes 57. Le chrono qui change tout. Qui libère. Non seulement Wilfried Happio se qualifie pour les championnats du Monde à Eugene aux États-Unis. Mais il change aussi et surtout de dimension.
Le grand déclic
Le Happio nouveau a donc débarqué sur les pistes à l'été 2022. Plus de limites. Ou disons, plus d'autolimites. Sur la piste mythique de l'Oregon face aux meilleurs mondiaux, le Martiniquais a confirmé sa marche en avant. "Je crois que le fameux déclic, analyse Wilfried vient du boulot réalisé toute cette année avec mon coach. Chaque saison est un apprentissage. Et puis bien sûr, il y a la maturité qui s'installe. Tout s'est bien goupillé. J'ai osé me transcender. À Eugene, j'ai su profiter de l'ambiance, du stade et de ce championnat pour donner mon meilleur."
Un travail qui paie enfin. "J'ai tellement sué à l'entraînement si vous saviez." Et une approche mentale plutôt atypique. "En France, il est parfois mal vu de viser haut." Wilfried Happio préfère copier l'exemple US. "Dans l'ensemble, les athlètes américains osent croire en eux et en l'impossible. C'est ce qu'on a fait durant tout ce mois de juillet. No limit. Vise les étoiles et tu atteindras la lune !"
La belle aventure américaine
À Eugene, l'athlète français a rejoint la finale mondiale du 400 mètres haies après deux premiers tours impeccables. Lors de son ultime tour de piste, Wilfried a joué une partition de toute beauté. Une partition écrite avec son entraîneur Olivier Vallaeys. D'ailleurs, l'athlète martiniquais parle rarement de SA mais plutôt de LEUR réussite sportive : "La seule erreur qu'on pouvait faire, c'était de ne pas croire en nous. Comme quoi on a bien fait de voir haut."
Quatrième de la finale mondiale. 47 secondes 41. Deuxième français le plus rapide de l'histoire sur 400 haies. À seulement deux centièmes de la médaille de bronze. De quoi passer des nuits et des nuits à refaire la course. Encore et encore. "On se rejoue toujours la scène. Qu'elle se passe bien ou pas. Je ne vous cache pas qu'il y a eu énormément de déception. Mais il faut accepter le résultat. L'Américain Bassitt qui me précède de deux centièmes, a su tout donner. Il a donc été meilleur. Reste mon chrono. Désormais, on me compare à Stéphane Diagana, le mentor de la discipline française."
Des ambitions légitimes
Avec un record personnel à quatre centièmes du record de France, Wilfried Happio a définitivement changé de catégorie. L'outsider d'hier est devenu le favori d'aujourd'hui. D'autant plus à quelques jours des championnats d'Europe à Munich (15 au 21 août 2022). "Je sens bien les attentes, les regards, les comparaisons. Je vais tout donner. Attention tout de même. Ça reste un championnat. Tout peut arriver. Surtout dans une discipline où il y a des obstacles. Je vais devoir être à mon meilleur."
En Allemagne, Wilfried Happio pourra compter sur son mental, sa nouvelle dimension, le soutien indéfectible de son entraîneur et sur un physique totalement épargné en 2022. "Dans ma carrière, c'est la première année qui se déroule sans le moindre pépin physique. Ça veut dire que les entraînements étaient bien adaptés à mon corps. En outre, ce dernier a bien réagi au stress."
Karsten Warholm, l'ogre norvégien du 400 haies est prévenu. Wilfried Happio a lui aussi, un très gros appétit. En finale à Eugene en juillet, le petit français a mangé l'immense champion olympique. Bis repetita à Munich en août ?